Réforme des contrats de travail : tour d’Europe de ce qui existe et marche ailleurs <!-- --> | Atlantico.fr
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La période d'essai est de 12 mois au Royaume-Uni.
La période d'essai est de 12 mois au Royaume-Uni.
©Reuters

Road-trip de l'emploi

Mardi 9 juin, le gouvernement doit dévoiler de nouvelles mesures pour relancer l’emploi dans les TPE et les PME. L’idée ne manque pas d’audace si l’on admet l’hypothèse que l’emploi n'est qu'accessoirement déterminé par la réglementation. Voici en tout cas l’occasion de mener un "examen de conscience" sur la générosité des dispositions applicables aux CDI par rapport aux voisins européens.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Comment comparer les contrats de travail ?

Un contrat de travail comporte des clauses qui en déterminent le contenu : la rémunération et la durée du travail, notamment. Accessoirement, la durée de la période d’essai ou du préavis en cas de licenciement, ainsi que le montant de l’indemnité de licenciement sont des éléments importants pour comprendre le degré de rigidité ou de flexibilité du contrat.

Les comparaisons qui suivent portent sur les dispositions légales et n’intègrent donc pas les dispositions conventionnelles.

La période d’essai la plus longue : en Grande-Bretagne

Fixée au maximum à 12 mois en Grande-Bretagne, la période d’essai permet à l’employeur de "tester" son salarié. L’Allemagne a trouvé une formule originale en permettant une première période de six mois, qui peut déboucher sur un CDI comportant une période de six mois. La France se situe dans la moyenne européenne avec un maximum de 8 mois pour les cadres. Le pays le plus favorable est le Danemark, avec trois mois de période d’essai.

Le préavis de licenciement le plus court : en Grande-Bretagne

Pour un salarié recruté depuis moins de deux ans, le préavis de licenciement est d’une semaine. Une durée imbattable par rapport aux autres pays de l’Union : 15 jours en Espagne, 1 mois en France et en Allemagne, 3 mois au Danemark. Pour les salariés plus anciens, la durée peut varier. D’une manière générale, la Grande-Bretagne reste dans tous les cas d’ancienneté la championne incontestable de la brièveté.

L’indemnité de licenciement la plus basse : en France

Curieusement, c’est la France qui est la plus dure en matière d’indemnité de licenciement, avec un cinquième de mois par année travaillée. La Grande-Bretagne a prévu un dispositif complexe, lié à l’âge, pour les indemnités de licenciement. La norme la plus répandue est d’offrir une semaine de salaire d’indemnité par année travaillée. En Allemagne, la somme est de deux semaines par année travaillée. En Espagne, la somme est de 20 jours par année travaillée.

Les congés légaux les plus courts : en Grande-Bretagne

Avec 20 jours légaux de congé annuel, les Britanniques sont les moins bien lotis d’Europe. L’Allemagne prévoit 24 jours annuels au minimum, quand l’Espagne est à 22 et le Danemark à 25. Avec ses 30 jours minimum annuels (sans compter les RTT), la France bat le record européen des vacances.

La question des conventions collectives

Au vu de ces constatations, la France paraît donc proposer un régime légal plutôt favorable, sans toutefois excéder des limites raisonnables, sauf sur la question des congés où la différence avec nos partenaires est notable. Pour le reste, la France se maintient dans une moyenne correcte, généreuse sans doute, mais difficilement attaquable dans l’absolu.

Comment expliquer dès lors le sentiment d’une trop grande générosité ou d’une trop grande rigidité du contrat de travail à durée indéterminée en France ? La différence vient largement des dispositions prévues par les conventions collectives, qui ajoutent souvent des avantages importants aux dispositions légales : des périodes d’essai plus courtes (mais aussi parfois plus longues), des préavis plus longs, des indemnités beaucoup plus confortables.

Si l’on se souvient que la France compte près de 1.000 conventions collectives, dont la moitié sont réputées "actives", c’est-à-dire donnant lieu à des négociations régulières et approfondies, on mesure le désastre. 1.000 conventions collectives, ce sont 1.000 occasions de diverger, de déroger, d’améliorer les dispositions légales applicables au contrat de travail.

La particularité de ces conventions collectives est d’être négociée entre organisations patronales et syndicats de salariés. Quand une convention de branche prévoit un préavis de trois mois avec un mois d’indemnité par année d’ancienneté, soit cinq fois plus que le minimum légal, la question du contrat de travail se pose évidemment de façon très différente.

Plutôt que d’évoquer la question du contrat de travail et de son régime légal, le gouvernement pourrait donc utilement interroger les entreprises sur leur degré de satisfaction vis-à-vis des conventions collectives existantes, et des empilements de mesures négociées souvent de façon opaque. A titre d’exemple, la convention collective des journalistes prévoit un treizième mois obligatoire pour tous les salariés. Est-il raisonnable, à un moment où la presse souffre tant, de maintenir des dispositions de ce genre ?

On me répondra à juste titre que le gouvernement n’est pas qualifié pour traiter cette question qui relève des branches professionnelles et de leurs partenaires sociaux. Précisément, le débat est bien là : la rigidité du marché du travail est largement le fait de mouvements patronaux qui la dénonce, mais qui la pratiquent allègrement en signant des accords de branche qui sont autant de corsets pour les entreprises qui doivent les appliquer. 

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