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Nucléaire : assassinats d’ingénieurs et guerre secrète entre l'Iran et Israël
©Reuters

Bonnes feuilles

La guerre entre ces deux puissances du Moyen- Orient a déjà commencé : course à l’armement, assassinats d’ingénieurs, virus informatiques... C’est une guerre "probatoire", une guerre invisible. Est-il encore possible de freiner ou arrêter ce face-à-face qui menace d’aboutir à un affrontement réel et généralisé ? Extrait de "Iran-Israël : une guerre technologique", de Sarah Perez, publié chez les éditions François Bourin Editeur (1/2).

Sarah  Perez

Sarah Perez

Sarah Perez est docteur en sciences politiques. Elle est consultante risque-pays et participe aux travaux d’un think tank sur le Moyen-Orient.

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Pour retarder le programme nucléaire iranien, Israël mène depuis des années une guerre de l’ombre pour éliminer les savants iraniens. Le 11 janvier 2012, l’ingénieur en chimie Mostafa Ahmadi Roshan, directeur adjoint pour les affaires commerciales de la centrale nucléaire de Natanz, principal site d’enrichissement d’uranium du pays, meurt dans l’explosion d’une bombe magnétique placée par un motard sur sa voiture, alors qu’il circulait dans l’est de Téhéran. Il est le quatrième ingénieur assassiné en deux ans. Moins de deux heures après l’annonce de l’attentat, le vice-président iranien Mohammad Reza Rahimi accuse Israël et les États-Unis. Si le silence est de mise en Israël, il ne fait plus aucun doute que l’État hébreu cherche à saboter l’avancée du programme nucléaire iranien. Cette volonté de s’en prendre aux acteurs du programme nucléaire n’est pas nouvelle. Le Mossad a toujours mis en garde les scientifiques impliqués dans les activités de développement au moyen de lettres personnelles précisant ses intentions. Il passe ensuite à l’action lorsque l’avertissement n’a pas été suivi d’effet. Les assassinats ciblés s’inscrivent dans un cadre légal. Ce genre de décision n’est pas du ressort du Mossad, qui n’est qu’exécutant. Les dirigeants politiques israéliens sont les seuls à décider du programme de leurs services secrets pour éviter tout débordement et toute action contraire à la stratégie du gouvernement. Une commission secrète, dirigée par le premier ministre et composée des patrons des services secrets, de militaires, et de fonctionnaires du ministère de la justice faisant fonction d’avocats pour la cible, ordonne ou non l’exécution. Les scientifiques iraniens sont devenus les cibles privilégiées d’une guerre psychologique. Cette guerre se joue par le jeu des pressions diplomatiques et des sanctions, et dans l’ombre, par les assassinats ciblés et les cyberattaques.

Cette série d’assassinats d’ingénieurs ravive les tensions entre les services secrets mais il est difficile à ce jour de savoir si ces assassinats ciblés ont permis ou non de retarder le programme nucléaire de la République Islamique et s’ils sont de nature à repousser ou éviter un bombardement par l’aviation israélienne des installations iraniennes.

Côté iranien, la force Al-Qods, fondée au début des années 1990, est soupçonnée d’être impliquée dans de multiples assassinats (ou tentatives d’assassinats). Cette faction clandestine est considérée comme le fer de lance du régime des mollahs. En février 1979 déjà, quelques jours seulement après avoir pris les rênes du pays l’ayatollah Khomeyni exposait les premières bases de sa vision théocratique du pouvoir. Un noyau dur chargé d’assurer la protection du nouveau régime est créé, l’embryon des futurs pasdarans, les gardiens de la révolution. Un corps redoutable destiné, selon les termes qui figurent dans la Constitution, à « répandre la jurisprudence de la loi de Dieu partout dans le monde ». La force Al-Qods18, fondée deux ans après la fin de la guerre contre l’Irak (1980-1988), en sera l’instrument privilégié. Emanation directe des gardiens de la révolution, cette force est placée à sa création sous la coupe d’Ahmad Vahidi, commandant du renseignement militaire des pasdarans, perçu comme le mieux placé pour « exporter la révolution ». Il a notamment participé à la création du mouvement chiite Hezbollah en 1982. Dans le même temps, le ministère du renseignement et de la sécurité nationale qui a pris en 1979 la relève de la Savak (police secrète du chah), traque les ennemis de la République islamique, notamment l’Organisation des moudjahidines du peuple d’Iran, principale force d’opposition intérieure et le Conseil national de la résistance iranienne. La force Al-Qods oeuvre sur plusieurs fronts : collecte du renseignement, déstabilisation de gouvernements jugés hostiles, formation et financement de mouvements islamiques révolutionnaires étrangers, élimination ciblée de dissidents, perpétration d’attentats à l’étranger comme celui du 18 juillet 1994, au centre communautaire juif AMIA de Buenos Aires, la capitale argentine, qui survient deux après celle devant l’ambassade d’Israël, le 17 mars 1992 et qui avait fait 29 morts.

Aujourd’hui, le régime iranien, largement contesté par la communauté internationale du fait de ses ambitions nucléaires, compte plus que jamais sur son armée de l’ombre, dirigée par le général Qassem Suleimani, pour jouer les garde-fous aux niveaux national et international. Ce dernier a d’ailleurs été désigné « Personnalité de l’année » en Iran dans un sondage du site Khabaronline.ir19, paru le 21 mars 2015. Il symbolise ainsi l’influence grandissante de Téhéran dans les conflits régionaux.

Extrait de "Iran-Israël : une guerre technologique - Les coulisses d'un conflit invisible", de Sarah Perez, publié chez François Bourin Editeur, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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