Laurent Baumel : “La droite essaie de refaire le coup de la manif pour tous sur la réforme du collège”<!-- --> | Atlantico.fr
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Laurent Baumel (à gauche) aux côtés de Jérôme Guedj
Laurent Baumel (à gauche) aux côtés de Jérôme Guedj
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Grand entretien

Egalement, le député socialiste considère que les frondeurs -dont il fait partie- "ne sont pas la cause des défaites socialistes mais leur symptôme".

Laurent Baumel

Laurent Baumel

Laurent Baumel est membre du Parti socialiste. Il est notamment l'un des fondateurs du mouvement "La Gauche Populaire"

 

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Atlantico : La loi Macron a été largement libéralisée au Sénat. Or les sénateurs PS se sont abstenus. Comment analysez vous ce vote ?

Laurent Baumel : Ça me laisse un peu perplexe, je n'ai pas d’interprétation évidente. Je me dis que peut-être les idées sociales libérales sont plus avancées chez les sénateurs que chez les députés ou chez les militants socialistes. Au PS, la ligne Valls n’est pas du tout assumée puisque la direction à fait appel à Aubry pour colorer son texte. Du point de vue du gouvernement, cette stratégie me paraît absurde car il avait déjà dû utiliser le 49-3 à l'Assemblée et là ils déplacent encore le compromis de ce texte mais dans le mauvais sens. Ils ne se mettent pas en situation de rectifier le texte à l'Assemblée.

La loi va maintenant être discutée en commission mixte paritaire. Qu'attendez-vous des débats qui s'annoncent ? Pourra-t-elle être améliorée ?

Je ne sais pas, les socialistes auront-ils a cœur de rétablir la version initiale du texte dont je rappelle qu’elle n'avait pas suffit à permettre une adoption par la voie régulière, ou est-ce qu'au contraire ils valideront la position du Sénat ? Ou encore, est-ce qu'au contraire ils prendront en compte les propositions des frondeurs ?

Lorsqu’avec Christian Paul nous en avions discuté, en mars, avec certains membres du gouvernement, on avait eu, au contraire, le sentiment qu'un petit effort pourrait être fait en deuxième lecture pour essayer d’aplanir les difficultés afin d'éviter de recourir au 49-3, mais là, l’épisode sénatorial me laisse perplexe.

Le vote de la commission mixte paritaire interviendra entre le vote des motions et le congrès du PS. Quelle influence cet agenda peut-il avoir ?

C'est un débat peu lisible pour les militants. Mais certains peuvent néanmoins comprendre que cela illustre une forme de double jeu entre la motion de la direction qui a fait toute sa place aux idées de Martine Aubry d'une part, et une pratique gouvernementale qui semble rester dans la logique de Manuel Valls et François Hollande d'autre part.

On a vu que lors de son voyage à Cuba, François Hollande tentait de séduire, par quelques symboles, l'aile gauche du PS. Une rencontre avec Fidel Castro suffit-elle à gauchiser le Président ?

Il ne faut peut-être pas trop nous prendre pour des imbéciles, vous pensez vraiment que parce que Hollande va rendre visite à Fidel Castro je vais changer d’avis sur le pacte de responsabilité ? S'il le croyait réellement ce serait dramatique. Qu'il aille voir Castro en tant que personnage historique soit, mais ça ne change absolument pas l'appréciation que les gens ont aujourd’hui de la politique qui est menée.

Quels sont vos espoirs pour le congrès ? Pour la motion B ?

On espère faire un score très élevé et à travers ce score, et montrer que les militants socialistes souhaitent réellement une inflexion.

Et qu'est-ce que cela pourrait-il changer ?

Certes, la constitution protège le Président de l'influence du parti majoritaire durant la durée du quinquennat mais il faudra bien, à un moment, qu’il rassemble son camp. Il ne pourra pas ignorer, mois après mois, les messages qui sont envoyés. La fronde, pour l'instant, a été cantonnée au Parlement même si elle l'a été difficilement puisqu'il a fallu utiliser l'arme du 49-3 pour faire passer la loi Macron car il n'y avait plus de majorité. Mais si l'interpellation sur un changement de ligne devait prendre une certaine ampleur au sein du PS, cela deviendrait vraiment difficile pour le Président de dire qu’il continue comme si de rien n'était car c’est son propre parti qui l'interpellerait. Donc le rétrécissement de la majorité finira par avoir des conséquences pour lui aussi.

Si aucune inflexion n'était donnée à la politique du gouvernement, demanderiez-vous la tenue de primaires pour 2017 ?

Ça n'est pas forcement comme ça que les choses se passeront, mais François Hollande créerait les conditions politiques qui réduiront ses chances d'être candidat. Vous ne pouvez pas ne pas avoir le pays avec vous, ne pas avoir la gauche et ne pas avoir votre parti. Si le parti lui demande réellement une inflexion je vois mal comment il pourrait faire comme si de rien n'était.

Il espère qu'un remaniement à l'issue du congrès, que l'entrée de quelques frondeurs, suffira à aplanir les choses...

Il n'y aura pas de frondeurs au gouvernement. On ne rentrera pas au gouvernement sur une base politique inchangée. La question, ça n'est pas le casting mais l'orientation.

Ces tensions au PS ne risquent-elles pas, au final, de donner une longueur d'avance à la droite en vue de la présidentielle ?

C’est ce que j'entends tous les soirs dans les débats internes, c'est à peu prêt le seul argument, répété en boucle, par les dirigeants actuels du parti et les partisans de la motion A mais je conteste cette analyse. Je pense qu'il n'y a pas une opinion publique qui serait tendanciellement satisfaite de la politique gouvernementale et qui serait détournée de cette politique par les frondeurs. Je ne pense pas que nous ayons une influence déterminante sur le point de vue que les gens ont de la politique gouvernementale. Ça n'est pas la division ou le débat qui sont à l'origine de nos défaites, c'est le fait que les gens voient la politique que nous menons et ne se reconnaissent pas en elle. Les frondeurs ne sont pas la cause des défaites mais leur symptôme.

Comment jugez-vous les débats autour de la réforme du collège ?

Il y a une part d'hystérisation de la droite qui est montée dans les tours très rapidement et qui essaie, sans doute, de refaire le coup de la manif pour tous.

Mais on a aussi vu Ségolène Royal ou Jack Lang émettre des réserves...

Oui, il y a un débat classique qui traverse la gauche et le pays depuis longtemps sur les objectifs de l’Éducation nationale : est-ce que c'est lutter contre les inégalités ou offrir des apprentissages fondamentaux. On retrouve ce débat là parce que la volonté de la ministre de lutter contre des formes de sélection sociale par le choix des filières est louable mais si ça se fait au détriment de l'enseignement de disciplines fondamentales, ça pose d'autres problème. On est dans cet équilibre là.

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