Facebook se lance dans les petites annonces : pourquoi sur Internet, ce sont les vieilles recettes qui marchent le mieux<!-- --> | Atlantico.fr
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Facebook a décidé de se lancer sur le marché des petites annonces.
Facebook a décidé de se lancer sur le marché des petites annonces.
©Reuters

Recherche appartement

Facebook se lance dans les petites annonces. On pourra dorénavant faire une simple recherche par objet sur le réseau social pour trouver une baby-sitter, une place de concert, sa future voiture ou son prochain canapé d’occasion.

Thierry Pénard

Thierry Pénard

Thierry Pénard est professeur d'économie à l'Université Rennes 1, directeur du Master "Economie des technologies de l'information et du e-business.

Il est co-auteur du livre "Economie du numérique et de l'internet" aux éditions Vuibert.

 

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Atlantico : Facebook a décidé de se lancer dans un marché des petites annonces qui semble bien loin des innovations auxquelles on pourrait s’attendre de la part d’un géant de l’internet. Qu’est-ce que cette décision nous apprend du modèle de l’économie numérique ?

Thierry Pénard : Le choix de Facebook de se lancer dans les petites annonces, et donc de répliquer à ce qui existe déjà (Le Bon Coin par exemple), rentre dans double stratégie. Il s’agit d’attirer de nouveaux utilisateurs tout en faisant en sorte de conserver le plus longtemps possible sur sa plateforme ceux qui lui sont déjà fidèles. Le rachat de What’s Up l’an dernier répond à cette logique. L’idée est toujours la même, il faut multiplier les services et les applications pour se constituer un véritable écosystème. L’internaute n’a alors plus besoin de sortir de Facebook puisqu’il y trouve tout ce dont il a besoin. L’autre objectif est d’avoir toujours plus d’abonnés pour avoir toujours plus de d’informations à revendre. Avec les petites annonces, on peut savoir ce que les utilisateurs achètent et vendent. On peut donc davantage cibler les annonces publicitaires en fonction des habitudes de consommations des internautes.

Ce que cette stratégie nous dit du modèle économique du numérique c’est que lorsque vous êtes un acteur installé comme Facebook, vous êtes attaqués de toute part par des nouveaux acteurs. Ces start-ups sont beaucoup plus agiles et face à ces menaces, la seule solution est d’avancer soit en reprenant les idées des autres soit en rachetant des entreprises en plein essor et qui risqueraient à termes de vous remplacer. Il ne faut pas oublier que Facebook a détrôné les réseaux sociaux tels que Myspace qui existaient déjà avant lui. Facebook ne veut pas être le Myspace de demain. Il est donc nécessaire pour sa survie que Facebook reste vigilant et toujours en mouvement. L’idée de ces petites annonces, une recette qui a déjà fait ses preuves par le passé, est un signe donné aux investisseurs. C’est la preuve rassurante que Facebook continue d’innover pour attirer de nouveaux utilisateurs tout en se basant sur des applications qui ont toujours marché.    

Est-ce que cela signifie que les investisseurs sont en attente de modèles qui ont déjà fait leur preuve ?

Aujourd’hui quand vous voyez la valorisation de Facebook, les investisseurs attendent une augmentation du chiffre d’affaire et des profits. Donc ça peut être rassurant de voir la firme se lancer dans des modèles dont on sait déjà qu’ils marchent. En cela, les petites annonces génèrent du chiffre d’affaire et de la marge. Quand on regarde les  modèles qui ont fait leur preuve, ils ne sont pas si nombreux. Mais pour réussir il faut être à la fois dans l’exploitation des vieilles recettes qui marchent et dans l’exploration de nouveaux services. Dans le cas des petites annonces, c’est un principe qui a déjà fait ses preuves, internet est simplement un moyen de passer à l’échelle supérieure en touchant des millions d’utilisateurs au lieu de quelques milliers comme auparavant dans la presse papier auparavant.

Quel sont les modèles qui ont fait leur preuve ?

Tout d’abord, il y a le modèle de mise en relation de vendeurs et d’acheteurs. C’est ce que l’on retrouve avecEbay, le Bon Coin, et Facebook maintenant avec Facebook. Le second modèle c’est le modèle publicitaire. Il s’agit d’une mise en relation des utilisateurs et des annonceurs. C’est ce que Facebook avait privilégié et que l’on retrouve dans de nombreux sites de média. Ensuite, d’autres modèles existent mais ils sont plus aléatoires. C’est le cas du freemium où une partie du contenu ou des services est gratuit et où vous pouvez payer pour avoir des services avancés de meilleure qualité. C’est sans doute ce modèle qui a le plus de difficulté pour s’imposer.

En clair, deux logiques existent. On peut se développer sur le modèle d’audience. Certains services sont gratuits pour attirer le plus grand nombre d’utilisateurs et la firme  revend ensuite des informations aux annonceurs. Il s’agit de faire du profit sur la valorisation des données collectées auprès des utilisateurs pour cibler les publicités et c’est sur ce modèle que Facebook ou Google ont fondé leur succès. En face, l’autre modèle se base sur une commission établie à chaque fois que deux acteurs se mettent en relation via une plateforme. C’est le modèle utilisé par E-bay mais aussi de BlaBlaCar, d’Uber et d’Airbnb. L’utilisateur paye une commission à chaque fois qu’une transaction s’effectue via la plateforme.

Facebook a déjà proposé de réelles innovations comme par exemple la reconnaissance faciale. Les petites annonces sont-elles la preuve que la logique de court terme prévaut à la logique de long terme ?

Cette annonce qu’à fait Facebook est bien entendu là pour montrer aux investisseurs que la firme n’est pas seulement préoccupée par des innovations à long terme mais que la marque a aussi un souci de rentabilité dans l’immédiat en valorisant sa base d’utilisateurs. Et dans cette optique il y a la publicité mais aussi d’autres sources de revenus avec par exemple les petites annonces. C’est dans cette logique aussi que Facebook a développé des jeux. La logique est de trouver des recettes. Facebook n’est pas loin ici de la logique de la presse papier. Un journal gagne de l’argent à travers trois canaux : l’achat par le lecteur du titre, la publicité et les petites annonces qui ont certes beaucoup diminué depuis. Donc de ce point de vue, Facebook ne fait que décliner ce que les journaux en leur temps avaient développé. La seule différence c’est que Facebook n’a jamais fait payer l’accès à son service.

On a souvent parlé de la rupture que représentait internet. Finalement revenir aux petites annonces n’est-ce pas une façon de dire que cette rupture n’a jamais eue lieu ? 

Internet présente quand même des spécificités. Le numérique c’est la recombinaison d’activités classiques tout n y ajoutant de la mise en relation à travers les réseaux sociaux ainsi qu’une dimension algorithmique. Donc il y a quand même une composante supplémentaire. Tous ces services qui existent encore dans le monde physique trouvent dans le numérique de nouvelles déclinaisons et une seconde vie. Amazon peut être assimilé par exemple à une simple librairie. Pourtant il y a une grande différence puisqu’Amazon va ajouter au service classique de vente de livres un ensemble d’algorithme qui va permettre d’émettre des recommandations au futur acheteur et d’indiquer ce que d’autres personnes ayant opté pour le même livre ont acheté par ailleurs. Ici encore, on se serre des vieilles recettes qui marchent dans le physique et on l’améliore à travers le numérique.

Si l’on prend l’exemple des petites annonces, il fallait sur papier faire soi-même le tri parmi des milliers de propositions et on perdait beaucoup de temps. Avec Internet, il est devenu beaucoup plus simple et rapide de trouver ce que l’on cherche. La dimension de réseau social apporte un facteur fondamental dans tout marché, celui de la confiance. En effet, Facebook permet d’avoir des informations sur la personne avec laquelle on est mis en relation. C’est la force du réseau social qui donne permet de toucher un maximal de personnes tout en créant de la confiance.

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