Pourquoi le cas de Maryvonne, 83 ans, empêchée de rentrer chez elle par des squatteurs... et par la loi, est malheureusement courant<!-- --> | Atlantico.fr
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Infirme et malvoyante, Maryvonne Thamin ne peut plus réintégrer sa maison (photo d'illustration : serrure de porte d'entrée)
Infirme et malvoyante, Maryvonne Thamin ne peut plus réintégrer sa maison (photo d'illustration : serrure de porte d'entrée)
©Pixabay

#JeSuisMaryvonne

Infirme et malvoyante, Maryvonne Thamin ne peut plus réintégrer sa maison, occupée depuis sept ans par des squatteurs au prétexte que celle-ci était inoccupée. Elle vivait depuis plusieurs années chez son compagnon, décédé il y a deux mois. Elle dit vouloir terminer ses jours chez elle, mais la loi ne lui facilite pas la tâche.

Patrick  Chappey

Patrick Chappey

Patrick Chappey est un professionnel du secteur immobilier depuis de longues années. Il a développé le réseau Imax, composé de 12 agences en Ile-de-France. Il est également le fondateur de Gererseul.com en 2009.

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Atlantico : Une femme de 83 ans se retrouve à la porte de son logement à Rennes, occupé depuis 7 ans par des squatteurs. Elle vivait ces dernières années chez son compagnon, décédé il y a deux mois, et cherche aujourd'hui à reprendre possession des lieux. Ce cas est-il représentatif d'une réalité en France ?

Patrick Chappey : Ce genre de dossier est malheureusement très fréquent en France. On se rend compte que la justice, dans ces cas particuliers qui sont extrêmement complexes, va toujours dans le sens du locataire et non dans celui du propriétaire. Cela peut se comprendre de temps en temps d'un point de vue social, mais dans d'autres, comme celui-ci, le dispositif législatif a des conséquences catastrophiques. Des personnes installées chez vous depuis plus de 48 heures ne peuvent pas être exclues : aussi incroyable cela puisse-t-il paraître, le propriétaire ne peut strictement rien faire. Notre système permet à des personnes qui sont entrées par effraction et qui ont mis l'électricité à leur nom de considérer moins de trois jours plus tard qu'elles se trouvent dans leur domicile.

A-t-on une idée de la fréquence de ce type de situation ?

C'est un cas que, par expérience, j'ai rencontré de nombreuses fois via des clients. Pour preuve, les personnes qui gèrent directement leurs biens immobiliers se montrent généralement extrêmement vigilantes entre deux locations, ou lorsqu'elles s'absentent de leur propre résidence principale pour quelques jours. Beaucoup de personnes me demandent aussi de manière préventive comment elles peuvent faire pour réduire au maximum le risque de se retrouver dans le cas de cette dame, soit parce que cela leur est déjà arrivé, soit parce qu'elles ont pris conscience de cette réalité.

La complexité du système est telle que – et la loi Alur n'a rien arrangé – si une personne s'installe à votre domicile principal ou dans un autre bien immobilier qui vous appartient et parvient à faire installer l'électricité, ce qui est aujourd'hui extrêmement simple (un transfert de ligne téléphonique avec un faux bail se fait dans la journée), le tout en moins de 48h, alors vous vous trouvez particulièrement ennuyé, car il vous revient de démontrer et prouver à la police que vous avez libéré le bien moins de 48h avant. Si le propriétaire ne parvient pas à prouver cela, il doit obtenir une ordonnance d'expulsion du tribunal de grande instance. Une procédure très compliquée.

En outre, la trêve hivernale empêche jusqu'à fin mars d'entamer l'expulsion d'une personne qui réside illégalement dans une maison ou un appartement.

Dans quel contexte plus global le cas de cette femme et des personnes qui se trouvent dans la même situation s'inscrit-il ?

Il existe un problème de logement de manière générale. Pour pallier ce problème, et parce qu'ils n'ont pas moyen d'y faire face, les pouvoirs publics laissent faire au moyen d'une règle extrêmement compliquée. Et pendant ce temps-là, comme chez cette habitante de Rennes, les occupants ont tout loisir de casser des murs s'ils le veulent, et de refaire la "déco". Elle se retrouvera donc avec des frais supplémentaires lorsqu'elle aura pu investir les lieux de nouveau. Elle entend obtenir gain de cause, mais je peux vous dire que ce ne sera pas simple.

Un simple départ en weekend prolongé, et on peut se retrouver mis à la porte de chez soi par un intrus ?

Effectivement, c'est pourquoi il ne faut pas hésiter à demander à ses voisins ou des amis de vérifier les lieux en cas d'absence prolongée. Des mesures de protection peuvent être efficaces. Mais dans un contexte où les gens ont de plus en plus de mal à se loger en France, ces cas ne peuvent qu'être plus nombreux.

Beaucoup de personnes ont manifesté de l'empathie pour Maryvonne Thamin, mais d'autres ont aussi pris parti pour les squatteurs, arguant que le logement était inutilisé depuis longtemps. Y a-t-il vraiment un "méchant" dans cette affaire ?

Je ne dis pas qu'il faut en arriver à un système à l'américaine, comme en Floride par exemple, où en cas d'impayé de loyer le shérif intervient pour mettre la personne dehors au bout d'un mois seulement. Ce n'est sûrement pas ce vers quoi nous devrions nous orienter, cependant on peut peut-être trouver un juste milieu entre le laxisme des pouvoirs publics constaté, et une rigueur implacable. Dans l'ordre, ce sont les squatteurs qui sont à blâmer, en second lieu les pouvoirs publics, mais certainement pas cette vieille dame.

Cette situation de squat résulte donc de l'incapacité des pouvoirs publics à mener une politique du logement efficace ?

C'est en tout cas l'une des résultantes, mais pas seulement : il y a aussi le problème du chômage, du pouvoir d'achat et des loyers trop élevés qui entre en jeu. Mais dès lors que les pouvoir publics se montrent laxistes lorsqu'il faudrait réprimer ce que font les personnes qui squattent, pourquoi ces dernières s'en priveraient-elles ? C'est loin d'être le meilleur moyen de régler de manière saine et positive la crise du logement.

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