Histoire, la grande braderie : comment les nouveaux programmes scolaires préparent les guerres civiles françaises de demain<!-- --> | Atlantico.fr
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Représentation de Vercingetorix.
Représentation de Vercingetorix.
©Wikipédia commons

L’enseignement m’a tuer

Les nouveaux programmes scolaires proposés par le Conseil supérieur des programmes pour le collège, encore à l'état de projet, font l'objet d'un feu nourri : "Apologie de la repentance", "haine de soi", "idéologie mortifère"... Les critiques ne manquent pas et les conséquences pourraient être plus grave qu'on ne le pense.

Dimitri  Casali

Dimitri Casali

Dimitri Casali est Historien, spécialiste du 1er Empire et ancien professeur d’Histoire en ZEP, il collabore régulièrement avec la presse écrite, la radio et la télévision. Il est auteur d’une quarantaine d’ouvrages notamment : La France Napoléonienne (Albin Michel 2021), le Grand Procès de l’Histoire de France, lauréat du prix des écrivains combattants 2020 (Robert Laffont 2019), du Nouveau Manuel d’Histoire préface de J-P Chevènement (La Martinière 2016), de l'Altermanuel d'Histoire de France (Perrin), lauréat du prix du Guesclin 2011 ; l'Histoire de France Interdite (Lattès 2012). Par ailleurs, il est le compositeur du « Napoléon l’Opéra rock » et de l’« l’Histoire de France l’Opéra rock », spectacles musicaux historiques et éducatifs.

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Atlantico : Les critiques fusent de toutes parts sur le projet sur les programmes d’histoire au collège présenté récemment par le Conseil supérieur des programmes. « Apologie de la repentance », « haine de soi », « idéologie mortifère »… La ministre de l’éducation nationale a tenu à rappeler vendredi 24 avril que l’élaboration de ces programmes n’en était qu’à sa phase préparatoire. Cela doit-il nous rassurer pour autant ?

Dimitri Casali : J’ai pris ces nouveaux programmes comme un nouveau coup de poignard à ce qui fonde notre identité. Les concepteurs des programmes n’ont pas tiré les leçons des attentats de janvier, ni compris l'attente de tout un peuple pour retrouver ses racines tout en restant ouverts et en intégrant le plus grand nombre par le fondement notre culture française. La transmission de la culture est le premier facteur d’intégration : pour éviter que des événements comme ceux de janvier ne se reproduisent, il faut réapprendre à nos élèves à aimer la France. Ce n'est pas ce que font ces nouveaux programmes. Que serait la France sans l'humanisme de Montaigne et l'esprit des Lumières, deux thèmes qui, dois-je le rappeler, ont été rendus facultatifs ? En revanche l'accent est mis sur la civilisation musulmane et la traite négrière, qui deviennent des thèmes obligatoires, comme si il y avait une volonté de creuser davantage le fossé qui sépare les Français. Il est loin, le grand récit fédérateur dont la Nation aurait besoin pour rassembler et réconcilier tous les Français, quelle que soit leur origine ou leur religion.Comment la ministre de l'Education ose-t-elle nous parler de laïcité si l'on supprime l’étude des guerres de religion au programme de 5e ? Le concept de laïcité nait dès cette époque, il faut prendre le temps d'en expliquer la genèse, c'est-à-dire de l'Edit de Nantes pris en 1598 par le roi Henri IV après 40 ans de guerres civiles qui ont faillis faire disparaitre la France. Si nos enfants ne sont plus sensibilisés aux guerres de religion, à l'humanisme de Montaigne et à l’esprit des Lumières qui ont théorisé les concepts de laïcité et de tolérance, alors c'est la substance même de la culture et de l’identité française qui disparait.

En donnant la part belle à l’islam et aux référence à l’esclavage et à la colonisation, en rendant optionnel l’enseignement du christianisme à l’époque médiévale, tout en accordant une partie à l’encadrement de la société rurale par l’Eglise, que cherchent à faire les inspirateurs de ces programmes ?

Faire de l’islam un thème obligatoire et de l’Eglise chrétienne une option, c’est du pain béni pour le Front National. Comment la ministre, qui est supposé être une personne intelligente, peut-elle en arriver à de telles inepties ? J’ai le sentiment que les concepteurs des programmes n’ont ni compris la leçon du 11 janvier, ni vu un élève de 11 ans depuis des lustres. Ils pensent avoir affaire à de jeunes universitaires qui savent déjà tout de l'histoire de France, alors qu'en réalité 25 % des élèves qui entrent en 6e ne savent ni lire ni écrire. Cette réforme, qui vient s'ajouter à la suppression du grec et du latin, est révélatrice des partis pris idéologiques des technocrates de la rue de Grenelle.

Ces technocrates veulent faire de nos élèves des citoyens du monde avant d’en faire des citoyens français respectueux des lois de la République. Ils se leurrent dans une utopie pédagogiste, oubliant que la construction des savoirs et la transmission de la culture se font lentement, brique par brique. Ce qui se passe est très grave car les concepteurs de ces programmes sont la première génération qui ne transmet pas notre héritage culturel à nos enfants.

Quelles sont les conséquences concrètes ?

On s'étonne ensuite que des Coulibaly, des Kouachi et des Merah, qui tous ont suivi consciencieusement le cursus scolaire français, puissent en arriver à des telles extrémités. Ces garçons sont le pur produit des travers de la société française toute entière, et en particulier de ceux du ministère de l'Education nationale qui ont déconstruit nos valeurs et nos repères depuis une trentaine d'années.

Que perd-on, au niveau culturel ?

La France est le produit d'un double héritage chrétien et monarchiste et républicain et laïc. Effacer des programmes scolaires ces périodes revient à effacer ce qui fait l'identité de la France. Un peuple sans identité n'a pas d'avenir. Au nom de grands thèmes compassionnels que sont la lutte antiraciste, les droits de l'homme, l'alter mondialisme et le culte de la diversité nos dirigeants sont en train de gommer 2 000 ans d'histoire. La France sans les cathédrales de Saint-Louis, l'humanisme de Montaigne et l'esprit de Voltaire n'est plus la France, puisque ce sont ces trois héritages qui ont donné lieu à la Déclaration universelle des droits de l'homme et des citoyens du 26 août 1789. Ce sont ces références qui ont fait de notre pays le pays des droits de l’homme et la patrie des arts et des lettres.

J'ajoute que le collège n'est pas le seul concerné : à la fin du CM1 le programme s'arrête en 1792, et reprend en CM2 en 1892… Dans ce trou béant, Napoléon Ier, Louis Philippe, la IIe république et Napoléon III, Gambetta disparaissent. Encore une fois, la volonté d'effacer les grands personnages de notre histoire assimilés par nos élites parisiennes, à un culte rétrograde de la personnalité, apparaît de manière flagrante. On nous annonce le retour de la chronologie des personnages au collège, quand c'est tout le contraire qui est fait au primaire.

Les inspirateurs des ces programmes creusent-ils encore plus le lit de l'inégalité entre les enfants qui peuvent compenser leurs lacunes grâce à leurs parents, et ceux qui ne peuvent compter que sur l'éducation nationale ?

Ces idéologues de la rue de Grenelle ne croient qu'au nivèlement par le bas, à l’égalitarisme qui confond égalité et médiocrité générale, alors que l’idéal de l’excellence qui caractérisait l'école de Jules Ferry, c'était l'exigence républicaine fondée sur la méritocratie. Aux meilleurs les meilleures places : c'est ce qui a fait le succès de la France pendant toute une partie du 19e siècle, jusqu'à ce que le système se sclérose, comme en témoignent les derniers rapports PISA (en 2000 la France était 10e, en 2013 elle était 25e). Les familles les plus favorisées, et mêmes les enseignants, se tournent vers le privé pour s'assurer que l'éducation de leurs enfants sera bonne. Nos technocrates inamovibles depuis 30 ans et isolés dans leurs tours d’ivoire ne se rendent pas compte du mal qu'ils sont en train de faire.

Pourquoi cet acharnement à reconstruire le passé ?

Parce que les concepteurs des programmes sont pétris d'une idéologie d'ultragauche pleine de bienpensance mais éloignée de la réalité du terrain. Ils affichent leur volonté de plaire aux nouveaux arrivants en supprimant tout ce qui peut les heurter : l'enseignement des racines chrétiennes et l'exercice de l’Esprit critique si français. Enfin ces idéologues du Conseil supérieur des programmes sont régis par un système dont les règlements ont été signés par Maurice Thorez en 1950, et qui accuse désormais 65 ans de retard. L'Education nationale n'en jamais sortie de ses vieilles idéologies marxisantes et anticolonialistes. Comme l’écrivait Spinoza : "la repentance est une seconde faute…".

Propos recueillis par Gilles Boutin

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