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États-Unis, Chine et Inde : la (nouvelle) guerre mondiale du pétrole a déjà commencé
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Or noir

Selon certains observateurs, l'intervention alliée en Libye, sur les terres de Kadhafi, n'avait pour but que de paralyser la propagation chinoise en Afrique.

François Lafargue

François Lafargue

François Lafargue est docteur en Géopolitique et en Science Politique. Il enseigne à Paris School of Business.

Auteur d’une thèse portant sur l’Afrique du Sud, il est également docteur en Science politique avec comme thème de recherche la stratégie des Etats-Unis devant la vulnérabilité énergétique de la Chine. Ses travaux portent principalement sur les enjeux énergétiques en Asie et en Afrique et les relations sino-africaines.

Son dernier ouvrage : La Guerre Mondiale du pétrole (Ellipses, 2008)

 

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Atlantico : Alors que les États-Unis se retirent d'Irak, où les Chinois se sont emparés des plus gros gisements pétroliers, les forces Alliées sont accusées d'être intervenues en Libye pour freiner la Chine en Afrique. Parler de guerre mondiale du pétrole est-il pertinent ?

François Lafargue : Je pense que nous ne sommes pas conscients qu’une bataille pétrolière mondiale se joue aujourd’hui entre les États-Unis, la Chine et l’Inde. Les États-Unis sont les premiers importateurs et les premiers consommateurs mondiaux de pétrole. En face, l’appétit de la Chine semble insatiable, deuxième puissance économique aujourd’hui, première vers 2030…

Enfin il y a l’Inde, dont on parle peu, mais qui à la charnière de ce siècle comptera probablement parmi les cinq premières puissances économiques au monde, et qui est déjà le sixième acheteur mondial de pétrole. De la Cordillère des Andes au Golfe de Guinée, de la mer d’Andaman aux rives de la Caspienne, les États-Unis et la Chine se livrent à une véritable lutte d’influence pour sécuriser leur approvisionnement en pétrole.

Alors c’est la guerre ?

Le terme est sans doute excessif. Pour le moment à coup de dollars, de promesses, de soutiens politiques et d’investissements, les États-Unis, la Chine et l’Inde se disputent les mêmes régions pétrolifères, en Asie centrale, dans le Golfe de Guinée et désormais en Amérique latine. En quelques années, plusieurs opérations de rachat ont été effectuées par des groupes chinois, dont les entreprises canadiennes Petrokazakstan (par la CNPC en 2005) et Addax (acheté en août 2009, par la SINOPEC pour un montant de 7,3 milliards de dollars, la plus grande opération financière menée par une société chinoise à l’étranger). Plus récemment, en mars 2010, la CNOOC a acheté 50 % du capital de l’argentin Bridas corporation (une filiale de Bridas Energy) pour un montant de 3,1 milliards de dollars.

L’imbrication économique entre ces trois acteurs rend, espérons le, peu plausible une confrontation militaire directe. Comme pendant la guerre froide, les affrontements seront à la périphérie. Je ne suis pas persuadé que la hausse du prix des hydrocarbures soit bénéfique pour les pays producteurs. La rente pétrolière n’est guère partagée en Afrique, où la course au pétrole entraîne une corruption endémique et ravive les contentieux frontaliers comme dans le golfe de Guinée.

Sur un plan purement stratégique, la marginalisation de l’Europe est à déplorer. L’Union Européenne se repose pour son approvisionnement en hydrocarbures sur la Norvège et surtout la Russie. Ce qui n’est pas une situation saine.

Comment interpréter le succès des sociétés pétrolière chinoises en Irak ?

Contrairement à une idée souvent admise, les États-Unis dépendent peu du Moyen-Orient pour leur approvisionnement en pétrole. Cette région assure aujourd’hui de l’ordre de 18% des importations pétrolières du pays, contre près de 30% en 1990.

L’Amérique dépend davantage du Canada ou du Mexique que de l’Arabie saoudite. Ce qui intéresse les États-Unis, c’est moins l’accès au pétrole pour leur propre approvisionnement que le contrôle de la région, pour pouvoir le cas échéant, exercer une pression politique, pour menacer les livraisons à destination de son éventuel rival, la République populaire de Chine.

Que la Chine mette donc en valeur les gisements de pétrole en Irak n’est pas grave sur le plan pétrolier, et n’a pas d’incidence sur le plan stratégique. Entre le détroit d’Ormuz et la mer de Chine, la marine américaine est omniprésente notamment à Diego Garcia au cœur de l’océan Indien.

Dans une récente tribune, Addison Wiggin affirmait que la guerre en Libye est « une réaction des États-Unis face à la pénétration de la Chine en Afrique ».

Cela ne me parait pas juste. Les vastes réserves en pétrole de la Libye comptent parmi les plus importantes du continent noir (3,3% des réserves mondiales soit le huitième rang mondial), et suscitent l’intérêt de Pékin. Les exportations de pétrole libyen vers la Chine ont connu une progression significative, puisque jusqu’en 2002, la Chine ne figurait pas parmi les clients de Tripoli. En 2010, la Libye assurait 3% des importations en pétrole de la Chine et figurait au onzième rang parmi ses fournisseurs.

La Chine est néanmoins pénalisée par son éloignement vis-à-vis des pays de la Méditerranée, et par l’obligation pour les navires pétroliers d’emprunter le canal de Suez aujourd’hui proche de la congestion. Pékin n’a jamais vu dans la Libye un partenaire fiable. Les relations bilatérales se sont certes amplifiées à partir des années 1990, quand la Libye a été soumise à des sanctions internationales infligées après l’attentat de Lockerbie. Pour autant, la Libye a maintenu ses relations diplomatiques avec la Chine nationaliste jusqu’en 1978, et continuait d’entretenir avec elle des liens assez étroits.

En janvier 2006, le fils de Mouammar Kadhafi, Seif el-Islam, s’est ainsi rendu en visite à Taiwan, et Tripoli a reçu en mai 2006, le Président taiwanais, Chen Shui-bian, au retour d’un déplacement au Costa Rica. Puis Taipeh a ouvert au début de l’année 2008, un bureau de représentation commerciale en Libye. Tout ceci a profondément mécontenté la Chine, dont les investissements en Libye sont demeurés assez faible. Le stock cumulé d’IDE (investissements directs étrangers) en Libye s’établit en 2009 à 0,42 milliard de dollars, soit 0,45 % des IDE de la Chine sur le continent africain.

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