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La fabrique des pauvres : comment ne pas vous faire prendre dans l'engrenage
©REUTERS/Eduardo Munoz

Bonnes feuilles

Comment et pourquoi la pauvreté ne cesse de se renforcer en France et comment ne pas vous faire prendre dans l’engrenage. Extrait de "La Fabrique de pauvres", de Simone Wapler, publié chez Ixelles éditions (2/2).

Simone Wapler

Simone Wapler

Simone Wapler est rédactrice en Chef des Publications Agora (analyses et conseils financiers).

Elle est l'auteur de "Comment l'Etat va faire main basse sur votre argent: ... et ce que vous devez faire pour vous en sortir !", paru chez Ixelles Editions en mars 2013.

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Refuser la chape idéologique

Ne pas se laisser prendre dans les engrenages de la fabrique de pauvres commence par refuser cette idéologie qui conduit à l’obscurantisme. Les mots ont perdu leur vrai sens, une morale molle, prétendument universelle, dans laquelle tout se vaut, règne : toutes les cultures, tous les savoir-faire, tous les comportements sont mis sur le même plan. Les paroles d’un air de rap sont aussi admirables que les alexandrins de Racine ; il n’y a plus de délits, mais un sentiment d’insécurité ou éventuellement des incivilités ; la croissance peut être négative selon Christine Lagarde ; le capital désigne l’accès à l’emprunt et donc la dette sans contrepartie ; l’épargne est condamnable ; la justice est nécessairement sociale ; une inégalité est toujours injuste. Déformer le vocabulaire permet d’esquiver le débat et les responsabilités.

Ces idées reçues qu’on nous impose – souvent par la censure et le lynchage médiatique184 – comme étant justes et morales ne le sont pas. L’individu est responsable de son sort et non pas le simple jouet de « forces sociales ». La solidarité ne consiste pas à disposer de toujours plus de l’argent des autres. Il est normal de vouloir être autonome, indépendant, libre de ses choix et de vouloir élever ses enfants dans ce sens. La concurrence est le mode optimal de fonctionnement de l’économie, elle n’est sauvage et destructrice que si les lois sont mal faites et ne protègent pas les droits fondamentaux des individus. Le marché est le processus démocratique de formation des prix, certes imparfait, mais meilleur que tous les autres, exactement comme la démocratie est un système imparfait mais supérieur aux autres en matière politique. « Détruire la concurrence, c’est tuer l’intelligence », analysait l’économiste Frédéric Bastiat au xixe siècle.

A lire aussi, l'interview de Simone Wapler : La machine à fabriquer des pauvres alimentée à plein régime par le délitement de la famille

Si chacun, pensant poursuivre ainsi son intérêt personnel, obtient un privilège aux dépens des autres grâce à l’exercice de la contrainte étatique, tout le monde finit par être victime des cadeaux et des protections donnés aux uns et aux autres »185, explique Pascal Salin. L’État a accordé le privilège des taxis qui ne supportent pas la concurrence des véhicules de tourisme collectif. Les consommateurs sont lésés, Paris est la capitale aux taxis les plus rares, les entrepreneurs à l’origine d’Uber ou Voitures jaunes sont assassinés sur l’autel des privilèges, les taxis qui ont payé leurs plaques seront probablement perdants le jour où la concurrence finira par s’installer.

Le ministre prétendument « social-libéral » Emmanuel Macron aime citer Henri Lacordaire, considéré comme le fondateur de la démocratie chrétienne : « Entre le riche et le pauvre, le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et la loi qui protège. » Curieuse mentalité pour un homme politique que de penser que la liberté puisse opprimer. Si tel est le cas, nous ne sommes plus dans un État de droit. Et créer plus de lois ne fera qu’aggraver les choses.

Le libéralisme politique et économique n’est ni l’anarchie ni le zéro État. L’individu est libre et responsable de sa destinée. La liberté n’est pas une fin en soi, mais le moyen de parvenir à ses fins. Les individus libres doivent établir des relations avec leurs semblables et échanger paisiblement. Le contrat social consiste à accepter de déléguer à l’État l’arbitrage des contrats privés librement conclus ; il s’agit d’une volonté générale devant laquelle les volontés individuelles s’inclinent. L’État est aussi responsable de la protection de ce grand pacte social. Pour qu’il existe, le droit doit être le même pour tous et sur tout le territoire,quelles que soient les communautés, les clans, les appartenances, les revenus… Une parfaite égalité de droit est l’idéal à poursuivre et non la multiplication des « droits à » pour plaire à telle ou telle faction. À défaut, nous retournerons à la nuit du 4 août 1789, date de l’abolition des privilèges, et la révolte des sansdents sera saignante.

Préférer les liens sociaux à l’État

Trop d’assistanat indifférencié sape les responsabilités et notamment familiales, la famille étant la première cellule d’entraide naturelle. Dans des pays bien plus pauvres que le nôtre les gens sont plus optimistes et la solidarité naturelle fonctionne. Cette fraternité se remet d’ailleurs en place naturellement en cas de crise grave, comme on le voit dans les pays d’Europe du Sud. La théorie de l’homo economicus ne recherchant égoïstement que son propre intérêt est erronée, tout comme la construction intellectuelle d’un « intérêt général » qui serait supérieur à tout et justifierait tout. En l’absence d’incitation perverse, la plupart des gens ne recherchent pas que leur intérêt immédiat au détriment des autres. Ils recherchent l’intérêt de leur famille, de leurs proches et ont une vision de long terme (« durable », pour reprendre un néologisme de la langue de bois).

Dans de nombreux pays beaucoup moins riches que la France, les gens déclarent se sentir plus heureux simplement parce qu’ils ont de bons espoirs d’améliorer leur condition. « Être Français réduit la probabilité de se déclarer heureux de 20 % »186 selon un professeur d’économie de la Sorbonne. Le taux de suicide est en France bien au-dessus de celui de la moyenne européenne187. Les recherches récentes montrent que la jalousie et la frustration sapent la sensation de bonheur ; la lutte contre les inégalités devrait donc favoriser cette sensation de bonheur. Il n’en est rien dans notre pays où cette lutte, menée sans aucun souci d’efficacité économique, n’est qu’idéologique. Son objectif masqué est le nivellement par le bas188 et la création de dépendance pour nourrir le social-clientélisme. C’est donc le sentiment d’injustice et de frustration qui monte.

La solidarité ne se mesure pas qu’à l’ampleur de la redistribution ou au nivellement des revenus. « La solidarité se définit par le partage de ce qui est essentiel à la plénitude de l’humanité : ressources rares, monétaires ou non, autant que les liens sociaux et l’amitié. […] Si la famille fonctionne bien, ainsi que les relations avec les voisins, et si le marché du travail est intégrateur, les transferts sociaux pourraient être superflus »189, estime l’économiste suisse Paul Dembinsky pour qui les dépenses sociales obligatoires – qui représentent 26 % du PIB190 – sont à leur maximum en Suisse.

La famille, cellule sociale irremplaçable, est aussi l’antre du conservatisme, c’est là que les traditions et les valeurs se transmettent. C’est pour cette raison que la famille, qui entrave les objectifs de la fabrique de pauvres, est en butte à une certaine forme de répression et est sapée par l’idéologie. Détruire la famille permet d’isoler les individus, de mieux les contrôler, de les appauvrir et de les asservir.

Extrait de "La Fabrique de pauvres", de Simone Wapler, publié chez Ixelles éditions, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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