Atlantico : La régie publicitaire de la RATP a refusé que l'affiche faisant la promotion du prochain concert du groupe "Les Prêtres" mette en évidence la destination des fonds qui seront collectés par cet événement, à savoir la défense des chrétiens d'Orient. La RATP met en avance un principe de "neutralité". Cette posture est-elle cohérente ?

Bertrand Vergely : Depuis des années, la RATP autorise des affiches pour des associations luttant contre la faim dans le monde, ou pour l'association catholique Raoul Follereau contre la lèpre. Ils acceptent donc des affiches faites parfois par des chrétiens pour venir en aide à des personnes souffrantes, mais elle refuse des affiches faisant référence à un génocide ? Je rappelle en effet que Laurent Fabius a parlé de "génocide culturel" devant l'ONU à propos de la situation des chrétiens d'Orient. Quand il sera avéré que cette situation sur le terrain aura entraîné la mise à mort de milliers de personnes, et même si chacun est juge de sa propre conscience, je n'aimerais pas être à la place de ceux qui ont pris cette décision.

Et puisqu'on parle de laïcité,  la RATP n'hésite pas à montrer les publicités de l'enseigne Benetton, notamment celle où une bonne soeur blanche embrasse sur la bouche une femme noire. Et là, pas de problème, on peut l'afficher aux yeux de tous dans les couloirs du métro.

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Pourquoi une telle crispation sur un simple concert et pour une cause ne concernant pas directement la France ?

C'est le climat actuel général qui est électrique sur les questions de la laïcité. Pourquoi ? Parce que l'on a mauvaise conscience : de fait il y a un antichristianisme qui n'ose pas dire son nom, face à un islam qui impressionne et nous met mal à l'aise. On ne veut pas déplaire à l'opinion publique qui est antichrétienne : pour elle, les assassins ne sont pas les fanatiques islamiques, mais les chrétiens qui sont coupables de l'Inquisition... vieille de cinq siècles. On dit à l'opinion publique que la violence perpétrée par l'islam, ce n'est pas de l'islam. La majorité des gens sont éduqués dans une forme de complaisance envers l'islam par des mouvements politiques antichrétiens ou tiers-mondiste. Un jour un militant laïque a dit "lutter contre le christianisme, c'est lutter pour la laïcité ; lutter pour défendre l'islam c'est lutter pour le droit à la différence". Il y a donc l'idée que le christianisme est une insulte à la laïcité, cette dernière se traduisant malgré tout par une tolérance à l'islam. C'est l'air du temps.

Est-ce que la posture laïque s'accorde bien avec l'idée d'une censure ? N'est-ce pas contre-productif ?

L'opinion publique dans sa majorité s'acclimate de la censure contre le christianisme. Ce n'est pas ressenti comme un problème. Insulter et se moquer du monde musulman reste suspecté de racisme, insulter le monde chrétien est une "lutte légitime" pour la liberté d'expression. Les gens ne se rendent même plus compte à quel point ils sont antichrétiens.

N'est-ce pas là le signe que la laïcité poussée à son paroxysme est plus intolérante que l'intolérance qu'elle prétend dénoncer ?

La laïcité n'est effectivement pas clair sur le sujet. Dans son acceptation d'origine, celle issue de la Révolution française, la laïcité c'est la liberté de toutes les opinions, et donc de toutes les appartenances religieuses. Mais cette conception de la laïcité s'est vue compléter par la loi de 1905 qui elle est clairement anticatholique. Or, la conception de 1905 est en réalité contraire au vrai sens de la laïcité. La société est donc dans la confusion où l'antichristianisme n'est pas considéré comme de l'intolérance mais comme un élément de la lutte pour la tolérance. Cela n'a évidemment pas de sens ! La laïcité telle qu'elle se présente aujourd'hui ne respecte même pas ses propres principes, et la France n'est pas un pays authentiquement laïque, c'est un pays avec une propagande d'Etat contre le christianisme.