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Prostitution étudiante : victime collatérale de la crise du logement
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Tabou

Conférence ce mercredi à Paris sur le thème de la prostitution des étudiantes et étudiants. Un phénomène qui tendrait à se développer, via Internet, à cause de la précarisation des jeunes.

Lydia Guirous

Lydia Guirous

Lydia Guirous est essayite, auteure de « Assimilation en finir avec ce tabou français » aux éditions de l’Observatoire et de « Ca n’a rien à voir avec l’Islam ? Face à l’islamisme réveillons-nous » aux éditions Plon, réédition en version augmentée et inédite.

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Stupeur au pays de Jules Ferry et de la méritocratie républicaine : environ 50 000 étudiantes et étudiants, selon le syndicat Sud étudiant, se prostituent pour financer leurs études…Comment a-t-on pu en arriver là ? Pourquoi les pouvoirs publics ont-ils laissé faire ?

Bien-sûr, les partisans du « laisser faire-laisser aller » diront que ce phénomène est difficile à juguler car il touche à la vie privée des individus, à leur liberté de disposer de leur corps… Ils ajouteront également que ce phénomène d’escorting (nom anglais politiquement correct pour prostitution) est impossible à contrôler et à quantifier car il s’effectue sur le net.

Allons-nous longtemps continuer à croire ces discours fleuve qui ne font que masquer une crise importante de notre fonctionnement républicain ? Au nom de la société de consommation et de l’information numérique, la France va-t-elle encore longtemps tolérer que ses étudiants se prostituent ?

Ça commence par un loyer impayé…

« Ça commence par un puis deux impayés de loyer » (Marie étudiante à Paris), « on a peur de se retrouver sans toit, en plein hiver, alors on va sur Internet chercher des petits boulots. On essaye des boulots de nuit de serveuse. Et puis un jour, il y a un mec qui passe ou une ancienne serveuse qui vous explique l’escorting. Vous ouvrez de grands yeux écarquillés quand elle vous dit qu’elle peut se faire plus de 1500 euros par jour, en accompagnant des cadres en formation ou des maris volages au restaurant…Elle vous certifie que vous couchez que lorsque vous le voulez. Ce qui est vrai, vous choisissez votre client. En revanche, sauf à des rares exceptions, vous ne touchez l’argent qu’en couchant. Moi, je me suis regardé dans une glace, je me suis sentie belle et vide…j’ai passé des annonces sur internet et créé un blog pour me vendre 300 euros de l’heure. En une semaine je pouvais payer tous mes loyers de l’année…C’est là que l’enfer a commencé: j’étais devenue une pute. Je suis tombée malade ».

Il ne s’agit pas d’un épiphénomène… Chaque année, des centaines de jeunes femmes et parfois quelques hommes aussi, sautent le pas et tombent dans l’engrenage de la prostitution sur Internet pour des difficultés financières passagères, essentiellement liées à des problèmes de paiement de loyer. L'attractivité du gain (200 à 300 euros par heure) au regard du temps dépensé, fait de cette prostitution une activité compatible avec les horaires des cours et des TD. Internet facilite le passage à l’acte. Les grandes heures des macs à mocassins vernis semblent révolues…en tout cas pour ce type de prostitution.

A l'heure actuelle, la pratique étudiante se fait quasi-exclusivement via le net. Pourquoi ? L’anonymat, bien sûr. Sur Internet on peut converser puis sélectionner ses futurs clients. Une annonce étudiante, ce sont des milliers de visiteurs en quelques jours : pouvoir faire le tri sur Internet renforce un sentiment de sécurité. C’est aussi la liberté de poser ses conditions, financières bien sûr, mais également sexuelles (sodomie, éjaculation faciale, SM, partouze) en faisant varier les tarifs du simple au triple. « Internet permet d’effectuer un pré-tri de qualité… après on prend un café dans un lieu public, voire deux et puis après si tout est cool, on y va », nous explique Marie. Un risque a priori mesuré selon elle. Pourtant chaque année des centaines de prostituées se font agresser par leurs clients…environ 1 sur 10 porte plainte. Difficile d’imaginer que cette proportion augmente lorsqu’il s’agit d’étudiantes.

… Ça finit par une déconstruction psychologique totale

Bien sûr on trouvera toujours au cas par cas d’autres raisons qui ont poussé certaines étudiantes à franchir le pas : briser des cadres éducatifs familiaux trop rigides,  prendre une revanche sur les hommes (souvent après un échec sentimental...), mener une double vie, briser des interdits sexuels sous couvert de l’anonymat, ou encore retrouver confiance en soi en maîtrisant totalement le désir des autres…

Mais toutes ces raisons sont dérisoires au regard du moteur principal de cette prostitution qui est le manque d’argent de certains étudiants pour se nourrir et pour se loger. C’est là que les pouvoirs publics doivent réagir;

En effet outre le fait que la prostitution étudiante est inacceptable dans notre République, en arrière-plan, les coûts sociaux de celle-ci sont immenses : séjours psychiatriques, polyadditions lourdes, risques de VIH (certaines étudiantes acceptent de faire des fellations sans préservatif pour 300 euros en pensant qu’elles ne prennent aucun risque), et plus généralement incapacité à revenir durablement dans le tissu social classique et dans le monde de l’emploi.

Autrement dit, la non réaction de l’État face à ces étudiants qui se prostituent pour payer leur loyer coûtera à court terme des millions d’euros à la société en termes de prise en charge sanitaire et sociale…et malheureusement des centaines de morts par maladie ou par suicide.

Pour moi, le nerf de la guerre : c’est la politique du logement. Tant que l’État et les collectivités locales ne s’engageront pas plus dans le logement étudiant, la prostitution de nos jeunes bachelières continuera…

L'association "Future au féminin" lancera un appel aux pouvoirs publics mercredi à 18H30, à l’Hôpital Saint-Antoine de Paris, au cours d’une conférence-débat intitulée : « Étudiante et prostituée : état d’urgence ».

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