14,8 % pour Podemos en Andalousie : l'autre résultat électoral crucial qu'on a oublié de commenter dimanche<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
14,8 % pour Podemos en Andalousie : l'autre résultat électoral crucial qu'on a oublié de commenter dimanche
©Reuters

Elections locales

Devenue la troisième force politique aux élections régionales andalouses, Podemos ne reste pas moins derrière les deux grands partis espagnols, le PSOE et le PP de Mariano Rajoy. Entamé, le bipartisme espagnol né après la dictature franquiste n'en reste pas moins bel et bien d'actualité.

Fabien Escalona

Fabien Escalona

Fabien Escalona est enseignant en science politique à Sciences Po Grenoble, collaborateur scientifique au Cevipol (Bruxelles).  Il est co-directeur du Palgrave Handbook of Social Democracy(Palgrave Macmillan, 2013) et auteur de La social-démocratie, entre crises et mutations (Fondation Jean Jaurès, 2011).

Voir la bio »

Atlantico : L'ascension de Podemos en Espagne laissait planer la possibilité d'un raz-de-marée du parti aux élections régionales andalouses qui se sont déroulées ce weekend. Finalement, le parti a atteint la troisième place derrière le PSOE et le PP. N'est-ce pas là la preuve que les partis populistes comme Podemos ne sont pas encore prêts à gouverner l'Europe ?

Fabien Escalona : S’il s’agit de l’Europe, il est évident que les partis que je préfère appeler « oppositionnels » n’ont percé que dans quelques pays. Pour l’instant seule la Grèce s’est dotée d’un gouvernement dirigé par la gauche radicale. La déstructuration du paysage politique européen dominé par les conservateurs, les libéraux et les sociaux-démocrates, est réelle mais lente, se faisant plus spectaculaire dans quelques « pointes avancées » à la périphérie du continent et de la zone euro.

Concernant l’Espagne proprement dite, l’ascension de Podemos dans les sondages ne doit pas tromper. Beaucoup d’observateurs craignent plutôt que le pays soit ingouvernable à l’issue des élections qui se tiendront fin 2015, si aucune force politique ne parvient à dominer nettement les autres. 

L'Andalousie est la région la plus en crise de toute l'Espagne. Est-il probable que malgré cette victoire en demi-teinte de Podemos, le parti puisse rafler les élections nationales par exemple ? Dans quelles régions le parti est-il le plus susceptible de s'enraciner en Espagne ?

Fabien Escalona : Le score de Podemos a pu apparaître décevant en Andalousie, mais c’est comme pour les départementales en France : il ne faut pas juger les résultats en fonction des horizons d’attente créés par les sondages. Rappelons que Podemos vivait sa première élection régionale dans un bastion du parti socialiste espagnol (PSOE), alors que c’est un parti vieux d’un an seulement, qui ne dispose pas d’une implantation fine sur l’ensemble du territoire. Par rapport aux européennes de 2014, le parti est passé de 7,11% dans la province andalouse à 14,8% dimanche dernier : il a donc doublé sa part des suffrages exprimés, et même triplé le nombre de voix portées sur lui (en raison d’une participation plus forte).

Ce qu’il faut aussi mentionner, c’est que par rapport à l’élection régionale de 2012, même dans l’hypothèse où toutes les pertes du PSOE et d’IU (le parti de gauche radicale « classique ») seraient allées chez Podemos, 6 points restent à expliquer. Cela veut dire que Podemos a mobilisé des abstentionnistes (certes anciens électeurs de gauche pour beaucoup), des primo-votants, et peut-être, marginalement, quelques électeurs de centre-droit. La progression de Podemos ne se fait donc pas dans un jeu à somme nulle au sein de la gauche : le parti possède une capacité de mobilisation et d’attraction propres, qui en font davantage qu’un substitut au socialisme espagnol en déclin.

Pour revenir à votre question, Podemos a d’abord du succès dans les grandes villes et autour de Madrid. « Nationaliser » son influence fait partie des défis pour l’élection nationale à la fin de l’année. Même s’il était en tête des législatives (et cela reste à voir), il ne pourrait sans doute pas gouverner seul.

Finalement, le PSOE et le PP s'établissent en tête des suffrages : n'est-ce pas l'illustration du fait que le bipartisme, peut-être affaibli, reste toujours la composante majoritaire de l'Espagne à l'heure actuelle ?

Fabien Escalona : Aux élections européennes de 2014, le total PSOE + PP a chuté d’environ 30 points par rapport aux européennes de 2009, et même par rapport à l’élection générale de 2011. Aux régionales en Andalousie, ce total a reculé de 18 points. Il y a bien un mouvement de brusque déclin des deux partis dominants de la scène espagnole, qui devront très vraisemblablement s’engager dans des coalitions inédites pour gouverner le pays. On ne pourra alors plus parler de bipartisme au sens strict. Depuis la crise, le système partisan espagnol fait partie de ceux qui ont été le plus déstabilisés. Même s’il faut rester prudent, cela se traduira certainement dans les urnes et au Parlement à la fin de l’année.

En Andalousie, le PSOE a été pris dans plusieurs affaires politiques. Comment expliquer la victoire du parti malgré tout ?

Fabien Escalona : Bien qu’il garde le même nombre de sièges, le parti recule de quelques points et perd plus de 120 000 voix par rapport à l’élection régionale de 2012. Sa grande chance est plutôt de voir s’effondrer le PP, lui-même impliqué dans des scandales de corruption au niveau national, et sanctionné pour une politique d’austérité qui provoque des ravages sociaux, comme vous l’avez justement mentionné plus haut. Enfin, il faut redire que l’Andalousie est un bastion très ancien du socialisme espagnol. Depuis la Transition démocratique, la droite n’a jamais gouverné la région. De tels systèmes s’effondrent rarement de manière brutale.

Dans quelle mesure cette élection reconfigure la donne en Andalousie ? Et en Espagne ? 

Fabien Escalona : Une des raisons de l’élection tenait à la rupture de l’alliance entre le PSOE et les écolo-communiste d’IU. Comme ni le PP, ni Podemos, ni Ciudadanos (nouveau venu ayant récolté 9% des voix) ne sont intéressés ou invités à participer à l’exécutif, on aura affaire à un gouvernement minoritaire. La situation sera sans doute « gelée » jusqu’à la fin de l’année, lorsque les législatives au niveau national rebattront peut-être les cartes.

Au total, quel est le signal donné à l'Europe avec ces élections ? 

Fabien Escalona : La sanction dont a fait l’objet du PP souligne à quel point les politiques de « dévaluation interne » sont impopulaires. Même si la nature régionale du scrutin limite sa portée et ses enseignements, ce dernier a constitué un indice de plus de la fragilisation du système de partis espagnol, et de l’installation de Podemos dans le paysage. 

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !