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L’allaitement rend les enfants plus intelligents ? Une étude qui va un peu vite en besogne
©Reuters

Lait maternel

Une étude brésilienne affirme que les bébés allaités pendant un an deviennent plus intelligents et riches que les autres… Mais son niveau de preuve est faible.

Olivier Saint-Lary

Olivier Saint-Lary

Olivier Saint-Lary est médecin généraliste, maître de conférences et vice doyen de l’UFR des sciences de la santé Simone Veil à l'Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines. Il est également membre du conseil scientifique du Collège National des Généralistes Enseignants.

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Atlantico : Une étude brésilienne publiée dans le Lancet Global Health (lire ici, en anglais) avance des résultats sur le niveau intellectuel a priori supérieur des enfants allaités par leur mère. Pourtant cette étude est sujette à caution, même ses auteurs restant prudents. Quels sont les principaux biais de cette étude ?

Olivier Saint-Lary : Tout d’abord, il me semble important de préciser qu’il ne s’agit pas de la première étude à s’intéresser à ce sujet. Il faut ensuite rentrer un peu plus dans le détail de cette étude et étudier son niveau de preuve. En effet il ne s’agit pas ici d’une étude prospective et encore moins randomisée. Ce type d’essai étant complexe à mettre en œuvre pour une étude sur l'allaitement.

L’étude brésilienne en question est rétrospective : elle a fait faire des tests de QI à des personnes âgées de 30 ans, et regarde à postériori s'ils étaient nourris au lait maternel ou non durant leur enfance. Cette technique peut générer une certaine confusion dans les résultats. Le principal facteur de confusion, c'est le niveau socio-économique des parents. On sait en effet que ceux qui ont un niveau socio-économique plus élevé ont tendance à allaiter plus longtemps.  L'étude a essayé de prendre en compte certains facteurs de confusion, mais il est possible qu’elle en ait minoré les effets. Elle montre, par exemple, une augmentation du QI et des revenus à l’âge adulte corrélée à la durée de l’allaitement maternel mais uniquement jusqu'à douze mois d'allaitement, ensuite la corrélation s’inverse. Or s’il s’agissait d’un lien de causalité simple, on aurait pu s’attendre à un effet linéaire. Cela peut s’expliquer par le fait qu’au Brésil, les femmes qui allaitent longtemps (plus d’un an) font souvent partie des catégories les plus pauvres de la population. Nous voyons donc ici que le facteur de confusion « niveau socio-économique » ne semble pas totalement contrôlé au regard de ce résultat.

Par ailleurs d’autres travaux portant sur le même thème ont été compilés dans une méta analyse parue dans le British Medical Journal en 2006 et n’ont pas permis de retrouver de lien entre l’allaitement maternel et des scores dits « d’intelligence ».

Les résultats en termes de QI restent modestes : 3,7 points en moyenne. Dès lors, même en imaginant que l'étude soit bien faite, les résultats sont-ils vraiment probants ?

Olivier Saint-Lary : Effectivement on peut se poser la question de l'impact réel de ce genre de variation sur ce QI sur des scores totaux qui dépassent les 100 points. C'est pour cela que cette étude s'est attachée à étudier les niveaux de salaires pour expliquer ses résultats. Mais là encore le biais reste présent : les enfants des milieux socio-économiques les plus élevés sont souvent ceux dont les enfants gagnent le plus.

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) continue de faire une publicité favorable au lait maternel en indiquant que sur le long terme, il favorise la survie des enfants. Pourquoi le débat autour de cette question est-il aussi important, entraînant même les plus hautes organisations, alors que les études restent très imprécises ?

Olivier Saint-Lary : Les données actuelles tendent quand même à montrer que le lait maternel a des avantages. Cette étude sur l'impact sur le QI est certes discutable, mais d'autres études menées auparavant, d’un meilleur niveau de preuve, ont montré un impact positif du lait maternel sur le risque de survenue de  diarrhées, de problèmes respiratoires ou d'allergies. Il est vrai que les effets protecteurs du lait maternel ont parfois été extrapolés pour des raisons souvent plus idéologiques que financières. Ces extrapolations peuvent parfois conduire à des positions dogmatiques stigmatisantes pour les mères ne souhaitant pas ou ne pouvant pas allaiter.

Objectivement, même sans imaginer des différences pour l'enfant à la fin, les compositions du lait maternel et du lait maternisé sont-ils identiques ou existe-t-il des différences indépassable ?

Olivier Saint-Lary : C'est une question difficile. La composition du lait maternel dépend en effet de la nutrition de la mère. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles il y a vingt ans, on avait une situation inverse avec une tendance à favoriser le lait maternisé.

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