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Comment et pourquoi nous sommes devenus des “sales céfrans”
©Flickr/bareknuckleyellow

Identité malheureuse ?

Le mot "identité" fâche quand il est assorti de l’adjectif "nationale". Les autres identités sont, elles, considérées comme justifiées et bénies…

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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C’était hier la Journée de la Francophonie. Pour cette occasion, France Inter avait transporté ses micros, les talents de ses chroniqueurs et la verve de ses journalistes sous la coupole de l’Académie française. Invité spécial, le dernier en date des Immortels : Alain Finkielkraut.

Il fut, comme il se doit, houspillé, harcelé et accusé d’apporter de l’eau au moulin du FN. Le succès annoncé de ce parti aux élections départementales c’était, bien sûr, de sa faute. Le prophète de malheur fut tancé. N’avait-il pas mis le mot « identité » dans le titre d’un de ses ouvrages ? Un des chroniqueurs de la radio, qui avait fait des recherches fouillées, rappela avec brio que l’identité nationale avait été remise au goût du jour par un certain Bruno Mégret, ancien numéro deux du FN. Une chroniqueuse tout aussi inspirée excipa de sa qualité de Belge pour dire que vue dans son pays, l’identité nationale n’avait aucun sens et interpella l’académicien sur sa contribution à l’ « islamophobie galopante ».

Rien que de très banal, somme toute. Les lieux communs de la niaiserie, qui galopent bien plus vite que l’ « islamophobie », dégoulinaient avec la douce consistance de la crème chantilly sur des fraises au sucre. L’identité, parlons-en. La chroniqueuse, d’origine belge revendiquée, a, par exemple, oublié de dire que son pays était une récente création artificielle. Et qu’à défaut d’identité nationale, il jouissait – quelle richesse ! – de deux identités (nationale ? linguistique ? ethnique ?) conflictuelles et rivales. Celle qui oppose les Flamands aux Wallons.

L’Histoire, mère cruelle, montre que toutes les identités naissent et se forgent dans la douleur, le sang et les larmes. Toujours contre quelque chose ou quelqu’un. Jamais pour. C’est déplorable ? Oui. Mais c’est. L’identité française s’est faite lors de guerres séculaires contre les Anglais, nos ex « ennemis héréditaires ». Elle a défini ses contours en arrachant l’Alsace germanique aux Habsbourg. En s’agrandissant avec la Savoie et Nice aux dépens de l’Italie balbutiante. Et en s’attaquant avec une redoutable dureté aux langues régionales (qui parle encore breton ?).

Pour rester dans notre environnement immédiat, qui pourrait nier que l’identité algérienne a pris corps contre la France, contre la colonisation française ? Au début du XIXème siècle, il n’y avait là-bas que des tribus arabes plus ou moins soumises - et le plus souvent insoumises - au bey d’Alger, lui-même payant tribut au lointain sultan d’Istanbul. Si un nationalisme algérien a vu le jour, c’est grâce à la France, ou plutôt, contre la France.

Ainsi en est-il des identités. Elles sont toujours accouchées avec les pointes des baïonnettes ou le tranchant du sabre. S’il y a aujourd’hui en France un réveil de l’identité nationale, ce ne sont évidemment ni Alain Finkielkraut ni ce pauvre Bruno Mégret qui en sont responsables. Admettons, pour faire plaisir aux chroniqueurs de France Inter, qu’il s’agisse d’une crispation identitaire qui n’augure rien de bon et en tout cas pas des lendemains sereins. Mais d’où vient-elle ?

D’une réaction à une autre crispation identitaire manifeste, palpable, et fortement structurée. Une religion nouvelle sur notre territoire et en progression aussi rapide que la soit-disante islamophobie. Une identité affirmée par une langue commune. Et un sentiment proclamé de différenciation par rapport aux autres, ceux qui  ne sont pas eux, ceux que la partie la plus turbulente (euphémisme) de cette population désigne comme des « sales céfrans ». Et les « sales céfrans », irrités et inquiets, se protègent alors avec la seule arme qu’il leur reste : leur identité.

On leur a taillé un costard de « sales céfrans ». Et ils l’endossent avec colère et ressentiment. Si vous voulez savoir pourquoi Marine Le Pen est à 30%, ne cherchez pas ailleurs. Et si France Inter persévère dans l’exaltation de l’ « autre », elle fera encore plus.

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