Mais qu’est-ce qui nous empêche de faire un pont aérien pour sauver les chrétiens d'Orient ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les chrétiens d'Orient sont victimes de la barbarie de l'Etat islamique.
Les chrétiens d'Orient sont victimes de la barbarie de l'Etat islamique.
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Lâcheté occidentale

C'est une question de dignité et d'honneur. Mais on préfère s'embarquer sur d’improbables galères arabes.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Le meilleur connaisseur du Proche-Orient et du monde arabe en général s'appelle Jean-Baptiste Poquelin, plus connu sous le nom de Molière. Souvenons-nous des Fourberies de Scapin.

Scapin : Monsieur, votre fils...

Géronte : Hébien ! Mon fils

Scapin : Est tombé dans une disgrâce la plus étrange du monde.

Géronte : Et quelle ?

Scapin (…) Nous nous sommes allés promener sur le port. Là, entre autre plusieurs choses, nous avons arrêté nos yeux sur une galère turque assez bien équipée. Un jeune Turc de bonne mine nous a invités d'y entrer. Il nous a fait mille civilités, nous a donné la collation, où nous avons mangé des fruits les plus excellents qui se puissent voir, et bu du vin que nous avons trouvé le meilleur du monde.

Géronte : Qu'y a-t-il de si affligeant en tout cela ?

Scapin : Attendez, Monsieur, nous y voici. Pendant que nous mangions, il a fait mettre la galère en mer, et, se voyant éloigné du port, il m'a fait mettre dans un esquif, et m'envoie vous dire que si vous ne lui envoyez par moi tout à l'heure cinq cents écus, il va vous emmener votre fils en Alger.

Suivent les célèbres et répétitifs gémissements de Géronte : "Mais qu’allait-il faire dans cette galère ?" Qu'allaient-ils faire dans cette galère les quatre parlementaires français qui se sont rendus à Damas pour serrer la pince de Bachar Al-Assad ? Hollande et Valls évoquent à propos de leur escapade "une faute morale". Mais pas Nicolas Sarkozy qui a eu les  mots justes : "en démocratie on ne peut pas empêcher 4 gugusses d'aller où bon leur semble". Empruntons cette expression à l'ancien président de la République et interrogeons-nous sur les ravages que fait – s'agissant du monde arabe – la gugusserie en France en particulier et dans le monde occidental en général. Car ceux qui nous gouvernent sont eux aussi des gugusses.

Nous sommes allés en Libye pour liquider Kadhafi, boucher incontestable de son peuple. On l'a eu. D'autres bouchers ont pris la relève : ceux, très efficaces, de Daesh qui ont montré leur savoir-faire en décapitant 27 coptes chrétiens. Mais il paraît que ce n'est pas comme ça qu’il faut dire afin de ne pas allumer en France une guerre de religion entre chrétiens et musulmans ! Le terme correct serait, parait-il "27 Égyptiens décapités"...

On nous dit qu'il faut de nouveau intervenir en Libye. Contre Daesh. Mais avec qui ? Avec les milices tribales de Benghazi ou celles de Misrata ? Avec tel ou tel groupe qui des fois s'allie à Daesh et d'autres fois le combat. Oulà ! On remarquera qu’aucun des états arabes qui nous supplient d'y aller ne s'embarquent dans cette galère. La Tunisie et l’Égypte, frontières communes avec la Libye, n'ont-t-elles ni soldats ni avions ? Et l’Algérie voisine ? Oui pourquoi nous et pas eux ?

En Syrie nous nous dressons contre Bachar Al-Assad, autre boucher incontestable. Mais la situation là-bas est à peu près aussi claire qu'un combat de nègres dans un tunnel (que le CRAN me pardonne). Les hommes de Daesh qui luttent contre Assad, un impie parce que Alaouite, rivalisent avantageusement dans la barbarie avec le maître de Damas. On est de leur côté ? Non. Du côté d'Al Nosra, d'autres djihadistes anti-Assad ? Non. Du côté de  l'Armée Syrienne Libre, la seule organisation à peu près présentable ? Peut-être oui. Mais est-elle très représentative sur le terrain ? Va donc savoir... Alors qu'irions-nous faire dans cette galère ?

Aucun État arabe, et pourtant ils sont juste à côté, n'y va. Et au Yémen on fait quoi ? Sommes-nous du côté des chiites, ennemis jurés de notre ennemi Al-Qaida, qui ont pris le pouvoir à Saana ou du côté du président légitime qui s'est réfugié à Aden ? Et avec quelle tribu, moyennant quelle rançon, devons-nous nous entendre pour libérer notre compatriote enlevée ? Et pourquoi n'irions-nous pas bombarder la mosquée yéménite où l'un des frères Kouachi a reçu l’entraînement nécessaire pour assassiner ceux de Charlie Hebdo ? Quelle galère! Et qu'irions-nous faire sur cette galère ? Et là-aussi aucun État arabe ne s'y embarque.

N'oublions pas l’Égypte où notre comportement politique a été à la limite de la gugusserie la plus niaise. Nous avons de façon vibrante salué la chute de Moubarak, un dictateur qui, rapporté à ce qui se fait dans la région, serait l’équivalent des centristes du Modem. Puis nous avons applaudi à l'arrivée d'un  Frère musulman, Mohamed Morsi, à la tête de l’Égypte puisque "démocratiquement élu". L'armée égyptienne, sans appeler François Hollande pour lui demander son avis, ne l'a pas entendu de cette oreille. Elle a chassé Morsi et tué par des centaines des Frères Musulmans. Maintenant à la tête du pays il y a le maréchal Sisi, un Moubarak-bis. C'est une chance pour l’Égypte. Et nous ? Ben ça on sait pas très bien... Mais il est vrai qu'on a réussi à lui vendre des Rafales car Obama, plutôt incompétent sur le Proche-Orient, était un peu trop sourcilleux sur l’exercice de la démocratie en Égypte.

Il nous faut donc ouvrir les yeux sur ce monde qui nous échappe et qui nous demande régulièrement de faire le gendarme chez lui quitte à nous reprocher après notre ingérence. Mais les gugusses qui nous gouvernent ont un pois chiche dans la tête. Que dis-je? Plusieurs pois chiche ! C'est avec ce féculent, mélangé à l'huile et au sésame, qu'on fabrique là-bas une grasse et indigeste purée appelée "houmous". Un vrai crime contre l'humanité ! Et l'Occident est devenu un "houmousland", cette bouillie ayant remplacé la matière grise de nos dirigeants.

N'y a-t-il donc rien à faire pour nous en Orient ? Si. Sauver, défendre et protéger les nôtres. C'est à dire armer et entraîner les Kurdes, nos cousins, nos frères dans l’amour de la liberté. Sauver les chrétiens d'Orient, massacrés et promis à d'autres massacres. Sans oublier les Yézidis, victimes d'abominables exactions car non-musulmans. Mais pour ça il faut avoir le sens de la dignité, de l'honneur, et aussi du cœur et un peu de courage politique.

Et comment faire ? En imitant les Israéliens (je sais, c'est mal de s'inspirer des "sionistes"). Ils ont organisé, avec des moyens plus faibles que les nôtres, deux ponts ariens risqués et complexes pour aller chercher les Juifs menacés d’Éthiopie et du Yémen. Faire un pont aérien en Irak et en Syrie, où nous avons la maîtrise du ciel, ne pose que des problèmes techniques. Une question de volonté. Et bien on ne le fera pas. Car ramener des milliers de chrétiens en France ça pourrait fâcher des gens...

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