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L’héritage de Margaret Thatcher, élément déterminant de la bonne santé du marché du travail britannique
©Reuters

30 ans plus tard

Avec son recul du chômage, passé de 8 % en 2012 à 6,2 % en 2014, le Royaume-Uni a de quoi impressionner la France. Un rapport de l'OCDE fait d'ailleurs état du rétablissement de la santé économique du pays depuis 2008. Plus d'un quart de siècle après, la politique menée par "la Dame de Fer" a encore une incidence, notamment concernant la flexibilité du marché de l'emploi.

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès

Pierre-François Gouiffès est maître de conférences à Sciences Po (gestion publique & économie politique). Il a notamment publié Réformes: mission impossible ? (Documentation française, 2010), L’âge d’or des déficits, 40 ans de politique budgétaire française (Documentation française, 2013). et récemment Le Logement en France (Economica, 2017). Il tient un blog sur pfgouiffes.net.
 

Vous pouvez également suivre Pierre-François Gouiffès sur Twitter

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Atlantico : Un nouveau rapport de l'OCDE fait état du rétablissement de la santé économique du Royaume-Uni depuis la crise économique. Effectivement, le niveau d'employabilité et la confiance des ménages et des entreprises atteint des niveaux records. Quelles sont les principales composantes de cette réussite ?

Pierre-François Gouiffès : La performance économique britannique telle qu’analysée dans le récent rapport de l’OCDE peut sembler en effet tout à fait remarquable si l’on regarde les choses de notre côté de la Manche.

Il y a d’abord la solidité de la croissance britannique qui n’a fait que croitre et embellir depuis le début des années 2010 : +0,7% en 2012, +1,7% en 2013, +2,6% en 2014 (meilleure performance du G7), des chiffres à faire rêver une France engluée dans la stagnation depuis 2011. Depuis le choc de 2008, le Royaume-Uni qui avait connu une récession particulièrement sévère en 2008-2009, dépasse désormais la France puis que son PIB est à 103 (base 100 au premier trimestre 2008) contre 101 pour la France.

Mais il y a surtout l’impressionnant recul du chômage qui est passé de 8% en 2012 à 6,2% en 2014, grâce notamment à la création de 3 millions d’emplois depuis 2010 et ce en dépit d’une augmentation du taux d’activité.

Tout ceci contribue à donner aux acteurs économiques une confiance forte.

Quel rôle la politique monétaire actuellement menée au Royaume-Uni a-t-elle pu jouer, directement ou indirectement, dans le renforcement de la croissante et la résorption du chômage ?

Il y a effectivement de nombreux débats concernant la contribution de la politique monétaire britannique "non conventionnelle" aux bons résultats concernant la croissance et l’emploi.

Rappelons d’abord les fondamentaux de cette politique monétaire clairement accommodante. Après avoir épuisé l’arme de la baisse des taux bas, la Banque d’Angleterre a mené sur les années 2009-2012 une stratégie d’assouplissement quantitatif en augmentant de façon considérable la taille de son bilan via le rachat de l’équivalent de 375 milliards de livres de titres à long terme, principalement des obligation d’Etat "Gild".

Ce programme représentant plus du quart du PIB britannique est de loin le plus important, les mesures équivalentes de la réserve fédérale américaine et de la BCE (avant les nouvelles orientations de janvier 2015) représentant respectivement 14% du PIB américain et 4% de celui de la zone euro. En outre et à partir de 2013, la Banque d’Angleterre a communiqué sur les objectifs de sa politique monétaire, en mettant notamment en point de mire le taux de chômage.

L’impact sur la conjoncture et l’emploi ont été clairement significatifs. L’OCDE considère que la baisse des taux des fonds d’Etat a induit une stimulation temporaire du PIB de l’ordre de 2% au minimum et peut-être même un peu plus car le programme a contribué à affaiblir le taux de change de la livre sterling et améliorer le patrimoine financier des ménages (effet richesse).

Donc la contribution de la politique monétaire à l’embellie a été importante même si elle n’explique pas tout.

Quelles sont les autres dimensions de la politique économique qui ont contribué à cette bonne performance ?

La gestion des finances publiques n’a pas impacté fortement sur les dernières années, avec selon l’OCDE aucune contribution négative de la politique budgétaire discrétionnaire à la croissance. Le déficit budgétaire britannique de 5,5% en 2014 est ainsi substantiellement supérieur au solde français équivalent.

Mais l’activité a également été soutenue par des programmes spécifiques pour dynamiser le marché immobilier et renforcer la demande de logements (programmes d’aide à l’achat immobilier Help to Buy) et soutenir les activités de crédit (programme Funding for Lending Scheme). Le raffermissement du marché de l’emploi a sans doute également profité des réformes des prestations sociales pour renforcer l’incitation au travail.

Rappelons toutefois que tout n’est pas rose au Royaume-Uni, l’OCDE mettant en avant deux points d’attention pour préserver la croissance à moyen terme : l’augmentation de la productivité du travail et la solidité du système bancaire.

Quelle est la place des fondamentaux britanniques issus notamment de l’ère Thatcher ?

Rappelons d’abord que Margaret Thatcher a quitté le gouvernement en 1990, soit il y a un quart de siècle, même si une grande partie de l’héritage thatchérien demeure, basé sur son bilan de privatisations massives, de déréglementation de l’économie, de promotion du capitalisme et de la propriété populaire.

Mais l’ère Thatcher a également été celle de la réduction d’un pouvoir syndical qui était devenu à la fois forte source de blocage et extrêmement impopulaire lors de sa prise de fonction en 1979. Il en résulte un marché du travail particulièrement flexible : ainsi la baisse du chômage constatée depuis 2012 s’est faite dans un contexte de baisse des salaires réels.

Alors que Manuel Valls doit proposer un projet de loi sur le dialogue social d'ici le mois d'avril, quels enseignements est-il possible de tirer de l'exemple britannique ?

La situation du marché de travail français est extrêmement différente de celle prévalant en Angleterre, avec la tradition française d’une organisation extrêmement détaillée par l’Etat des relations de travail, sans compter sur les considérables différences statutaires existant entre salariés français (différents statuts d’emplois, CDD, CDI…) aboutissant selon de multiples analysés à la structuration "insider outsider" du marché du travail hexagonal.

Il y a là à la fois un champ majeur de réforme en France mais également un champ tout aussi considérable d’oppositions idéologiques (cf. débat sur le travail dominical aboutissant au 49-3). Nous verrons dans les semaines et mois à venir comment l’exécutif français prévoir de gravir cette montagne.

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