Imposer à des gens qui ne le veulent pas de vivre ensemble : quand la politique de peuplement socialiste se transforme en apartheid inversé<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande veut diversifier les logements sociaux
François Hollande veut diversifier les logements sociaux
©Reuters

Effet boomerang

Lors de sa conférence de presse, François Hollande a annoncé qu'il mettrait en place un comité interministériel consacré au renforcement de la mixité sociale avec notamment comme objectif "le peuplement, c'est-à-dire la mixité sociale, la répartition de la population, pour que les logements sociaux soient créés là où ils sont nécessaires mais pas seulement là où ils sont déjà présents".

Atlantico : Alors que l'apartheid, expression employée par Manuel Valls, consiste en une politique de ségrégation spatiale sur des critères ethniques, le gouvernement, en voulant imposer la mixité sociale, se livre-t-il à un apartheid inversé ? Ces politiques du vivre ensemble imposé sont-elles efficaces ?

Laurent Chalard : Malgré les moyens financiers importants alloués à l’objectif du vivre ensemble, le résultat est malheureusement très mauvais. La ségrégation socio-spatiale n’a fait que se renforcer au fur-et-à-mesure du temps dans les grandes métropoles françaises, certains quartiers concentrant de plus en plus les populations les plus défavorisées alors qu’inversement, les quartiers huppés voient leur caractère bourgeois s’affirmer encore plus. Les quartiers populaires sont évitées par les classes moyennes, y compris celles les moins argentées, qui préfèrent s’endetter et éventuellement s’éloigner fortement de leur lieu de travail pour pouvoir éviter de cohabiter avec les plus pauvres de nos concitoyens, en règle générale, issus de l’immigration extra-européenne. L’extension considérable des auréoles périurbaines autour des grandes villes est une des résultantes de ce processus.

Pourquoi ?

La réponse est toute simple et d’ordre sociologique. L’être humain a tendance à préférer vivre avec ses semblables, c’est-à-dire les personnes de niveau social et d’origine ethnique identiques. C’est valable en France comme dans les autres pays du monde. En conséquence, les gens essaieront toujours par tous les moyens d’arriver à leur objectif. On le voit bien avec la loi SRU, si certains élus préfèrent payer une lourde amende plutôt que de construire le nombre de logements sociaux nécessaires, c’est parce qu’ils savent que dans le cas contraire, ils risquent de ne pas être réélus. Ils ne font que suivre la volonté de leur électorat. Dans une société démocratique, peut-on objectivement forcer les gens à vivre avec des personnes avec qui ils ne veulent pas vivre ? La réponse est négative, nous ne sommes pas dans un état communiste. On peut éventuellement le regretter, mais les politiques se doivent de gérer la réalité.

François Hollande souhaite mettre les bailleurs sociaux face à leurs responsabilités. Mais de quoi sont-ils vraiment responsables ?

Manifestement, François Hollande ne connaît pas la réalité du terrain et ne sait donc pas de quoi il parle. Le problème est trop complexe et relève de facteurs non maîtrisables en l’état actuel, tels que la gestion des flux d’immigration, pour pouvoir nommer un seul responsable, en l’occurrence les bailleurs sociaux. Au contraire, ces derniers font preuve d’un pragmatisme certain, face à une réalité du terrain particulièrement difficile, qui permet d’assurer un semblant de paix sociale, en évitant de mélanger des populations qui, l’expérience le montre, ne souhaitent pas vivre ensemble. De toute façon, à partir du moment où les classes moyennes refusent d’habiter dans le logement social, le problème n’a strictement rien à voir avec les actions des bailleurs sociaux, qui ne peuvent servir de bouc-émissaire.

Existe-t-il une demande de mixité sociale au sein de la population française ?

En-dehors d’une minorité de la population, appartenant à une gauche dite progressiste, qui apprécie la mixité sociale et ethnique dans certains contextes spécifiques (un habitat de type faubourg bien desservi par les transports en commun et proche du centre-ville), le reste de la société française n’aspire nullement à la mixité sociale. Au contraire, on constate plutôt une tendance généralisée au repli sur soi, qui conduit nos concitoyens à accorder encore plus d’importance que d’habitude à la composition de leur voisinage. La mixité sociale est très mal vue dans une large frange de l’opinion publique, même si tout le monde ne l’exprime pas forcément ouvertement.

La mixité sociale a-t-elle d'ailleurs jamais existé au delà du cas de la bonne qui habitait au 6ème étage ? N'est-ce pas contradictoire d'avoir œuvré pour la disparition systématique des petits boulots, et finalement d'avoir fait sortir les pauvres de l'espace social, et de vouloir imposer la mixité sociale ?

Comme de nombreux concepts au succès médiatique et politique certain, la mixité sociale relève du mythe plus que de la réalité. Par définition, la ville est le lieu de l’hétérogénéité sociale, c’est une de ses caractéristiques originelles dès son apparition en Mésopotamie. En conséquence, il y a toujours eu des quartiers riches et des quartiers pauvres et cela sera toujours le cas. Nous ne vivons pas dans un monde utopique ! La seule différence est l’échelle. Du fait de la forte extension des villes, désormais la ségrégation socio-spatiale se fait sur un espace beaucoup plus étendu qu’avant. Il n’y a pas forcément de liens entre petits boulots et mixité sociale, étant donné la déconnexion entre le lieu d’emploi et le lieu de résidence dans les grandes métropoles. 

Encourager la mixité sociale est-il vraiment le moyen le plus efficace de préserver le vivre ensemble ?

C’est un faux problème, le vivre ensemble ne passe par la mixité sociale. Au contraire, cette dernière peut dans certains cas avoir plutôt tendance à exacerber les tensions quand les écarts de revenus entre les individus sont trop importants. Pensons aux villes d’Amérique Latine, où la violence est extrême du fait de la proximité entre misère et richesse ostentatoire.

Le moyen le plus efficace pour assurer le vivre ensemble dans les grandes métropoles est de pouvoir donner les mêmes chances de réussite à tout individu, quelle que soit la sociologie du quartier où il habite, ce que l’on appelle la justice spatiale. Pour résumer, il faudrait que la qualité des services publics (éducation, sécurité, santé…) soit la même dans les beaux quartiers que dans les quartiers pauvres à forte proportion d’immigrés.  

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