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Ecologie à la sauce Marie-Antoinette : 10 000 euros à ceux qui vendraient leur vieux diesel pour s’acheter une voiture électrique
©Reuters

Royale ...

10 000 euros pour vous acheter une voiture électrique. C'est le cadeau que vous offre madame Royal. La condition ? Revendre votre vieille épave polluante qui tourne au diesel. Ah, vous n'avez toujours pas les moyens pour passer à l'électrique, dommage ...

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme

Rémy Prud'homme est professeur émérite à l'Université de Paris XII, il a fait ses études à HEC, à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l'Université de Paris, à l'Université Harvard, ainsi qu'à l'Institut d'Etudes Politique de Paris. 

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Pour lutter contre la pollution aux particules fines, Ségolène Royal souhaite une prime de 10 000 euros pour les François qui revendraient leur vieille voiture diesel contre une électrique. Or les foyers possédant un vieux véhicule ne sont pas ceux qui peuvent s'offrir une onéreuse voiture électrique. C'est gentil de sa part, mais un peu naïf non ?

Rémy Prud'homme : Oui, c'est un peu naïf. Cependant on peut penser que le marché résoudra ça d'une certaine façon, car cela donnera de la valeur supplémentaire aux gens qui ont des vieux véhicules et ça incitera des gens qui, eux, ont envie d'une voiture électrique, à acheter ces vieux véhicules, un peu plus cher que l'argus actuel, et peut-être que cette augmentation du prix incitera des gens qui ont des vieux véhicules à les vendre pour s'en débarrasser. Evidemment peut-être pas tous, car les gens qui ont des vieux véhicules diesel en ont sûrement besoin, beaucoup ne peuvent pas s'en passer et n'ont pas de quoi s'acheter un autre véhicule. Cette mesure risque donc de ne pas avoir d'impact considérable. Par contre elle risque d'avoir un effet pervers en organisant ce trafic qui pourrait probablement être illégal. Du point de vue de la pollution, ce trafic pourrait avoir un impact bénéfique car un certain nombre de ces vieux véhicules seront détruits car la prime ne s'adressera qu'aux gens qui les mettent à la casse. Si beaucoup de véhicules sont mis à la casse, ça sera une bonne chose pour l'environnement.

Les voitures électriques sont aujourd'hui des produits chers, qui ne vont pas très loin en distance. Donc un marché de niche, très urbain. Est-ce que ce n'est pas un peu absurde de vouloir traiter le problème de la pollution atmosphérique par l'électrique ?

Ce n'est pas absurde dans le principe car il est vrai que les voitures électriques ont moins de rejets polluants que les autres. Après, il faut avouer que l'électricité crée des polluants atmosphériques en étant produite, en France c'est moins vrai car la majorité de notre électricité provient du nucléaire ou de l'hydraulique, surtout par rapport à des pays comme la Chine, qui produit principalement à partir du charbon.

En France, le véhicule électrique ne connaît pas vraiment le succès pour deux raisons. La première est qu'il coûte très cher, à l'achat comme à l'usage, car il faut acheter des batteries, les racheter ou les louer. Sans subvention cela reste très couteux et ne peut fonctionner. C'est bien trop cher. Le second inconvénient est que pour le moment on ne peut pas aller très loin avec un véhicule électrique sans s'arrêter longuement, plusieurs heures pour le recharger. Si vous voulez aller passer vos vacances au bord de la Méditerranée, vous mettriez deux ou trois jours à y aller. Pour des trajets domicile-travail, en rechargeant le véhicule la nuit, il n'y a pas de problème. Mais les gens ont la fâcheuse envie, quand ils ont une voiture d'aller en vacances avec, et ils ne vont pas en vacances à 100km de chez eux, généralement. Deux raisons très fortes qui expliquent que les voitures électriques ne se développent pas. On peut imaginer que dans le futur ces deux inconvénient se réduiront, voire disparaitront : le prix des batteries, en particulier, diminuera, mais pas forcément très rapidement. Pour l'autonomie, des progrès sont régulièrement fait, bientôt on arrivera au 200, 300, 400km d'autonomie. On peut imaginer que dans 10 ou 15 ans, on aura des systèmes qui permettront une véritable autonomie.

Autre problème : il faudra que l'Etat finance, à grands frais, des milliers de bornes de rechargement, qui coûtent très cher. Le coût aussi risque de diminuer, mais il faut encore le faire. La conséquence pour l'Etat risque d'être rude. Si ces histoires de prime marchent, cela coûtera des sommes extravagantes, si on immatriculait un million de voitures électriques par an, on arriverait à une subvention coûtant 10 milliards, auxquels s'ajouteraient les investissements dans les bornes. Dans la conjoncture actuelle, on peut imaginer qu'il y aurait des domaines prioritaires, comme la santé ou la sécurité. Pour le moment on a là un pari qu'on a toutes les chances de perdre.

Ne serait-ce pas une meilleure idée de permettre à ces personnes de racheter plutôt une petite voiture neuve qui polluerait moins sans être électrique ?

Il n'y a pas de doute que c'est plutôt ce qu'il se passe habituellement, les gens qui ont des niveaux de revenu faible achètent rarement des voitures neuves. Ils achètent des voitures d'occasion qui ont déjà quelques années, et qui n'est donc pas ce qu'il se fait de mieux en matière de pollution. Mais là on parle de voitures très anciennes, qui sont antérieures aux filtres, qui polluent beaucoup plus. Je pense que Ségolène Royal a raison de viser particulièrement ces voitures-là, car une partie considérable de celles-ci, ces 10 ou 15%, produisent une part considérable des rejets.

Les voitures plus récentes, y compris les diésels, possèdent des filtres à particules, pas parfaits mais plus efficaces, et donc rejettent beaucoup moins de particules. L'idée de supprimer les vieilles voitures est donc une idée foncièrement correcte. Le malheur veut que ce sont ces voitures qui sont utilisées par les français les plus pauvres. Que peut-on faire pour eux ? On ferait mieux, en effet, de les aider à acheter des voitures d'occasion qui seraient, nettement moins polluantes. Ce ne serait pas radical, mais ça engendrerait une forte diminution de la pollution. On leur donnerait une subvention de 2000 ou 3000 euros pour acheter une voiture d'occasion de moins de huit ans, par exemple, aujourd'hui on en trouve pour 3000 euros.

L'idée est qu'on veut mettre en place est de promouvoir le véhicule électrique, parce que c'est à la mode, mais aussi de réduire les émissions de polluants. Le premier objectif a moins d'importance que le second selon moi. Par contre, l'idée de lier absolument ces deux objectifs n'a pas de raison d'être. Il faut rendre ces deux objectifs distincts si on veut les atteindre, car les lier ne fait que compliquer les choses.

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