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2014, l’année où les juridictions suprêmes françaises ont sombré dans le politiquement correct
©Wikimedia Commons

Sous pression

Entre le refus du droit à l'objection de conscience pour les maires dans le cadre de l'application de la loi Taubira, la cessation de soins sur Vincent Lambert et la reconnaissance de l'adoption par des couples homosexuels d'enfants conçus à l'étranger par PMA, les Cours souveraines françaises ont surtout donnée l'impression de céder aux idéologies dites "progressistes".

Roland Hureaux

Roland Hureaux

Roland Hureaux a été universitaire, diplomate, membre de plusieurs cabinets ministériels (dont celui de Philippe Séguin), élu local, et plus récemment à la Cour des comptes.

Il est l'auteur de La grande démolition : La France cassée par les réformes ainsi que de L'actualité du Gaullisme, Les hauteurs béantes de l'Europe, Les nouveaux féodaux, Gnose et gnostiques des origines à nos jours.

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Trois décisions récentes ont montré que les Cours souveraines (nous entendons par là des juridictions jugeant en dernier ressort : Conseil constitutionnel, Conseil d'Etat, Cour de cassation)  savaient prendre des décisions ne risquant pas de heurter le politiquement correct de l'heure.

Le Conseil constitutionnel a refusé le 17 octobre 2013 aux maires le droit à l'objection de conscience sur la loi Taubira - alors même que le président de la  République le leur avait promis et qu'il existe en droit français pour les militaires et certains fonctionnaires. Des amendes très lourdes frapperont donc ceux qui refuseraient  d'organiser un mariage entre homosexuels (c'est arrivé récemment à une élue musulmane (PS) de Marseille).

Le Conseil d'Etat a reconnu le 24 juin 2014 la légitimité d'une cessation de soins à caractère euthanasique sur le jeune Vincent  Lambert en état comateux alors même que ses parents souhaitaient qu'il reste en vie.

Enfin, la Cour de cassation a reconnu le 22 septembre 2014 en droit français l'adoption par des couples homosexuels d'enfants conçus à l'étranger par la procréation médicalement assistée, même si cette pratique est interdite en France.

La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) était même allée plus loin en condamnant la France le  26 juin 1994 pour avoir refusé de transcrire à  l'état civil les actes de naissance d'enfants nés par mères porteuses aux Etats-Unis.

La légitimité de ces décisions est inégale.

En validant l'ordre de cesser les soins à Vincent Lambert, le Conseil d'Etat se conforme sans doute à la loi sur la fin de vie, dite Léonetti (2005) qui, tout en prohibant l'euthanasie active, non seulement autorise la refus de l'acharnement thérapeutique mais  proscrit un tel acharnement. Mais reconnaissant lui-même que cette considération ne suffit pas, le Conseil d'Etat s'est fondé aussi sur les avis d'un entourage qui, en l'espèce, n'est pas unanime, les parents du moribond étant opposés à la cessation des soins. Faute d'expression explicite de la volonté du patient, il est difficile d'admettre les témoignages de tiers.

On peut comprendre à la rigueur la position du Conseil constitutionnel  soucieux de la  continuité  du service public (mais dans ce cas, il existe des parades comme le pouvoir de substitution du préfet ou la réquisition d'un tiers consentant) tout en trouvant anormal qu'un élu ne puisse pas jouir  dans ce cas de  la liberté de conscience.

Il est vrai que la reconnaissance au droit à l'objection de conscience aurait, aux yeux des promoteurs de la loi Taubira, détruit entièrement l'objectif réel qui était le leur : imposer par la  loi civile une morale différente de la morale commune. La loi Taubira n'est pas une loi relativiste, elle vise au contraire à rendre officielle la maxime selon laquelle l'homosexualité est strictement équivalente à l'hétérosexualité. C'est pourquoi cette loi, du fait qu'elle instaure une morale officielle, porte en  germe une limitation de l'objection de conscience dont on a vu les effets et au-delà celle de la liberté d'expression comme l'avait expérimenté le député Christian Vanneste.

Quoi qu'il en soit, une telle décision heurte de plein fouet le droit d'un enfant à avoir un père et une mère (sauf accident) et confirme les opposants à cette loi dans l'idée qu'elle portait en puissance la PMA (procréation médicalement assistée) et la GPA (gestation pour autrui) pour les couples homosexuels.

Le degré d'absurdité de la position de la Cour de cassation est illustré par l'expression "l'épouse de la mère".  

"Le recours à l’assistance médicale à la procréation, sous la forme d’une insémination artificielle avec donneur anonyme à l’étranger, ne fait pas obstacle au prononcé de l’adoption, par l’épouse de la mère, de l’enfant né de cette procréation, dès lors que les conditions légales de l’adoption sont réunies et qu’elle est conforme à l’intérêt de l’enfant."

Intolérance et idéologie

Mais il y a plus grave :  ces trois lois portent sur des sujets de société où la pression des partisans d'une nouvelle morale s'exerce  par des  moyens de plus en plus terroristes, ceux de la tyrannie du politiquement correct.

Il fut un temps où, sur des sujets controversés, telle ou telle cour souveraine pouvait aller contre l'opinion, nous ne disons pas dominante mais la plus forte médiatiquement et la plus véhémente dans son expression, par exemple en matière de droit de la presse où la Cour de cassation a, de tradition, toujours été vigilante à maintenir la liberté d'expression. .

On peut se demander si cela sera encore possible.

Déjà , sur des sujets de ce genre, comme  en matière de diffamation, les Cours d'appel ont l'habitude de juger de plus en plus en fonction des pressions de  l'opinion publique, laissant au la Cour de cassation le soin de rappeler le droit.

Les trois décisions évoquées, par leur coïncidence, permettent de craindre le pire : de voir s'étendre dans la justice le règne des idéologies  les plus intolérantes.

Ces idéologies ont en commun, comme toutes les idéologies,  de ne pas respecter le principe de la séparation des pouvoirs. Les causes qu'elles prétendent défendre sont, pour elles, si impérieuses, qu'aucun principe ne saurait prévaloir contre elles.

L'idée qu'aucune idéologie ne saurait prévaloir contre le droit  est au contraire au fondement d'une civilisation de liberté. C'est ce qu'il importe aujourd'hui de défendre.

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