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L’herpès des huîtres françaises va-t-il nous en priver à Noël (et après…)?
©Reuters

En voie de raréfaction

A l'approche des fêtes de Noël, les maladies et infections ravageuses auxquelles sont confrontés les ostréiculteurs se font sentir, avec une augmentation des prix de près de 36% (du fait de leur raréfaction) selon l'Insee et depuis 2008. Une tendance qui rappelle à la tâche les scientifiques pour solutionner un problème complexe, et qui, sans le changement de certaines pratiques d'élevage, continuera à s'amplifier.

Sylvie Lapègue

Sylvie Lapègue

Sylvie Lapègue responsable du laboratoire de génétique et de pathologique des mollusques marins à la station Ifremer de la Tremblade

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Atlantico : Les producteurs d'huîtres de l'espèce californiennes, une espèce très largement répandues en Nouvelle-Zélande, en Australie et aux Etats-Unis sont confrontés à une nouvelle infection, dont l'agent identifié est un virus de la famille des herpès. Les huîtres françaises sont également sensibles à ce virus, et la production totale d'huîtres françaises aurait d'ailleurs diminué de 26% depuis 2008. Quelles sont les raisons qui permettent d'expliquer la raréfaction des huîtres ?

Sylvie Lapègue : Depuis que l’Ifremer effectue des observations, nous avons toujours constaté que ce type d’infection pouvait avoir lieu, mais il est vrai que les taux de mortalité ont énormément augmenté. La filière ostréicole française doit faire face à des taux de mortalité très élevés chez l’espèce d’huîtres creuses, qui est la plus implantée dans notre pays. Ces infections touchent à la fois les naissains (stade larvaire ndlr), mais aussi les adultes depuis 2012. Il n'est pas exagéré de dire que nous ne sommes plus devant une menace, mais bien devant une réalité.

A chaque fois, nous avons pu mettre en évidence la présence et parfois l’implication d’agents pathogènes, un virus de type herpétique. Pour les huîtres adultes, phénomène plus complexe, ce virus s'est associé avec une bactérie (vibrio aesturianus). Assez rapidement, ces agents se multiplient à l’intérieur de l’animal, et utilisent les cellules des mollusques pour se développer. Si l’animal n’arrive pas à se défendre, il finit par mourir assez rapidement, entre deux et quatre jours. Pour les adultes, cela met plus de temps, mais c'est aussi ravageur.

Quel rôle a pu jouer le réchauffement climatique ?

L’évolution du climat a effectivement eu un impact, car à la différence d’un bovin ou des animaux terrestres, les huîtres vivent dans un milieu ouvert où il n’est pas possible de contrôler ni la température de son habitat, ni sa nourriture, et encore moins la salinité de l'eau qui l'entoure. 

Mais le facteur humain est également qui a pu porter atteinte à leur santé. Généralement l’arrivée d’un polluant industriel, ou des apports d’eau douce massive. Des recherches permettent de montrer que ces polluants provoquent des perturbations, et fragilisent leur développement et leur croissance, voire leur intégrité génétique. On sait également qu’augmenter la densité de production pose problème en cas d’infection : Plus les huîtres sont proches les unes des autres, et plus les chances de propagation de l’infection sont importantes.

De plus la filière est basée sur les transferts d’animaux, et notamment entre deux sites -Marenne-Oléron et Arcachon- et sont envoyés dans d’autres sites et accentuent la propagation.

Pour toutes ces raisons, peut-on dire que les huîtres sont condamnées à disparaîtres ? Où en sont les projections actuelles

L’exemple de l’huître portugaise est intéressant, qui a été introduite dans les années 1860-1870, et qui, un siècle plus tard a subi une quasi éradication sur les côtes françaises suite à un agent pathogène.

Le cas actuel est quand même un peu différent, car bien qu’on observe une mortalité de naissains jusqu’à 90-100%, des mortalités d’adultes, mais on ne peut pas parler de disparition de l’espèce car au niveau européen, il y a toujours une reproduction avec des sites allant jusqu’en Norvège. Mais bien sûr il y a des problèmes de production de la filière.

Quels sont les autres coquillages menacés ?

Ces menaces concernent tous les coquillages. Les noix de saint-jacques par exemple. On observe de la même manière et très régulièrement le même type de problèmes d’infection chez d’autres mollusques qui mettent en cause des agents pathogènes ou des algues toxiques. On a pu voir des cas de mortalité pour les coques par exemple. Depuis 2014, on observe également de forts taux de mortalité chez les moules de Charente-Maritime et de Vendée.

Sur quelles pistes la recherche travaille-t-elle pour palier à ces infections ? Existe-t-il des motifs d'optimisme ?

Etant donné que nous sommes dans un milieu ouvert, les solutions sont relativement limitées. De même, ces animaux n’ont pas de système immunitaire aussi développé que ceux des vertébrés. Même si les agents pathogènes sont identifiés, il n’est pas possible de les soumettre à des vaccins au sens classique du terme. En revanche, il est tout à fait possible de réduire autant que possible le risque, et in fine de faire baisser le taux de mortalité des huîtres naissains ou adultes. Les mesures de gestion consisteraient donc à limiter au maximum les transferts d’espèces entre les régions pour éviter la dispersion d’agent infectieux (ce qui a déjà été mis en place de manière ponctuelle, en cas d’urgence), mais on peut aussi essayer d’identifier des animaux qui sont capables de mieux résister à ces conditions stressantes au sens large, et de les faire gagner en robustesse. L’optimisation des élevages serait également une bonne chose, en diminuant les densités d’élevage.

Il serait également intéressant de procéder à une diversification des espèces. On a pu voir récemment un regain d’intérêt récent pour les huîtres plates, plus résistantes.

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