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Pourquoi les effets de la loi Macron risquent de se limiter à porter le ministre de l’Économie dans les sondages
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Principe de réalité

La cote de popularité du ministre de l’Économie monte dans les sondages : selon le dernier baromètre Ipsos-Le Point, Emmanuel Macron recueille désormais 39% de bonnes opinions, soit une hausse de 12 points après la présentation de son projet de loi pour la croissance et l'activité.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Beaucoup des propositions que contient la loi Macron figurent sur la liste des "cadeaux" demandés par les  entrepreneurs ; en effet, ce projet de loi  constitue le début des réformes nécessaires pour libérer la France de ses archaïsmes. Certaines réformes sont loin d'être suffisantes mais tout vaut mieux que l’immobilisme que nous subissons depuis des années. Les optimistes se disent que les oublis et les imperfections de cette loi pourront être corrigés ultérieurement, à la lumière de l’expérience. Continuons donc dans cet état d'esprit positif et reconnaissons qu'Emmanuel Macron a beaucoup écouté (il avait commencé à l'Elysée) et qu'il a été très rapide pour proposer des réformes. Cette volonté dans le passage à un début d'acte fait honneur à un certain courage politique du gouvernement et du président de la République qu'il faut savoir reconnaître ; les occasions sont suffisamment rares.

Quant aux réformes annoncées, qui ne peut être d'accord avec ces grands principes ?

1 - Libérer l’activité ;

2 - Investir (plus) ;

3 - Travailler (plus) (ce qui constitue toutefois un éternel débat franco-français).

Une fois que l'on s'est réjoui de cette avancée présumée, nous nous retrouvons face au terrible principe de réalité français. Etant donné le très grand nombre de sujets abordés, chaque sujet génèrera forcément son lot de mécontents et la somme risque de provoquer un rejet général.

Les réformes ne sont pas faites pour favoriser telle ou telle catégorie professionnelle ou "clientèle", elles ne doivent viser que l’intérêt général et non satisfaire des intérêts particuliers ; cela semble être le cas, chose suffisamment rare pour être saluée quoiqu'on pense des propositions !

Pourtant les entrepreneurs et la grande majorité des Français savent que c’est maintenant que les ennuis commencent : par exemple, que fera l’opposition ? S’opposera-t-elle, comme pour la tour Triangle au conseil municipal de Paris, laissant croire que comme la Tour de Pise une tour peut pencher à droite ou à gauche ? Au passage, signalons que la majorité des entrepreneurs souhaite vivement que la dite opposition montre également son sens de l'intérêt général et vote POUR lorsque la proposition est bonne ! Tout comme l'autorisation de légiférer par ordonnances, afin de permettre le vote de textes efficaces et opérationnels dans des délais raisonnables.

Nous pouvons hélas, déjà écrire le scénario.

Le débat va susciter des interpellations politiques sans fin sur base idéologique ou électoraliste, chacun voyant midi à sa porte. Climat houleux à l'assemblée sur de grands principes qui n'auront pas grand-chose à voir avec la réalité et ses conséquences sur le terrain. Les textes seront modifiés sans fin et les amendements vont se succéder jusqu'à vider chaque proposition de sa substantifique moelle.

On va ensuite assister à la montée de boucliers des lobbys et des syndicats.

La rue va s'en mêler et manifester, on mènera des transactions en coulisse sur la base des rapports de force et on négociera en brandissant le principe fondateur du faux dialogue social français (ex : "je lâche sur les effets de seuils et tu me lâches sur la loi Hamon.)

Une fois les échauffourées calmées, il faudra passer aux décrets d'application qui, le plus souvent, ont en commun de complexifier un maximum. C’est là que pourra entrer en action notre ministre en charge de simplifier immédiatement ce que la réglementation vient de complexifier.

Dans combien de temps et comment verrons-nous les conséquences des réformes irriguer le quotidien des entreprises ? Cette vision pessimiste repose sur l'expérience d'un système engendrant des échecs à répétition qui explique que l'enthousiasme national soit conditionné à l'usage d'antidépresseurs !

L'essentiel de ce projet de loi vise à "débloquer le France" et à créer "de la croissance et de l’activité" afin de développer l’emploi. Or, ce n’est pas en réglementant d'avantage que l’on y parviendra, au contraire, les chefs d’entreprise sont au-delà du découragement face à des contraintes réglementaires et administratives incessantes ; l'instabilité les ronge. Ils ne demandent qu'une chose, qu'on les laisse entreprendre et gérer leur boîte et que l’Etat ne soit là que pour sanctionner les abus. Pour cela, il faut aussi un changement d'un tout autre ordre, un changement philosophique dans l'état d'esprit de la gestion de la France et de ses administrations, un retournement profond dans le rapport à l'entreprise, fondé sur la confiance en renonçant à la culture du harcèlement par le contrôle. Le chef d'entreprise est présumé coupable, c'est ce préalable qui est à  la source de tous nos maux car il génère à lui seul tout le processus de la complexité et explique ce code du travail pharaonique que personne ne veut toucher car ce serait profaner le "livre saint" supposé protéger nos salariés. Nous sommes tellement méfiants que nous tentons de prévenir les abus de quelques-uns, au détriment de tous. Nous nous protégeons jusqu'à l'asphyxie en entretenant un climat de défiance. Tant que régnerons ces ennemis de la liberté individuelle, de l'esprit d'entreprise qui freinent toutes les initiatives, toutes les lois Macron du monde seront sans effet.

Ne gâchons pas cette chance, soutenons cette initiative, au-delà d’un esprit partisan, c'est un pas en avant...

Note : le Conseil d’État (CE) donne un avis défavorable sur la réforme des professions libérales (rupture d’égalité qui favoriserait les nouveaux arrivants). Concernant le travail le dimanche : le CE impose une consultation des syndicats. Le gouvernement n’est pas tenu de respecter l’avis du CE, mais si il le fait il doit le suivre dans son intégralité. Si le gouvernement choisit de ne pas respecter l’avis, il peut y avoir des litiges administratifs remettant en cause la loi (la loi serait illégale sur certains points selon le CE).

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