Pourquoi les mensonges de Claire Thibout peuvent tout changer à l’affaire Bettencourt<!-- --> | Atlantico.fr
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Claire Thibout
Claire Thibout
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Rebondissement

Le coup de théâtre provoqué par la mise en examen de Claire Thibout pour faux témoignage, affaiblit l’instruction du juge bordelais Jean-Michel Gentil. François-Marie Banier et Patrice de Maistre, renvoyés en correctionnelle pour abus de faiblesse, comptent bien en profiter. Leur procès pourra-t-il débuter, comme prévu, le 26 janvier 2015 ? Les scénarios possibles…

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • A Bordeaux, le juge d’instruction Jean-Michel Gentil avait jugé "crédible" le témoignage de Claire Thibout qui avait conduit à la mise en examen de Nicolas Sarkozy… avant qu’il n’obtienne un non- lieu 
  • La mise  en examen à Paris de Claire Thibout, le 27 novembre, pour faux témoignage, conforte  les critiques sévères que formulait l’ancien chef de l’Etat à l’encontre de cette dernière
  • Dès l’ouverture du procès, le 26 janvier 2015, les avocats de Banier et de Maistre  risquent de mettre en cause  l’enquête du juge Gentil qui, selon eux, aurait instruit davantage à charge qu’à décharge
  • Avec ce procès, qu’il ait lieu ou pas, va se poser une fois encore la question du rôle du juge d’instruction dans notre procédure pénale. Est-il toujours "l’homme le plus puissant de France" selon la formule de Balzac ?

Mais quelle histoire ! Rarement, on a vu dans une enquête judiciaire, autant de dégâts collatéraux. C’est bien ce qui se passe dans cette affaire Bettencourt…on devrait dire les affaires Bettencourt. D’abord, il y a ces cinq journalistes et l’ancien majordome de la vieille dame  renvoyés en correctionnelle. Pour atteinte à la vie privée. Ensuite, vient  la juge Isabelle Prévost-Deprez, celle-là même qui était chargée d’un supplément d’information à Nanterre au début de l’enquête: renvoyée en correctionnelle pour violation du secret de l’instruction. Puis, c’est d’Henri Guaino qui s’en était pris violemment au juge Gentil qui, à ses yeux, "déshonorait la justice." L’ancien conseiller de Sarkozy était passé le 22 octobre 2014, en correctionnelle pour outrage à magistrat. Le 27 novembre, il sera relaxé. Jean-Michel Gentil a fait appel.

Lire également : Mensonges en série : révélations sur le PV d’audition de Claire Thibout, ex-comptable de Liliane Bettencourt, mise en examen pour faux témoignage

Qui pourrait le nier ?  Ce feuilleton qui passionne l’opinion depuis  l’été 2010 est hors norme. Tous les ingrédients sont là : une dame très riche, actionnaire principale de l’Oréal, un photographe fantasque, ami du Tout-Paris, un ancien trésorier de l’UMP, un gestionnaire de fortune,  une pléthore de courtisans  autour de la vieille dame charmante et 17 employés modèles… Du moins le croyait-on. Oui, tout était réuni pour faire rêver le bon peuple et appâter la presse people. Jusqu’à ce qu’apparaisse un nouvel acteur. Pas n’importe lequel : un candidat à la présidence de la République, soupçonné de profiter des libéralités de Liliane Bettencourt pour financer sa campagne de mai 2007. Libéralités allouées sous forme d’enveloppes remises par Claire Thibout  à Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane… qui, à son tour, les remettait à Eric Woerth, le trésorier de l’UMP... qui à son tour…C’est là que la dramaturgie prend une nouvelle dimension, avec cette comptable qui règne en maître dans l’hôtel particulier de la dame la plus riche de France. C’est elle qui va être la principale accusatrice de Nicolas Sarkozy,  de François-Marie Banier, l’écrivain-photographe, et Patrice de Maistre. Le juge d’instruction de Bordeaux va estimer son témoignage « crédible. »Et c’est ainsi que  Nicolas Sarkozy va se retrouver mis en examen pour abus de faiblesse tout comme Banier et de Maistre. Au bout de quelques mois, ce sera le non-lieu- à l’arraché pour le futur chef de l’Etat. Pas pour les deux autres. Qui vont réussir à obtenir la mise en examen de Mme Thibout. Pour faux témoignage. C’était le 27 novembre, dans le cabinet du juge parisien Roger Le Loire…L’édifice du dossier d’instruction bordelais commence à se fissurer. Le témoignage de l’accusatrice prend du plomb dans l’aile. Ce 27 novembre en effet, Claire Thibout perd les pédales. Bon nombre de témoignages d’employés de la vieille dame, pourtant  livrés devant le juge bordelais vont à l’encontre de ceux de la comptable. Celle-ci avait notamment affirmé  que Banier faisait « écrire n’importe quoi » à Liliane sur du papier à en- tête au 18 rue de Delabordère, adresse de hôtel particulier situé à Neuilly, là où elle habitait avec André, son mari, ancien ministre du général de Gaulle, décédé le 19 novembre 2007.  « Ce n’importe quoi, » ce sont surtout des missives adressées à des avocats  et au notaire, Me Normand. Manque de chance : en 2006, 2007, nulle trace d’écrits chez le notaire. En 2008, une lettre seulement.  En 2009,  deux missives. Elles sont  signées de  Mme Bettencourt et expédiées à  ses  petit-fils.  Sur un autre sujet, Claire Thibout , toujours devant le juge Gentil, s’était montrée catégorique sur les visites du fantasque Banier. Il venait constamment voir Liliane, affirmait-elle. Or d’autres employées affirmeront le contraire. Sur les assurances-vie, d’une valeur de plusieurs millions d’euros, Mme Thibout n’hésitera pas à dire que le protégé  de sa patronne en avait été le bénéficiaire à une période où  cette dernière se trouvait en état de faiblesse. Ce qui était inexact. Totalement… Et bien d’autres choses encore.

Pourtant, le magistrat bordelais va accorder du crédit à la comptable plutôt qu’aux autres employés. Aussi, y-a-t-il fort à parier que les avocats de Banier et de Patrice de Maistre vont, dès l’ouverture de l’audience, 26 janvier 2015,  contester l’ordonnance de 267 pages signée du juge et de deux de ses collègues qui  les renvoient en correctionnelle. Une situation ubuesque puisqu’à la limite, ces  deux- là seraient coupables à Bordeaux et innocents à Paris. Que faire ? Attendre que le procès pour faux témoignage de Mme Thibout ait lieu, que cette dernière soit condamnée, à supposer que ce soit le cas, ce qui permettrait d’envisager –peut-être- la relaxe pour l’artiste, le financier  et par ricochet, Eric Woerth qui vient d’ailleurs d’être blanchi par la Cour de Justice de la République dans l’affaire de l’hippodrome de Compiègne? Soit. Sauf, répétons-le, qu’ils sont jugés à Bordeaux à partir du 26 janvier 2015. Alors, serait-il possible de joindre le dossier parisien à celui de Bordeaux ? Nouveau casse-tête : le juge Le Loire n’a pas terminé son instruction sur le faux témoignage reproché à la comptable. De plus, il devrait convoquer deux ou trois employées de  Liliane Bettencourt qui semblent avoir livré, a priori, des témoignages peu crédibles. Du même acabit que ceux de la comptable.  Ce n’est pas tout : il  n’est pas exclu, que certaines attestations très défavorables, surtout à l’encontre Banier- très jalousé- aient été inspirées par Françoise Meyers, fille de Liliane. Laquelle n’aimait pas du tout, mais pas du tout, le protégé de sa mère. C’est dire que le début de ce procès, s’il commence vraiment, promet d’être agité. A coup sûr, on reparlera de Jean-Michel Gentil considéré par les avocats comme ayant davantage instruit à charge plutôt qu’à décharge. A coup sûr, on reparlera de ce magistrat qui a commis l’imprudence de choisir comme expert médical un  témoin de son mariage. Un choix  peu orthodoxe, mais en aucun cas illégal.  Après ces récriminations, les avocats, ce 26 janvier 2015, ne disposeront plus que d’une solution : la demande d’annulation de l’ordonnance du juge Gentil. Le jeu  se déplacera alors du côté des trois juges du Tribunal de Bordeaux qui auront un sacré pouvoir : celui d’anéantir un travail  de plusieurs années ou  de conforter les investigations du juge Gentil. Si le tribunal retient la première hypothèse, sera posée pour la énième fois, la question de la survie de ce magistrat en voie de disparition en Europe…

Dans cette atmosphère électrique, un homme sera également présent sur le banc des prévenus. Très connu dans le monde des medias, il s’appelle Stéphane Courbit. Mais, lui, se trouvera dans une position  beaucoup plus délicate que François-Marie  Banier et  Patrice de Maistre : il a  obtenu que Liliane Bettencourt investisse 143 millions d’euros  dans Lov Group, la holding de l’audiovisuel qu’il animait. C’était en 2010 et 2011. A une époque où cette dernière, selon l’instruction, se trouvait en état de faiblesse. A ce moment-là, la principale actionnaire de l’Oréal pensait que Courbit était un chanteur…Mis en examen le 19 février 2013, pour escroquerie et recel d’abus de faiblesse, ses avocats ont tenté de faire annuler cette mise en examen. Sans succès.

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