Le Venezuela plombé par la baisse du pétrole : Jean-Luc Mélenchon a-t-il encore un avis sur le petro-gauchisme de Caracas ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Venezuela est plombé par la baisse du pétrole.
Le Venezuela est plombé par la baisse du pétrole.
©Reuters

La grande illusion

Face à la baisse des cours du pétrole orchestrée par l'Arabie saoudite, le président vénézuélien Nicolas Maduro n'a eu d'autre choix que de demander des coupes drastiques dans le budget de l'Etat. Une situation de plus en plus difficile à vivre par les citoyens.

Nelson Castellano-Hernandez

Nelson Castellano-Hernandez

Nelson Castellano-Hernandez est un ancien diplomate vénézuélien, fonction qu'il a occupée pendant 18 ans. Il a commencé sa carrière comme assistant de l’ancien ministre des affaires étrangères Aristides Calvani, puis a travaillé en Belgique au sein de la Délégation vénézuélienne auprès de la Communauté européenne, et a été en poste en Iran, au Liban, en France, et au Venezuela comme fonctionnaire diplomatique d’ambassade, chargé d’affaire et consul. Sa dernière fonction en tant que diplomate fut Ministre Conseiller chef du service Consulaire à Paris.

 

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Atlantico : Il y a six mois, le président vénézuélien Nicolás Maduro faisait face à des manifestations de rue massives, aujourd'hui il doit composer avec un prix du baril de pétrole en dessous des 70 dollars. Le pays est-il au bord de l'implosion, tant économique que sociale ?

Nelson Castellano-Hernandez : Oui bien sûr, C’est une question de temps, la politique du régime a été d’utiliser les revenus provenant des ressources pétrolières pour subventionner les promesses de la révolution, celles qui lui ont permis d’arriver au pouvoir. C’était une solution virtuelle, le régime n'a pas cherché à trouver des solutions, ni politiques ni économiques, mais voulait simplement gagner du temps pour s’installer, pour prendre le contrôle sur les institutions du pays et pour exporter sa révolution.

C’est un mensonge d'affirmer que le Vénézuela est en conditions d'assimiler la chute du prix du pétrole. Le peuple va souffrir face aux mesures, car les impôts seront augmentés, tout comme le prix de l’essence, et  il y aura plus en plus de files d’attente et de rationnement dans les magasins.

Tout cela s’ajoute au souvenir de la répression que le pays a vécue, pendant ces manifestations. D’ailleurs les organismes internationaux de défense des droits de l’homme viennent d’exiger des réponses à ces agissements.

Le gouvernement est "dollar-addict". Dans un pays où rien n'est produit, il a besoins de la devise pour importer tout qui c’est consommé, vital. Ce n'est donc en rien un abus de langage que d'affirmer que le pays est au bord de l'implosion.

En nationalisant les entreprises productrices de pétrole, le pouvoir socialiste pensait-il sincèrement qu'il parviendrait à mettre en place un système de redistribution des richesses viable ? Y a-t-il eu tromperie de la part de Chavez, puis de Maduro ?

C'est un des mensonges du régime Chaviste : le pétrole a été nationalisé le 1er janvier 1976, sous la présidence de M. Carlos Andres Perez.

Le gouvernement du président Hugo Chavez a seulement décrété en 2007 la reconversion autour du pétrole, octroyée évidemment par lui-même. Dans la région connue sous le nom "la Faja del Orinoco", il a converti les entreprises pétrolières étatiques en entreprises mixtes, où l’Etat reste actionnaire majoritaire.

De mon point de vue, ils n'ont jamais voulu mettre en place un système de redistribution des richesses viable. Il fallait pour cela diversifier l’économie et la production nationale. En revanche, on a assisté à un processus de destruction de tous les secteurs de production. Aujourd’hui, tout ce qui se consomme au Vénézuela est importé. Pour ces importations, ils ont besoins de ces devises (dollars) qui leur manquent tant.

Le fait que la popularité du gouvernement soit indexée sur le cours du baril est-il un aveu en creux de son incapacité à planifier une économie viable ? Le "pétro-socialisme" est-il sur le point de disparaître ?

Il faut partir de la vérité, le régime vénézuélien n’est pas un régime socialiste, mais plutôt militariste. C’est un projet qui n’est pas national, mais qui répond plutôt à un projet dirigé depuis la Havane, mélange de fascisme et de communisme.

L'intention de résoudre les problèmes n'a jamais existé, sinon comment s’explique-t-on que la poule aux œufs d’or ait été tuée ? PDVSA, l’entreprise pétrolière qui a été considérée comme l'une des meilleures du monde, a perdu de son lustre d'antan, mal gérée qu'elle est, et ne produisant même pas la quote-part de production prévue par l’OPEP.

On l’a dénaturée,  elle est devenue la caisse personnelle du Président, pour financer sa révolution et obtenir le soutien international, sans objectif de croissance, ni d'entretien.

Les experts sont d’accord pour affirmer qu’une réduction de production de la part de l’OPEP n'entraînera pas une baisse importante des prix. De toute façon l'Arabie saoudite à d’autres intérêts, qui consistent à rendre non rentable la production pétrolière des Etats-Unis et des pays producteurs européens.

La manque de planification, d'expérience et de professionnalisme, couplé à la réalité du marché pétrolier, ne laissent pas beaucoup d'espoirs à la popularité du gouvernement.

Au vu de la réalité économique et sociale du pays, comment expliquer la fascination que le régime mis en place par Hugo Chávez exerce sur tant de personnes en France, dont notamment Jean-Luc Mélenchon et Olivier Besancenot ? Peut-on comparer cela avec la relation ambiguë que certains intellectuels français entretenaient avec l'URSS ?

Il s'agit d'une ambiguïté très française : on aime les révolutions, surtout lorsqu'elles se produisent loin. C'est la recherche de l'ancien mythe du révolutionnaire juste, la quête d’utopie perdue dans la vie personnelle.

Il ne faut pas négliger que parmi eux, certains ont bénéficié d'aides financières. Cela fait partie de la propagande internationale  subventionnée par le régime chaviste.

La réalité géopolitique est tout autre,  l’OPEP contrôle un tiers des marchés pétroliers mondiaux. Les producteurs sont eux-mêmes divisés, notamment l’Arabie saoudite et l’Iran, pour des raisons religieuses et politiques profondes (sunnites et chiites luttent pour le contrôle de la région du Golfe.

Comment le gouvernement tente-il tant bien que mal de faire face à cette baisse des cours du pétrole ? Quels sont ses espoirs de réussite ?

Le gouvernement aurait besoin d’une stabilité institutionnelle, pour cela il lui faudrait arriver à une entente avec l’opposition. Mais il est sourd, il ne veut pas de dialogue, croit pouvoir tenir jusqu’à a écraser les forces démocratiques et installer définitivement son projet autoritaire.

C’est de L'acharnement thérapeutique; mais comme tout patient atteint d’une maladie terminale, il finira par mourir.

Le problème, c'est qu’il peut tenir encore longtemps. Les ressources pétrolières, même affaiblies lui permettent de tenir. Il y aura toujours plus de problèmes, de violences, de manques de nourriture, médicaments pièces détaches, et malgré cela, le gouvernement tiendra. Jusqu'à ce qu'éclate dans toute sa puissance la colère des citoyens, qui deviendront alors incontrôlables.

Entre temps le pays aura eu le temps de se détériorer encore plus, et la reconstruction sera d'autant plus compliquée que ce que l'on peut imaginer pour le moment.

Ce sera le début de la fin lorsque des membres de pouvoirs publics commenceront à préparer leur futur ailleurs. La corruption monte en puissance, car  pour beaucoup de dirigeants il faut faire vite, s'enrichir et se mettre en sécurité à temps.

De toute façon les mesures qu’ils sont en train de prendre vont essentiellement produire des économies en bolivars, la monnaie locale. Ce n'est pas avec ça qu'ils iront pas très loin...

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