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Théâtre National de Strasbourg : quand le gendre de Jack Lang remplace la nièce de Martine Aubry
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Editorial

La récente et mouvementée arrivée à la tête du Théâtre National de Strasbourg de Stanislas Nordey, qui succède à Julie Brochen, est une triste et remarquable illustration du système discrétionnaire qui prévaut pour les nominations par le ministère de la Culture.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Il y a eu le feuilleton du Musée Picasso dont la réouverture après cinq ans de travaux a moins préoccupé le ministère de la Culture cette année que la polémique sur celui ou celle qui en tiendra désormais les rênes. La présidente de l’établissement jusqu’au mois de juin dernier, Anne Baldassari, étalant largement dans la presse les conditions troubles dans lesquelles elle a été débarquée par Aurélie Filipetti alors que son mandat courrait pourtant jusqu’en 2015.

Il y a eu aussi l’été dernier l’incroyable coup de malchance du directeur du Théâtre National populaire de Villeurbanne, Christian Schiaretti, qui était candidat au poste d’administrateur général de la Comédie-Française. Figurant parmi les trois noms les plus susceptibles de pouvoir prendre la tête du Théâtre Français, Christian Schiaretti a rédigé, à la demande du ministère de la Culture et comme les autres candidats, son projet pour la Comédie-Française. Mais pas de chance : le document s’est égaré quelque part entre la Rue de Valois et l’Elysée qui ne l’a donc jamais lu. C’est bien sûr un malencontreux hasard si les deux dossiers parvenus à la présidence de la République ont été ceux des deux seuls candidats qui furent reçus personnellement au Château durant le processus de candidature.

A Strasbourg, un insistant parfum de copinage a une nouvelle fois embaumé tout le processus de nomination du nouveau directeur du Théâtre National.

En 2013, le bilan de la directrice de l’établissement public, Julie Brochen, n’a rien d’extraordinaire. Le nombre de spectateurs et d’abonnés est à la baisse. L’accueil réservé aux spectacles qu’elle a montés est mitigé (concernant sa mise en scène "d'En attendant Psyché" qui s’est fait éreinter par critique, c’est un euphémisme…). Plus important encore pour certains, le manque d’implication de Julie Brochen dans la vie de l’école d’art dramatique du TNS et la mauvaise ambiance qui y règne posent problème. La ministre de la culture Aurélie Filipetti souhaite donc ne pas reconduire la directrice puisque son contrat arrive à terme.

Mais Julie Brochen bénéficie de soutiens politiques. Le fait qu’elle soit la nièce de Martine Aubry n’a évidemment rien à voir avec cela. Mais les interventions et les coups de téléphone judicieusement passés rue de Valois réussissent à convaincre la ministre de la Culture de garder Julie Brochen à Strasbourg. Un étrange accord est alors conclu entre les deux femmes : le mandat de directrice du TNS est d’une durée de trois ans, mais il n’est renouvelé qu’à la condition que Julie Brochen s’engage à quitter ses fonctions au bout d’une année, soit en juin 2014. Tout le monde se tape dans la main. Mais lorsque l’échéance approche, problème : plus question pour Julie Brochen de laisser la place.

Après un bras de fer par avocats interposés, Julie Brochen finit par accepter de quitter son poste le 15 septembre dernier, contre réparation financière tout de même. Rien de grave : après tout, ça n’est que de l’argent public…

Stanislas Nordey peut donc enfin prendre la place toute chaude. Ce metteur en scène choisi par le ministère de la Culture a basé son dossier de candidature à la direction de l’établissement strasbourgeois sur son ambition de rendre le théâtre plus accessible à tous. "J’ai toujours travaillé pour les classes défavorisées", explique-t-il. L’objectif est plus que louable, mais personne rue de Valois ne semble avoir voulu se souvenir que, dans ce domaine, Stanislas Nordey traine une sacrée casserole.

Rendre le théâtre plus accessible, c’était exactement l’ambition du jeune metteur en scène lorsqu’il dirigeait le théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis à la fin des années 90 avant de le laisser au bord de la faillite, confiant aux bons soins des contribuables de combler le déficit d’environ 10 millions de francs creusé en moins de deux ans. En matière de référence de bonne gestion, on a déjà vu mieux. Mais Stanislas Nordey est désormais aux commandes du prestigieux TNS, le seul théâtre national de France situé hors de Paris. Et le fait qu’il soit le beau-fils de Jack Lang n’a évidemment rien à voir avec cela (Stanislas Nordey était l’époux de la comédienne Valérie Lang, soudainement décédée l’année dernière).

Pour l’instant, Stanislas Nordey qui vient de s’installer dans ses nouvelles fonctions accompagne donc une programmation encore conçue par celle qui l’a précédé. Dans dix jours, ce sera la première représentation d’un Cyrano de Bergerac mis en scène par George Lavaudan. Peut-être l’occasion pour ce le petit monde du théâtre de se remémorer les paroles du héros d’Edmond Rostand : "Moi, c'est moralement que j'ai mes élégances".

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