Les obsédés de la compétitivité : peu importe qu’elle monte ou qu’elle baisse selon les indicateurs, les problèmes de l’économie française sont largement ailleurs<!-- --> | Atlantico.fr
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Le projet de loi d'Emmanuel Macron visant à favoriser la compétitivité française a été dévoilé dans ses grandes lignes.
Le projet de loi d'Emmanuel Macron visant à favoriser la compétitivité française a été dévoilé dans ses grandes lignes.
©Reuters

Faux problème

Le projet de loi d'Emmanuel Macron visant à favoriser la compétitivité française a été dévoilé dans ses grandes lignes mardi 18 novembre et laisse déjà voir son erreur de diagnostic : sans demande, la stimulation de l'offre est sans portée économique. Mis à part cela, la France aurait gagné en compétitivité...

Michel Volle

Michel Volle

Michel Volle est économiste français.

Diplômé de l'École Polytechnique et de l'École Nationale de la Statistique et de l'Administration Économique, il est l'auteur d'un blog dédié à l'actualité économique.

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Mathieu  Mucherie

Mathieu Mucherie

Mathieu Mucherie est économiste de marché à Paris, et s'exprime ici à titre personnel.

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  • "Compétitivité" est un terme économique vague, utilisé à l'envie dans les médias, qui ne désigne pas de réalité tangible ;
  • Ce concept naît d'une confusion entre volume et valeur ;
  • Le coût du travail est abusivement pointé du doigt ;
  • Il est contradictoire de chercher à gagner des parts de marché dans un marché unique ;
  • La performance économique ne peut pas être appréciée et soutenue au niveau national, mais à celui de chaque entreprise envisagée séparéement des autres ;
  • L'économie française traîne trois boulets : un boulet structurel, un bouler de l'endettement, et un boulet monétaire

La France aurait gagné en compétitivité selon le "tableau de bord de l'attractivité de la France" de l'AFII (Agence française pour les investissements internationaux), qui met en avant son passage du 13e au 10e rang des pays de l'OCDE en matière de poids de cotisations sociales pour les entreprises. Emmanuel Macron de son côté s'apprête à présenter en décembre le projet de loi sur l'activité et la croissance.

Entre le "Pacte pour la croissance, la compétitivité et l'emploi", et le "Pacte pour la compétitivité de l'industrie française" (rapport Gallois), le gouvernement semble n'avoir qu'un mot à la bouche : "compétitivité".

Atlantico : Comment est mesurée la "compétitivité" française ? Sur quels indicateurs se base-t-on ? Sont-ils les bons ?

Mathieu Mucherie : Nous ne savons pas quelle est la bonne mesure pour un concept qui est l’un des plus foireux de tous les concepts du journalisme économique (et il y en a beaucoup). Les gens qui parlent de « compétitivité » ont en tête un magma de choses et de valeurs, le plus souvent floues et pondérées à la va-vite ; on ne sait pas trop si on parle d’un pays ou de ses individus ou de ses entreprises, on sait encore moins si les comparaisons se font en monnaie commune ou pas, et quant à l’échelle de temps…     

Etant donné que les utilisateurs de ce concept sont des gens qui en sont encore au stade du proto-mercantilisme (l’économie comme une chasse au trésor, tout le monde ne gagne pas à l’échange, le gâteau est fixe), avec une vision stato-centrée et agonistique, il est logique qu’ils regardent les chiffres du commerce extérieur (com-pé-ti-tion !). La comptabilité nationale, synthèse de Keynes et de Marx, les y aide chaque trimestre en traitant les importations comme du moins et les exportations comme du plus. Ces gens confondent volume et valeur, oublient qu’il est de plus en plus délicat d’exporter sans importer (un Airbus est au moins autant américain que français !) et au fond de produire sans collaborer, et ils surestiment la contrainte extérieure (nous échangeons pour les deux tiers avec des pays européens et n’éprouvons pas de difficulté à nous financer). S’ils ont raison, comment expliquer que le Venezuela (un pays exportateur net massif d’un produit qui vaut 5 fois plus cher qu’il y a 15 ans) n’est probablement pas le pays le plus « compétitif » du monde (quel que soit le sens que l’on donne à ce mot) ?

Alors par dépit ils se tournent souvent vers le coût du travail. Il faut vendre moins cher que les autres, ma bonne dame. Pourquoi pas, mais alors les chiffres de salaires ou de salaires+charges doivent intégrer toute une analyse sur la productivité comparée, sur les taux de changes, sur la qualité des produit, etc. Pas évident. Rarement fait proprement. Sans compter que le travail n’est pas le seul facteur de production. Et qu’il est tout de même gênant de tirer des conclusions à partir de l’analyse du seul secteur des biens échangés : exemple de l’Allemagne, certainement « compétitive » dans l’industrie mais archi-nulle dans la plupart des services.

Les politiques économiques en termes de compétitivité ont été des désastres complets, surtout en France. Et maintenant avec des voisins qui font la même chose, la réussite est mathématiquement impossible. A se focaliser sur la « compétitivité », sur la compression des salaires ou sur les dimensions structurelles en pleine période de déflation, on ne fait que stimuler une offre alors que la demande n’existe pas (l’écart porte un nom, c’est le chômage), tout ça pour gagner des parts de marché… sur un marché unique. Quant à la « désinflation compétitive », encore faudrait-il qu’il reste de l’inflation.

Les économistes s’en tiennent pour la plupart à ce que racontait Paul Krugman il y a 20 ans déjà : la « compétitivité », ça n’existe pas, il n’existe que des mésalignements de taux de changes. Si vous n’êtes pas contents (et je reconnais qu’il y a des raisons de ne pas l’être), dévaluez. Sinon taisez-vous. Et ça tombe bien, cela correspond bien aux données qui montrent que l’euro est globalement cher, et très cher pour la France, et depuis longtemps, une décennie. Se plaindre sur notre « compétitivité » tout en se tirant quotidiennement une balle dans le pied, voilà qui est bien puérile.

Pour en rester aux échanges commerciaux qui ne sont répétons-le qu’une dimension parmi d’autres du sujet (et parfois la plus misleading), il faudrait regarder l’évolution de notre positionnement dans les chaines de valeur globales. Donc regarder (certaines institutions commencent à le faire, et je vous renvoie aux travaux de Ricardo Haussmann) les exports en valeur ajoutée, l’interdépendance des firmes, la fragmentation des tâches, le processus hyper-complexe de collaboration/sélection le long des chaines de valeur. Ce qui compte, à l’échelle des entreprises, c’est de squatter ou de créer (ou de converger vers) les bons segments des « bons secteurs », là où il y a de la valeur, le plus souvent en amont de la production (R&D, design, stratégie…) ou en aval (distribution), là où les marges sont fortes, là où on donne les ordres, là où on ne produit pas bêtement un produit standard en concurrence tendue dans un cycle heurté avec une immobilisation forte de capitaux et de stocks.

Ce qui compte, ce n’est pas de produire, c’est de penser et de vendre. Bref, il faut faire du Montebourg sur la politique monétaire et faire du anti-Montebourg sur la politique industrielle. Nous avons déjà fait cela, avec succès et avec classe : De Gaulle + Jacques Rueff. En attendant le jour où nous retrouverons des décideurs capables de comprendre le lien ontologique entre réforme monétaire et réforme structurelle, nos chiffres se dégradent dans la « compétition » avec les USA (détail amusant, ce graphique d’emploi se juxtapose très bien avec ceux sur les taux d’intérêt et sur les actions…) :

Michel Volle :Le "juge de paix" pour mesurer la compétitivité, c'est la statistique du commerce extérieur : il montre où nous sommes excédentaires et déficitaires. En pétrole nous sommes déficitaires, mais nous ne pouvons pas faire autrement. Par contre nous sommes déficitaires là où nous ne devrions pas : je pense plus spécifiquement à l'informatique et à l'électronique. Être déficitaire sur le pétrole, c'est normal, mais pas sur l'informatique, qui est aujourd'hui la technique qui apporte le plus de compétitivité. La France n'a pas tiré les conséquences des différents rapports publiés sur l'informatisation ou, comme on dit, le "numérique". Elle a adopté une position de vaincu.

Notre pays consacre d'ailleurs moins d'efforts que d'autres à la R&D : cela aussi a des effets sur la compétitivité.

Quand on compare par exemple ce que coûte le personnel aux entreprises françaises et allemandes, on voit qu'il n'y a pas de raison pour que le secteur automobile français soit défavorisé par rapport à l'Allemagne. Simplement, nos constructeurs ont fait de mauvais choix de gamme : ils se sont orientés dans le milieu de gamme.

La compétitivité se fait soit par la qualité, soit par les prix.En France nous avons déserté la compétitivité par la qualité, alors que les Allemands ont montré que c'est sur ce tableau qu'il fallait jouer dans l'industrie mécanique. Le prix est un argument commercial faible au regard de la qualité : la classe moyenne chinoise préfère acheter de bonnes voitures que du bas ou moyen de gamme, auxquels sont attachés en outre une mauvaise réputation en termes de fiabilité.

Les indicateurs globaux apportent une information, mais si on veut pouvoir expliquer les écarts de compétitivité il faut entrer dans le détail de l'information que fournissent les enquêtes portant sur la qualité des produits et surtout la satisfaction des clients.

Construire des politiques économiques en termes de compétitivité est-il efficace ? Quelles sont les limites d'une telle approche ? A côté de quelles problématiques passe-t-on à se focaliser sur la compétitivité ?

Michel Volle : Dès lors qu'on a compris que la compétitivité est surtout une affaire de qualité, on doit entrer dans un raisonnement économique fin, microéconomique, qui porte sur ce qui se passe dans les entreprises et sur leurs relations avec les consommateurs. Bercy est prisonnier de raisonnements macroéconomiques qui ignorent les conditions d'une production de qualité dans les entreprises.

Il raisonne sur des agrégats, et estime que la politique économique consiste à actionner des manettes fiscales, sur le niveau des taxes, sur des subventions et des aides sectorielles. Il ne voit pas que la partie se joue au niveau des décisions prises par les entreprises pour assurer la qualité des produits et l'efficacité de la production. Je crains que les actions du gouvernement restent de type macroéconomique, au lieu de prendre en compte la façon dont les entreprises s'organisent et définissent leur stratégie.

Peu de membres du gouvernement, peu de hauts fonctionnaires savent comment fonctionne une entreprise, et il ne faut pas croire que le Medef puisse l'aider à s'y retrouver : le Medef et les organisations professionnelles sont aussi loin de la vie des entreprises que peut l'être un ministère.

Si l'on tient à s'attarder sur les indicateurs d'attractivité identifiés par l'AFII et aux résultats de la France en la matière, que révèlent-ils en termes de vulnérabilités concrètes pour le pays ?

Michel Volle : Les statistiques de commerce extérieur suffisent pour se faire une idée et elle est inquiétante. Le vrai problème pour la France ne réside pas dans le déficit du budget de l’État, mais dans l'endettement de la France, c'est-à-dire de l'ensemble qui regroupe l’État, les entreprises et les ménages. Cet endettement se mesure par le déficit annuel de la balance des paiements, qui est de l'ordre de 2 % du PIB, et qui s'accumule année après année.

Pour contenir cet endettement, il faut en effet que la compétitivité se redresse, que notre pays retrouve une part de marché qui lui permette d'équilibrer ses échanges avec l'extérieur.

Quels sont aujourd'hui les réels handicaps économiques de la France ? Est-elle d'ailleurs si mal placée dans la compétition mondiale ?

Mathieu Mucherie : La France a 3 boulets, en résumant le résumé. Un boulet structurel (marché du travail rigide, administrations sclérosées, fiscalité désincitative, etc.), qui ne changera pas à court-moyen terme et qui en dit long sur nos élites, sur notre système politique, au fond sur nos mentalités. Un boulet de dettes, publiques mais aussi privées (après des années de vilaine bulle immobilière), qui pèsera de plus en plus, à moins de retrouver croissance et inflation (mais là il faudrait une détente monétaire) ou à moins d’envisager une remise des dettes (Gérard Thoris).

Un boulet monétaire, l’euro, bien plus coûteux chaque année que les 35 heures, une camisole monétaire unique pour des pays très différents et qui ne convergent pas, un régime de changes fixes qui génère des déséquilibres et des frustrations, qui s’avère de plus en plus coûteux à maintenir (comme tous les systèmes de fixité absolue des taux de changes, c’est d’ailleurs pourquoi ils finissent toujours par sauter à moins d’une unification politique totale dont pratiquement aucun européen ne veut à part quelques étudiants Eurasmus).

Au passage, l’euro n’est pas du tout le bouclier anti-crise qu’on nous avait vendu et que nous avions acheté à 51%, comme l’illustrent les réussites suédoises, anglaises ou polonaises depuis quelques années. Et le poids de ce boulet est magnifié par la politique monétaire de la BCE, qui ne fait pas son job (inflation de plus en plus éloignée de sa cible des 2%/an), et qui préfère empiéter sur le job des autres institutions (questions bancaires, structurelles et budgétaires). Ce 3e boulet est le plus lourd depuis 2008, parce que les deux premiers n’ont pas tant bougé que cela au cours des dernières années, et parce que les comparaisons avec d’autres zones monétaires sont très nettes. Ne pas avoir fait de QE comme les autres coûte très cher à nos entreprises, et pas seulement à nos banques.

Dans ces conditions, avec de tels boulets, les performances de la France (et en particulier de ses entreprises et de ses entrepreneurs) sont assez extraordinaires. Comme le montre le graphique ce dessous, l’Allemagne ne fait pas mieux que nous, en dépit du choc de « compétitivité » lié à l’absorption de la RDA. Parmi les grands pays, seule l’Italie parvient à survivre avec des boulets comparables (et même supérieurs) à ceux de la France. C’est dire notre débrouillardise, notre capacité à nous adapter au pire (tous ces étudiants qui arrivent parfois à trouver un boulot sans piston dans le secteur privé malgré un système universitaire et social conçu très précisément pour rendre impossible ce type d’évènement…), à tricher avec les règles idiotes (la violation perpétuelle du pacte de stabilité…), à profiter des innovations des autres sans en payer toujours le prix, en bref : il reste un peu du « génie français », en plus des rentes liées à l’histoire, à la démographie et à la géographie.

Michel Volle : Beaucoup de nos entreprises souffrent d'une organisation déficiente et d'un système d'information mal conçu, où l'on  rencontre souvent des absurdités qui pèsent sur l'efficacité de la production (et donc son coût) et sur la qualité du produit. Informatiser raisonnablement un processus de production fait habituellement baisser le coût de production de 20 à 30 %.

La qualité du produit se mesure par la satisfaction des clients. Ce qui compte, ce n'est pas la "création de valeur pour l'actionnaire", qui n'est qu'une conséquence de l'efficacité, mais surtout que les clients soient satisfaits et fidélisés. L'exemple de l'Allemagne montre qu'ils sont prêts à payer le prix de la qualité, pourvu que le rapport qualité/prix soit bon.

Le textile, l'habillement et le cuir ne sont pas notre point fort, même si certaines de nos entreprises ont des succès dans des textiles haut de gamme, très techniques. . Nous pourrions être mieux positionnés sur le plastique, l'automobile... Étrangement, nous sommes en positif sur le commerce des déchets et aussi dans le domaine pharmaceutique, dans les parfums, les cosmétiques, et dans l'agroalimentaire, mais nous sommes déficitaires pour les produits agricoles, ce qui est extravagant si l'on considère les avantages que le climat donne à la France.

Mais ne forçons pas trop le trait, la France a des "fleurons" : Dassault systèmes, STMicroelectronics, Withings, Axon', toutes entreprises qui sont au premier rang mondial dans leur spécialité. Cela montre que les écarts de compétitivité se trouvent non entre les secteurs, mais entre les entreprises : certaines sont très compétitives parce qu'elles ont compris les règles du jeu de l'efficacité et de la concurrence dans une économie informatisée, d'autres restent à la traîne.

Je pourrais citer encore beaucoup d'exemples de succès français,  mais force est de constater que de mauvaises habitudes perdurent. Est-il raisonnable que l'inspection générale des finances truste la direction des grandes entreprises ? C'est une catastrophe, nos "fleurons", si tant est qu'on puisse encore les nommer ainsi, sont dirigés par des gens qui ne savent pas ce que c'est qu'une entreprise, et qui sont incapables de connaître son métier !

Quelle approche économique permettrait de mieux corriger ces handicaps ?

Mathieu Mucherie : Quelques axes, plus faciles à dire qu’à faire :

  • Des réformes structurelles, mais sans illusions. Arrêtons de communiquer sur le fait que telle ou telle réforme peut rapporter un demi-point de croissance chaque année, à moins de vouloir encore renforcer notre compétitivité dans le monde des clowns ;
  • Une franche dévaluation. Pour corriger les déséquilibres de la dernière décennie et pour donner quelques chances de succès aux réformes structurelles (comme la France en 1959 ou la Suède en 1994) ;
  • Nous irions mieux si nos partenaires (ils ne sont que marginalement nos concurrents) allaient mieux. C’est là qu’il faut penser à alléger leurs boulets, en particulier pour la courageuse Italie qui depuis 1994 saigne pour payer un fardeau de dettes issues des politiciens mafieux des années 70-80 ; regardez l’explosion du ratio dette publique / PIB dans ces années là (graphique ci-dessous), à une époque où pourtant il y avait de la croissance et de l’inflation !! La BCE pourrait et devrez mettre la moitié de cela dans son bilan. Coût : 1000 milliards d’euros, une paille pour elle, et pas de quoi finir en hyperinflation. Nous retrouverions ainsi quelques clients, quelques amis, et le tout dans un profond respect des principes bibliques et pan-européens ;
  • Occuper les bons segments sur les chaines de valeur globales demande : a/ du temps, donc une certaine cohérence temporelle (je ne vise personne en particulier), b/ de l’argent, donc une épargne qui irait plus sur les actions que sur des dettes (il se trouve que notre fiscalité, notre banque centrale et Solvency II font tout pour pénaliser les actions), c/ une main d’œuvre souple et bien formée, la question de son coût est alors relativement secondaire, d/ plein d’autres choses, mais avec les 65879 propositions d’Attali nous sommes équipés ;
  • Au moins, limiter les nouvelles bêtises dingues, essayer d’en « faire un peu moins que nos voisins » comme disait un ancien gouverneur de la Banque de France. On ne peut plus trop se permettre de nouveaux boulets hexagonaux du type 35 heures. Chaque année nos innovations bureaucratiques et fiscales réduisent l’activité potentielle et plus encore réduisent nos libertés. Même s’ils sont anecdotiques, des dossiers comme les OGM ou les gaz de schistes sont révélateurs. Et c’est peut-être le seul mais puissant mérite du débat sur la « compétitivité » : rappeler aux habitants d’une grande nation « qui n’est elle-même qu’aux premiers rangs » que le reste du monde peut de plus en plus se passer d’elle, mais que rien ne l’oblige à accélérer le processus.

Michel Volle : Il faut prendre conscience que l'informatisation a changé notre rapport au monde. Le terrain sur lequel agissent nos entreprises n'est pas le même que celui sur lequel agissaient les entreprises de l'économie mécanisée antérieure. La production est désormais automatisée, de sorte que l'essentiel du coût de production réside dans l'ingénierie et la programmation des automates, dans l'investissement initial. Du coup la valeur réside non plus dans le volume produit, mais dans la qualité du produit. La stratégie gagnante, c'est la différenciation par la qualité, qui permet de conquérir un monopole sur des segments du marché en s'appuyant sur l'automatisation.

L'Etat devrait s'intéresser à ce qui se passe à l'intérieur des entreprises, entrer en dialogue avec elle en leur indiquant la voie de la compétitivité ; mais pour cela il faut qu'il soit crédible, et qu'il ait donné l'exemple dans les domaines qui sont directement de sa responsabilité. C'est pourquoi il ne pourra être convaincant, sur le terrain de la compétitivité, qu'une fois qu'il aura réussi à améliorer l'efficacité des grands systèmes de la nation (éducation, santé, justice, etc.) en les informatisant de façon raisonnable de sorte qu'ils produisent un service de haute qualité.

Propos recueillis par Gilles Boutin

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