Pourquoi il n'y aura pas de reprise de l'investissement tant que l'Europe se refusera à revoir ses règles de concurrence avec la Chine<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Europe se refusera à revoir ses règles de concurrence avec la Chine.
L'Europe se refusera à revoir ses règles de concurrence avec la Chine.
©Reuters

Paralysie

Après avoir consacré vingt millions à préparer la fabrication de panneaux photovoltaïques, un industriel s'est trouvé dans l'impossibilité de commercialiser ses fabrications, pris dans le double étau de la concurrence chinoise et de la remise en cause d'aides de l'Etat.

Gérard Lignac

Gérard Lignac

Sciences Po, Droit, MBA Harvard, Gérard Lignac a d'abord fait carrière dans l'industrie, puis dans la presse comme Président de l'Est Républicain et Président du groupe EBRA.

Il est également actionnaire d'Atlantico.

Il a écrit La mondialisation pour une juste concurrence (Unicom, 2009).

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L'investissement, une des clés de la croissance durable des économies, est aujourd'hui plus dépendant des perspectives de secteur que de disponibilités de fonds. Dans un monde où tout a basculé, il faut revoir les règles de commerce international.

Le développement de l'investissement est avec raison reconnu comme une des clés d'une reprise économique durable. Suivant une pratique ancienne, on tend aujourd'hui à lier la décision d'investir à la seule disponibilité de fonds. Cela était justifié dans le cadre d'économies en expansion où les opportunités abondaient, il n'en est plus de même aujourd'hui. Il faut ici rappeler ce qu'est un investissement, une dépense initiale, engagée en vue d'un rendement ultérieur. Quand Robinson Crusoé aménage une canalisation faite de troncs d'arbres évidés en vue d'amener l'eau d'une source voisine à sa hutte, il consacre d'abord du temps et des forces à construire la canalisation - c'est l'investissement - pour en recueillir ultérieurement le fruit par l'eau courante à domicile. Sans ce retour, l'investissement est dénué de sens.

Dans le climat d'intense concurrence aujourd'hui de règle, ce retour, qui ne peut être qu'une anticipation, fait le plus souvent question, et la difficulté de la réponse paralyse les candidats. Un industriel français vient de vivre un cas exemplaire. Après avoir consacré vingt millions à préparer la fabrication de panneaux photovoltaïques, il s'est trouvé dans l'impossibilité de commercialiser ses fabrications, pris dans le double étau de la concurrence chinoise et de la remise en cause d'aides de l'Etat.

Ainsi se trouve soulignée à nouveau la nécessité de restaurer la capacité concurrentielle des entreprises françaises. Les mesures si souvent citées d'allègement et d'assouplissement sont à l'évidence urgentes et nécessaires pour faciliter l'épanouissement des nombreux talents qui existent dans notre pays. Il n'y a pas lieu d'y revenir.

On aimerait pouvoir dire que ces mesures faisant appel à nos seules forces nationales suffiront mais imaginer cela serait illusoire.

Depuis des années, le déficit de notre commerce extérieur avec la seule Chine, c’est-à-dire l'écart négatif entre nos exportations et nos importations, oscille autour de 25 milliards d'euros, plus de 1% du PIB, à comparer avec les mesures d'équilibriste de notre gouvernement pour gratter 800 millions par-ci, 300 millions par-là. Ce chiffre de 25 milliards, pas souvent cité, donne l'étendue de l'écart concurrentiel existant avec un pays où la charge salariale est dans le rapport de 1 à 10, jusqu'à 1 à 20, avec le notre. Ordinateurs, téléviseurs, téléphones ne sont plus fabriqués en Europe, ayant pris la suite du textile, de la chaussure ou même du bois d'œuvre.

L'Allemagne, qui supporte avec le même pays un déficit pour le moment limité à une quinzaine de milliards n'est guère, à terme, dans une meilleure position. On peut, et on doit, certes se féliciter des facilités ainsi offertes à la nation chinoise pour son développement depuis l'ouverture des frontières. Mais aujourd'hui, la Chine est en passe de devenir la première puissance économique du monde, la donne se retourne, et ce développement ne peut se poursuivre au détriment des pays encore dits riches, devenus partie d'une nouvelle catégorie, celle des pays en voie d'appauvrissement.

Restaurer les conditions d'une concurrence réelle et équilibrée de l'Europe avec, disons pour simplifier, la Chine, est un problème au niveau européen et mondial.

On n'y voit guère d'autres solutions que d'instaurer autant que possible en accord avec la Chine elle-même, des taxes d'un niveau ajusté pour rétablir à l'importation en Europe des prix concurrentiels. La Chine elle-même ne soumet-elle pas actuellement toutes les importations dans son territoire à des droits variant de 18 à 50%?

L'auteur des ces lignes sait bien qu'un tel sujet est aujourd'hui en France comme en Europe, ou tabou, ou grossièrement déformé pour être rejeté sans autre examen. Dans l'esprit de beaucoup, libre échange et concurrence sont confondus, comme dans l'univers à salaires comparables de Pareto. Quel degré d'appauvrissement, quel niveau de chômage, l'Europe devra atteindre  pour que les yeux s'ouvrent ?

Sans fonds disponibles, certes, il n'existe pas d'investissement possible, mais pas davantage sans marchés anticipables.

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