Sans concession
François Hollande sur TF1 : pourtant peu convaincant, le président entretient l'espoir de ses derniers soutiens à gauche mais désespère la droite
Durant 90 minutes face aux Français jeudi soir, le chef de l'Etat n'a pas répondu aux attentes, faisant simplement de timides annonces. Les critiques sont nombreuses ce vendredi.
Ce devait être 90 minutes pour rebondir. Ce fut en réalité 90 minutes d'errance, d'hésitations, d'inexactitudes. Comme dans un mauvais film ou une ennuyeuse rencontre de L1. François Hollande n'a pas convaincu jeudi soir sur TF1. Malgré quelques annonces faites sur les impôts, les emplois d'avenir ou les contrats aidés pour les seniors, c'est un président à bout de souffle qui est apparu devant les Français. Tout au long de la soirée, le chef de l'Etat a d'ailleurs été victime des moqueries de Twitter. La première partie sur sa personnalité a ressemblé à un naufrage. Les traits d'humour n'ont pas permis de cacher les failles. Incapable de "fendre l'armure" comme l'avait pourtant promis certains de ses proches, François Hollande est encore apparu "froid, sans coeur" comme l'ont fait remarquer certains tweets.
Seuls ses amis du PS l'ont trouvé "convaincant", "combatif", parlant "juste". C'est le cas par exemple de Bruno Le Roux. "François Hollande a parlé au cœur des gens et a voulu rendre à la France et aux Français la fierté d’eux-mêmes" a indiqué le chef des députés PS à l'Assemblée nationale sur Europe 1. Même constat du côté de Stéphane Le Foll qui l'a trouvé très "en phase" avec les Français. "Il a cherché à expliquer ce qu'il a fait. Il a donné le chemin qui a été parcouru, pourquoi il avait fait un certain nombre de choix et puis surtout il a essayé de tracer une perspective" a expliqué le porte-parole du gouvernement. Guillaume Garot, ancien ministre de l'agroalimentaire l'a aussi défendu. "Il a pris de l’assurance au fil de l’émission. J’ai apprécié qu’il ait simplifié son message. Quand il dit qu’il veut que la France devienne le premier pays d’Europe d’ici dix ans, c’est clair, c’est concret, on sait où on va. Cela offre une perspective d’avenir et peut fédérer les Français" a-t-il soutenu. Michèle Delaunay, ancienne ministre déléguée a pour sa part apprécié le côté "humain, connecté au réel" du président mais elle a aussi estimé qu'il y avait "une progression très nette durant l'émission".
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Le PRG a salué pour sa part "la détermination et la dignité". Le parti a également félicité le président de mettre en place des "emplois aidés ciblant les chômeurs de plus de 60 ans n'ayant pas toutes leurs annuités et la création de 15000 emplois d'avenir supplémentaires sans condition de diplôme".
Les frondeurs du PS ont eu quant à eux un regard bien différent sur cette émission. "François Hollande défend sa politique mais la majorité des Français, de gauche, attendent qu'il la change. Il a annoncé quelques mesures utiles pour les jeunes et les chômeurs âgés mais reste prisonnier de la feuille de route qu'il a fixée. Le sursaut n'était pas pour ce soir" a critiqué Christian Paul.
Jean-Luc Mélenchon a également fait part de son mécontentement mais aussi de son ennui durant l'émission.
150 ans de gauche pour en arriver là ! Usurpateur ! #DirectPR
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 6 Novembre 2014
Quant au NPA, il s'est fendu d'un communiqué très sévère en fin de soirée. "Le coup de com est raté. Les travailleurs, les classes populaires, toutes celles et ceux qui sont victimes de l'offensive du patronat, des banques et du gouvernement pour imposer l'austérité et la baisse du coût du travail ne sont pas dupes de cette fausse sincérité calculée du Président. Se servant de quatre invités comme de faire-valoir pour procéder à quelques annonces secondaires, Hollande a passé près de 2 heures à justifier sa politique entièrement dévouée au patronat" a écrit le parti.
A droite, François Hollande n'a évidemment pas convaincu. François Fillon a estimé qu'il avait vu "un homme de bonne volonté mais dépassé par les événements". "Il a été le commentateur de ses propres échecs. Il ne mesure pas l'impasse dans laquelle on est. Il a réppét ce qu'il a dit dans sa conférence de presse. Il est attentiste. Ce n'est pas possible d'attendre, il faut agir. Il n'est pas là pour protéger les Français mais pour libérer. Il faut relancer les énergies et arrêter d'augmenter la dépenses publiques. (...) Il faut aussi qu'il restaure l'autorité de l'Etat" a expliqué l'ancien Premier ministre ce vendredi matin sur RTL.
Sur Twitter, Jean-Pierre Raffarin, sénateur UMP a jugé que "le Président de la République apparaît plus agile que puissant. Ce type d'émission ne sert pas la crédibilité de la politique".Luc Chatel, secrétaire général du parti n'a pas apprécié la prestattion du chef de l'Etat et l'a fait savoir dans un communiqué. "Face à cette tentative de sauvetage en direct à la télévision d'un François Hollande au plus bas, on est d'abord sidéré, choqué, triste pour la fonction présidentielle (...) Alors que ses propres ministres n'hésitent plus eux-mêmes à parler d'"échec", M. Hollande s'est contenté de dire : "J'ai pu commettre des erreurs, qui n'en fait pas ?". M. Hollande a préféré un aveu d'impuissance aux excuses qu'il aurait dû présenter aux Français. Car quel est le bilan de M. Hollande à mi-mandat ? Un échec sans précédent, une crise de défiance jamais égalée sous la Ve République, un décrochage sans équivalent en Europe" a-t-il indiqué
Sur BFMTV, jeudi soir, Eric Woerth a dit s'être "ennuyé pendant 90 minutes". "Il n'y a eu aucune proposition de réforme structurante du pays. La recherche scientifique a fait un gros progrès ce soir, on a fait trois découvertes, la première c'est que le président de la République, il aime la France. Le deuxième élément c'est qu'il a un coeur et puis la troisième découverte c'est qu'il sait parler aux Français. On ne va pas très loin avec ça" a déclaré le député de l'Oise.
"J'aimerais bien de temps en temps dire quelque chose de positif mais non" a jugé Henri Guaino sur BFMTV. "Deux ans et demi pour rien faire, une heure et demie pour rien dire. Il veut que la France soit la première partout. Pour l'instant on est les premiers dans le désordre et le chaos. A aucun moment il n'a donné de réponses, dessiné une stratégie face à la crise (...) Ce qui est intéressant pour les Français ce n'est pas de savoir où il s'est trompé, c'est de savoir comment il va corriger son cap. (...) L'histoire jugera très sévèrement ce président de la République" a encore expliqué le député.
Hollande affirme avoir tout décidé depuis 2012.A une question sur son cap,il répond "je veux une France plus grande"..Ça c'est une vision..
— Roger KAROUTCHI (@RKaroutchi) 6 Novembre 2014
Du côté du Front national, Florian Philippot a lui aussi vivement tancé le président. "J'ai trouvé que c'était long et que c'était le vide, c'était le néant, je n'ai même pas compris pourquoi il avait fait cette émission si ce n'est pour ne rien dire aux Français, il n'a fait aucune annonce concrète. (...) On a eu le sentiment d'un affaissement terrible de l'autorité du chef de l'Etat et de l'autorité de l'Etat ce soir parce que le pouvoir n'a plus le pouvoir, parce que le pouvoir il a été transféré ailleurs et notamment très largement à Bruxelles et à l'UE et cela finit par se voir" a déclaré le vice-président du FN sur BFMTV.
La presse reste enfin peu convaincue par la prestation de François Hollande. "Encore raté !" titre Le Figaro de vendredi. "Il n'avait pas grand chose à dire, mais il l'a dit longuement" taclee Paul-Henri du Limbert. Le Parisien par la plume de Thierry Borsa a vu "une démonstration inquiétante de la difficulté de François Hollande de trouver pour la seconde partie de son quinquennat l'élan, la volonté, la force de rassurer des Français qui, au lendemain de son intervention, ont toujours autant de raisons de douter".
Sur la forme prise par le dialogue présidentiel avec quatre Français, Bruno Dive écrit dans Sud-Ouest que "l'émission d'hier a successivement transformé François Hollande en conseiller de Pôle Emploi, en guichetier d'aide aux entreprises, et finalement en député de base, un député dont la permanence aurait été le studio de TF1, et qui se voyait sommé de consoler, de rassurer, d?aider ses compatriotes dans la détresse ou le désarroi". "Le chef de l'Etat en a été vite réduit à assurer le service après-vente de sa politique et de ses pannes là où l'on attendait un visionnaire qui montre - enfin - le cap" écrit Patrice Chabanet du Journal de la Haute-Marne. Ce que Jean-Louis Hervois résume d'une phrase assassine dans La Charente libre : "Personne ne sait où tout ça nous mène, pas même lui".
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