Lutte des clans autour de Nicolas Sarkozy : ceux qui ont aujourd’hui la main dans son entourage<!-- --> | Atlantico.fr
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Henri Guaino a relu le discours qui sera prononcé par Nicolas Sarkozy vendredi lors de son meeting de la Porte de Versailles, à Paris.
Henri Guaino a relu le discours qui sera prononcé par Nicolas Sarkozy vendredi lors de son meeting de la Porte de Versailles, à Paris.
©Reuters

A la droite du patron

Après avoir pris ses distances vis-à-vis à de Nicolas Sarkozy, Henri Guaino a relu le discours qui sera prononcé par Nicolas Sarkozy vendredi lors de son meeting de la Porte de Versailles, à Paris. L'ancienne plume du chef de l'Etat signe son retour au sein d'un dispositif de campagne bien calé.

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy

Bruno Jeudy est rédacteur en chef Politique et Économie chez Paris Match. Spécialiste de la droite, il est notamment le co-auteur du livre Le Coup monté, avec Carole Barjon.

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Christelle Bertrand

Christelle Bertrand

Christelle Bertrand, journaliste politique à Atlantico, suit la vie politique française depuis 1999 pour le quotidien France-Soir, puis pour le magazine VSD, participant à de nombreux déplacements avec Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Hollande, François Bayrou ou encore Ségolène Royal.

Son dernier livre, Chronique d'une revanche annoncéeraconte de quelle manière Nicolas Sarkozy prépare son retour depuis 2012 (Editions Du Moment, 2014).

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Atlantico : Nicolas Sarkozy tient vendredi son meeting de campagne parisien Porte de Versailles, presque huit ans après son fameux discours d’investiture du 14 janvier 2007. Qui compose désormais la galaxie Nicolas Sarkozy, qu’ils soient élus ou conseillers ? Patrick Buisson était très écouté par Nicolas Sarkozy lors du précédent quinquennat, quelles sont désormais les influences respectives des actuels conseillers sur l’ancien président ?

Bruno Jeudy : Dans son entreprise de retour, Nicolas Sarkozy s’appuie d’abord sur sa cellule d’ancien président. Elle est notamment composée de son directeur de cabinet Michel Gaudin et de Véronique Waché pour la presse. Il y a ensuite le deuxième cercle d’anciens conseillers qu’il voit régulièrement. Il est composé de Franck Louvrier, Pierre Giacometti, Eric Schahl, Sébastien Proto ou encore de Camille Pascal, Fabien Raynaud, Emmanuelle mignon, Hugues Anselin et Fréderic Péchenard avec qui Nicolas Sarkozy est très en confiance. Il y a ensuite le cercle des élus qui ont toujours été là : Brice Hortefeux, Christian Estrosi, NKM, Geoffroy Didier, Guillaume Peltier, NKM et François Baroin qu’il voyait déjà avant. Laurent Wauquiez s’est mis à son service alors que pendant longtemps il ne s’est pas rendu rue de Miromesnil. On peut aussi citer Gérald Darmanin et Valérie Pécresse qui l’ont rallié récemment.

Pierre Giacometti est celui qui a le plus d’influence. Cet ancien sondeur fait office de politologue et de conseiller en opinion. Chose nouvelle, il s’occupe désormais de stratégie politique depuis la disgrâce de Patrick Buisson. Nicolas Sarkozy et Pierre Giacometti sont proches depuis 1995. C’est une relation qui s’est solidifiée pendant la campagne de 2007 et par la suite pendant le quinquennat. Après la défaite de 2012, ils ont continué à se voir régulièrement. Eric Schahl est aussi très important dans ce dispositif mais on en parle peu : il fait le lien avec les élus. C’est l’organisateur de la campagne qui est menée dans les départements.

Christelle Bertrand : La galaxie a assez peu changé. Certains sont partis mais ceux qui sont là aujourd’hui travaillaient à l’Elysée avec Nicolas Sarkozy lors du quinquennat. Le changement le plus important c’est que Nicolas Sarkozy est uniquement entouré par des « technos » et c’est ce qui inquiète ses soutiens. Certains sont de moins en moins présents comme Emmanuelle Mignon dont me dit qu’elle n’est plus là qu’en pointillé. Elle a été rappelée en janvier 2014 pour s’atteler au projet. Elle avait jusqu’à présent beaucoup travaillé avec Nicolas Sarkozy. Fabien Raynaud et Sébastien Proto sont plus présents. Ce sont des profils plus technos, plus jeunes et moins capés. Nicolas Sarkozy n’a pas apprécié qu’on ait pu penser qu’il ait pu être « gouroutisé » par Patrick Buisson. Du coup il a écarté toute personne qui pourrait pu avoir une telle influence sur lui. Cela donne l’impression qu’il mène la barque seule. Camille Pascal écrit des notes pour Nicolas Sarkozy et rédige de temps en temps des discours. C’est une personnalité qui a moins de poids que ne pouvait l’avoir Henri Guaino au côté de Nicolas Sarkozy. Pierre Giacometti est extrêmement présent. Il est sans aucun doute le plus écouté et le plus influent. C’est d’autant plus évident depuis le départ de Patrick Buisson alors qu’avant il y avait une lutte d’influence entre les deux hommes.

Ce sont des profils qui ne vont pas contester les choix de Nicolas Sarkozy. Cet entourage ne le met pas en difficulté, est pour lui rassurant et le protège. C’est peut-être l’un des problèmes de la campagne qu’il mène aujourd’hui : il a visiblement des problèmes et personne ne le pointe. Beaucoup espérait que Nicolas Sarkozy prenne le pouls des Français et les rencontrent. Or cet entourage a contribué à l’isoler pendant deux ans. Nicolas Sarkozy rencontrait des gens acquis à sa cause qui venaient à son siège rue de Miromesnil. Certains soutiens s’inquiètent de le voir un peu stratosphérique. Il écoute ses conseillers mais tant qu’il ne ressentira pas les choses ça n’ira pas.

Au niveau des politiques cette fois, j’ai le sentiment que les élus ont peu d’influences. Nicolas Sarkozy écoute ses conseillers mais moins ses élus. Ils servent surtout à l’affichage comme François Baroin emmené à Londres par Nicolas Sarkozy pour adresser un signal aux plus modérés de l’UMP et aux centristes ou encore comme Laurent Wauquiez. Le candidat à la présidence de l’UMP est aussi extrêmement méfiant et ne veut pas de fuite dans la presse. Or on sait bien que le personnel politique est plus bavard que les conseillers. 

Quelles sont les lignes idéologiques défendues par Pierre Giacometti, Emmanuelle Mignon, Sébastien Proto ou encore Camille Pascal ? En quoi peut-on dire que Nicolas Sarkozy aime s’entourer de stratèges qui ont des idées différentes ?

Bruno Jeudy : Pierre Giacometti représente un courant assez modéré. Camille Pascal s’est beaucoup rapproché de la ligne Patrick Buisson même s’il est issu du centrisme. Emmanuelle Mignon ne représente pas le courant de la droite modéré. Sébastien Proto est très anti-gauche et a un style assez éloigné de Camille Pascal. Il y a donc des influences différentes qui représentent bien les différents courants de la droite. On constate une certaine forme de renouvellement même si on ne le voit pas trop pour l’instant. Je pense qu’on verra après l’élection pour la présidence de l’UMP si cette équipe est capable de produire des idées. Il est aujourd’hui difficile d’apprécier une évolution idéologique de Nicolas Sarkozy. On verra vers quel sens va pencher la balance de l’UMP ou de la nouvelle UMP par la suite. D’autres personnes vont sans doute surgir et peut être reprendre leur place comme Henri Guaino.

Christelle Bertrand : Emmanuelle mignon est issue du milieu catholique un peu traditionnel. Elle a des convictions plutôt libérales en matière économique. Elle est par ailleurs très respectueuse de ce que souhaite Nicolas Sarkozy et comprend là où il veut aller. Elle est très à l’écoute et c’est la seule personne qui a un franc parler à son égard. Elle est capable de lui dire ses quatre vérités. Pierre Giacometti est plus libéral et centriste au grand dam de Patrick Buisson et des proches de ce dernier. Il y a une dualité bien réelle dans son entourage, mais il n’y a plus ce choc de personnalités de l’époque entre Pierre Giacometti, Patrick Buisson et Henri Guaino. Cela bouillonne beaucoup moins qu’avant.

Certains conseillers ont-ils soufflé certaines propositions mises en avant par Nicolas Sarkozy ? Lesquelles ?

Bruno Jeudy : Même si Nicolas Sarkozy ne l’a peut-être pas totalement respectée, l’idée de Pierre Giacometti était de faire une campagne pas trop clivante pour rassembler toutes les chapelles de l’UMP et pour tourner la page des années 2012, 2013 et 2014. Pour le moment Nicolas Sarkozy a fait peu voire aucune proposition novatrice. Il a plutôt remis sur la table des propositions déjà faites dans la campagne de 2012 comme sur Schengen ou les référendums.

Christelle Bertrand : Quelque chose a changé dans le mode de fonctionnement des réunions. C’est désormais souvent du one to one donc il y a peu de réunions collectives et c’est assez hermétique. Très peu d’idées émanent directement et uniquement de Nicolas Sarkozy. Toutes les idées et les formules sont testées auprès de ses proches. C’est un entourage qui vient d’un milieu assez traditionnel assez libéral ce qui oriente la campagne. C’est adapté à une campagne adressée aux militants de l’UMP mais cela déplait à certains comme NKM. 

Pourquoi certains d’entre eux, comme Henri Guaino, ont récemment été appelés à la rescousse par le candidat à la présidence de l’UMP ?

Bruno Jeudy : Henri Guaino était critique envers Nicolas Sarkozy. Il s’est mis en retrait car il disait que son retour par la case du parti était mauvais. Je ne suis pas certain que dans son for intérieur il se dise que ce retour est une bonne chose car il estime qu’il sera difficile à réaliser. Lui-même a aussi des ambitions présidentielles. Il revient pour donner un coup de main sur la deuxième partie de la campagne qui patine un peu en travaillant notamment sur discours de vendredi soir Porte de Versailles. Il y a toutefois une évolution car Nicolas Sarkozy refait ses discours lui-même.

Christelle Bertrand : Nicolas Sarkozy a entendu les critiques qui émanaient de ses soutiens. Il trouvait les discours prononcés assez légers et pas assez enflammés. Il a l’envie de réussir et c’est pour ça qu’Henri Guaino revient dans sa campagne afin de muscler les discours et de remettre sa fougue et sa flamme. Henri Guaino a déjà travaillé certains discours récemment en les co-écrivant.

Selon Le Point, NKM juge la campagne de Nicolas Sarkozy trop droitière. Toujours selon Le Point, Patrick Buisson juge au contraire néfaste l’influence de NKM et Carla Bruni. Comment analyser ces jugements contradictoires ?

Bruno Jeudy : NKM n’a pas aimé le début de campagne de Nicolas Sarkozy quand il évoque à Lambersart le gaz de schiste ou adopte des positions fortes sur l’immigration à Nice ou Toulon. C’est logique de sa part : elle est plus proche du centre-droit que de la Droite forte. Elle n’a pas renoncé à se présenter lors de la primaire et continue à cultiver son propre positionnement tout en continuant à soutenir Nicolas Sarkozy. Il faut aussi dire que Bruno Le Maire tient des discours droitiers quand il va à Nice. Nicolas Sarkozy fait pareil et idem pour Jacques Chirac à son époque. Cela a toujours été comme ça dans les formations gaullistes : les candidats s’adaptent à leur électorat.

Christelle Bertrand : Il y a deux moments. D’abord ces deux ans où Nicolas Sarkozy a gardé le silence et il y alors une influence réelle de NKM et de Carla Bruni qui sont devenues des amies. On le voit notamment lors du Mariage pour tous. Nicolas Sarkozy a pu évoluer sous leur influence mais il est revenu aux affaires et cette campagne pour la présidence de l’UMP s’adresse aux militants. Il est entouré par des profils plus traditionnels que ces deux femmes. Carla  Bruni garde toutefois une  influence énorme sur son mari mais elle ne se mêle pas de politique. NKM est pour sa part très gênée par les personnalités présentes autour de Nicolas Sarkozy et par la ligne politique adoptée. On la voit de plus en plus en retrait et on dit qu’elle est très mal à l’aise dans cette campagne.

Selon un sarkozyste cité par le JDD, Gérald Darmanin, le porte-parole de la campagne de Nicolas Sarkozy, serait trop absent et ne se donnerait pas assez dans cette campagne. Nadine Morano s’était quant à elle plaint cet été de l’entourage du candidat à la présidence de l’UMP, "des énarques et des héritiers". Peut-on vraiment dire que l’ancien chef de l’Etat ne s’entoure pas toujours des bonnes personnes ?

Bruno Jeudy : A chaque début de campagne Nicolas Sarkozy a toujours voulu avoir des prises de guerre. Il essaye de dépouiller ses concurrents de leurs munitions. Il est allé chercher son porte-parole chez un Xavier Bertrand qui ne ménage pas Nicolas Sarkozy. Gérald Darmanin permet de cocher plusieurs cases à la fois : trentenaire, pro-Bertrand, ayant un parcours atypique, petit-fils d’harki algérien et d’origine modeste.

Il est vrai que Gérald Darmanin n’est peut-être pas autant en première ligne que l’espérait les sarkozystes historiques. Nicolas Sarkozy découvre que même en ayant le statut d’ancien président et probablement de futur candidat à la présidentielle ceux qui se prévalent de lui jouent aussi leur carte personnelle. C’est aussi bien le cas pour François Baroin que pour Laurent Wauquiez, NKM ou encore Gérald Darmanin qui joue la carte de Xavier Bertrand. Ce n’est pas parce qu’il claque des doigts que les gens remballent leurs ambitions. C’est une nouveauté avec laquelle Nicolas Sarkozy va devoir composer.

Christelle Bertrand : Les attaques de Rachida Dati et Nadine Morano sont uniquement personnelles, ce sont des querelles d’ego et on est assez loin de la politique. Rachida Dati et Nadine Morano sont dans la même situation. Elles payent la volonté de Nicolas Sarkozy d’apparaître comme un homme nouveau. Elles ont été plus ou moins écartées et en sont fort mécontentes. Elles ne comprennent pas qu’on fasse plutôt appel aux ennemis qu’aux amis comme Gérald Darmanin qui est un proche de Xavier Bertrand. Quand Nicolas Sarkozy fait venir Gérald Darmanin c’est une question d’affichage et de message symbolique : il montre par cette recrue que c’est une prise de guerre politique et il donne un signal aux plus modérés. Nicolas Sarkozy a dans le passé regretté d’avoir donné des ministères trop importants  à certains comme Rama Yade ou Rachida Dati. Certains regrettent par ailleurs le départ de Patrick Buisson et pensent qu’il aurait été bien utile pour cette campagne à destination des militants.

Comment se comporte Nicolas Sarkozy avec ses proches ? Pourquoi préfère-t-il ceux qui lui tiennent tête plutôt que ceux qui lui font allégeance ?

Bruno Jeudy : Les gens qui l’ont rallié récemment disent que la conversation avec Nicolas Sarkozy reste difficile. Il pense qu’il n’y a que lui qui peut l’emporter en 2017 et que la situation nécessite son retour. Il maintient une certaine distance avec ses proches et il est craint même si certains n’ont plus peur de l’affronter comme Xavier Bertrand et François Fillon.

Christelle Bertrand : Nicolas Sarkozy a besoin d’être rassuré et il accepte assez mal la critique de ses conseillers. Il devient de plus en plus difficile de pointer un problème. On me décrit un homme nerveux du fait que sa campagne patine et les divergences sont de plus en compliquées à exprimer. Au niveau des élus il essaye de les amadouer et de les convaincre comme il a besoin de tout le monde. C’est une question utilitaire donc les opposants sont mieux traités que les amis. D’autres font plus de cas de leurs amis et de leurs proches comme François Hollande. Nicolas Sarkozy traiterait moins bien ses amis à part Brice Hortefeux, et encore : il lui avait demandé de quitter le gouvernement.

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