Opération "Barkhane" : l’armée française en intervention au Mali ET dans 4 autres pays du Sahel mais qui en avait entendu parler ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un sergent-chef Français est mort mercredi lors d’un violent accrochage avec des djihadistes maliens dans le cadre de l’opération Barkhane.
Un sergent-chef Français est mort mercredi lors d’un violent accrochage avec des djihadistes maliens dans le cadre de l’opération Barkhane.
©Reuters

Mali-Mélo

L'opération Barkhane, née d'une redéfinition de Serval, a été lancée dans la discrétion cet été, éclipsée pas les combats au Moyen-Orient. Une injustice médiatique compte tenu du caractère stratégique de ce redéploiement de troupes sur 5 pays du Sahel dans le cadre de la lutte contre le djihadisme.

Mathieu Pellerin

Mathieu Pellerin

Mathieu Pellerin dirige le Centre d'Analyse Stratégique sur le Continent Africain (CISCA). Il est également chercheur à l'IFRI en charge du programme Afrique subsaharienne depuis 2010.

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Atlantico :Un sergent-chef Français est mort mercredi lors d’un violent accrochage avec des djihadistes maliens dans le cadre de l’opération Barkhane, qui remplace depuis juillet l’opération Serval. En quoi consiste concrètement cette opération Barkhane qui a vu son premier mort du côté militaire et quels sont ses objectifs ? Alors que l’opération Serval se limitait au Mali, quelles sont les différences entre les deux opérations militaires ?

Mathieu Pellerin : L’opération Barkhane élargit la zone d’intervention des forces françaises. La flexibilité doit aujourd’hui être le maître mot pour s’adapter à une menace extrêmement mobile et en constante adaptation. Nous en avons eu l’illustration à deux reprises fin septembre et début octobre avec des frappes survenues au nord du Niger contre une colonne jihadiste et un convoi d’armes destinées à Ansar Dine. Personne ne s’y attendait, et certainement pas les cibles elles-mêmes. En agissant de la sorte, Barkhane a pour ambition de couper le corridor Kidal - Oubari/Ghat (Libye) qui est aujourd’hui très emprunté par les groupes jihadistes. Si le nord du Mali reste absolument central dans le dispositif,  cinq Etats de la région sont désormais partenaires des forces françaises : Mauritanie, Mali, Burkina-Faso, Niger et Tchad.

Comment expliquer que l’on parle aussi peu de l’opération Barkhane mise en place cet été alors qu’elle concerne pourtant cinq pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad) ?

On en parle moins parce que le basculement de Serval vers Barkhane est intervenu dans une séquence de faible intensité des combats au nord du Mali. Le lancement de l’opération Serval en janvier 2013 a été d’emblée suivi par d’importantes frappes pour interrompre la descente vers Sévaré des groupes jihadistes. D’où l’écho médiatique. Barkhane, en anticipant la réorganisation de ces différents groupes, a pris la relève sans que cela ne se traduise immédiatement par des opérations à fort retentissement médiatique. Il ne faut toutefois pas voir dans Barkhane une rupture complète avec ce qui existait auparavant. L’opération Sabre, qui s’étire sur plusieurs pays du Sahel, impliquait déjà d’autres Etats que le Mali.

Le silence actuel par rapport à l’engagement militaire de la France dans le Sahel ne s’explique-t-il pas aussi par le fait que l’Etat islamique monopolise l’attention dans la lutte contre le djihadisme ?

Sans doute, et pour partie à raison. L’Etat Islamique a ringardisé les autres groupes, au premier rang desquels AQMI. Nous avions vu des embryons de gouvernance de territoire par des groupes jihadistes, avec AQPA au Yemen, Ansar Al Sharia en Libye, les Shebab en Somalie ou AQMI au Mali. Mais l’Etat Islamique, de par la richesse, la densité de population et l’étendue du territoire d’où il a proclamé la restauration du califat, incarne une menace d’une ampleur unique. Pour l’instant il est difficile d’apprécier l’écho que rencontre l’EI au Sahel. On voit à Dernah et à Benghazi en Libye, en Tunisie ou au Maroc quelques groupes prêter allégeance à l’EI, mais la plupart des groupes répondent encore d'Al Qaida ou d'AQMI. Tous reconnaissent et saluent l'action de l'EI sans forcément reconnaître le Califat. Pour le moment, ils ont intérêt à jouer sur les deux tableaux... Cela leur permet de gagner en autonomie ainsi que Boko Haram semble le faire en proclamant la création d'un califat au nord du Nigeria sans prêter allégeance à l’EI pour autant.

Alors que le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a annoncé vendredi le renforcement du dispositif français dans le nord du Mali, en quoi peut-on dire que l’on assiste à une résurgence des djihadistes dans cette zone ? Comment expliquer l’instabilité persistante dans la région du Sahel ?

Il faut tout d’abord préciser quelque chose qui n’est pas suffisamment souligné. Le Mali sort de la saison des pluies, laquelle a très largement profité aux groupes jihadistes car elle complique considérablement le montage d’opérations militaires. Les groupes en ont profité pour gagner en mobilité et en liberté afin de se réorganiser. Par ailleurs, les groupes s’adaptent à la présence des forces françaises : ils privilégient des modes de communication beaucoup plus discrets, se fondent au sein de la population et au sein des groupes rebelles dans l’espoir d’être intouchables, ont recours à des mines qui font d’énormes dégâts, etc.

Enfin, la MINUSMA (Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations Unies ndlr) ne répond clairement pas aux espoirs qui étaient placés en elle. A l’exception des forces tchadiennes, les autres sont à la fois très peu formées pour un théâtre d’opération comme le nord du Mali et surtout dramatiquement sous-équipées… Tout ceci contribue à favoriser la réimplantation des jihadistes, sans compter bien entendu la dimension régionale du problème qui rend toute action au seul nord du Mali insuffisante.

Où est-on au niveau de la situation sécuritaire en Centrafrique ?

La situation reste extrêmement fragile comme ces dernières semaines nous l’ont montré. Le territoire centrafricain reste totalement incontrôlé par l’exécutif de transition. De leur côté, les ex-Seleka sont divisés en de multiples branches, sur des bases largement communautaires, et certaines d’entre elles se sont mêmes affrontées fin août. Si les tensions avec les anti-balaka sont toujours très vives comme en attestent les affrontements d’il y 10 jours, on observe également que les affrontements sont de moins en moins confessionnels, étant donné que la majorité des musulmans ont fui, mais deviennent purement criminels. Les évènements survenus à Nguingo à la mi-octobre en témoignent où des anti-balaka ont attaqué des populations chrétiennes. Le problème à mon sens est surtout politique, car sans solution politique il ne faut pas s'attendre à quelconque changement sécuritaire. La présidente est décrédibilisée et discréditée de toutes parts tandis que les élections ne devraient pas se tenir avant fin 2015… Dans ce contexte, rien ne permet d’être optimiste sur l’avenir politique et sécuritaire du pays.

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