Stress tests européens : ce n’est pas parce que la BCE épingle des petites banques que les grandes vont vraiment bien<!-- --> | Atlantico.fr
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La BCE a publié dimanche son premier rapport consacré à l’analyse de la capacité de résistance des 130 grandes banques européennes.
La BCE a publié dimanche son premier rapport consacré à l’analyse de la capacité de résistance des 130 grandes banques européennes.
©Reuters

Oui, mais...

La BCE a publié dimanche 26 octobre son premier rapport consacré à la capacité de résistance des 130 grandes banques européennes qu’elle aura la responsabilité de superviser via l’Union Bancaire. Si la qualité des actifs et le volume des réserves de fonds propres sont désormais sondés, les prises de position sur les marchés financiers et produits dérivés échappent encore à tout contrôle. Et c'est de là que vient le danger.

Jean-Michel Rocchi

Jean-Michel Rocchi

Jean-Michel Rocchi est professeur affilié de Finance à l’université Paris-Dauphine.

Il est auteur ou co-auteur de plus d’une dizaine d’ouvrages dédié à la finance. Il est notamment l'auteur de Les paradis fiscaux (Sefi, mai 2011) et de plsuieurs ouvrages sur les hedge funds.

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Le 15 avril 2014 le Parlement européen avait en effet approuvé plusieurs textes dont celui créant l’Union Bancaire (Banking Union) au sein de la zone euro.

Ce système parfois qualifié de livre unique (Single Rule Book) comprend en fait 3 Directives principales qui portent sur le capital minimum requis pour les banques supervisées (Capital Requirements Directive – CRD IV de 2013) le mécanisme de garantie des dépôts des clients des banques (Deposit Guarantee Scheme Directive – DGSD de 2014), et le mécanisme de résolution des difficultés des banques (Bank Recovery and Resolution Directive – BRRD de 2014). 

Le mécanisme de supervision unique (Single Supervisory Mechanism – SSM) confère à la Banque Centrale Européenne (European Central Bank) le rôle de supervision directe des grandes banques européennes et doit entrer en vigueur de manière opérationnelle en novembre 2014.

Un système de résolution unique (Single Resolution Mechanism – SRM) doit permettre de résoudre de résoudre les difficultés des banques d’abord par la recapitalisation à l’initiative des actionnaires des banques et si cela s’avère insuffisant par le recours du fonds de résolution unique (Single Resolution Fund). 

Dans le cadre de l’analyse du caractère suffisant ou non des fonds propres des banques, la Banque Centrale Européenne en charge de la supervision des risques a procédé à une Asset Quality Review (AQR) qui constitue la situation de départ (du point de vue de la solidité financière) dans laquelle se trouvaient les banques au regard de la qualité des actifs détenus en portefeuille (c’était donc un test à grande échelle de la qualité des emprunteurs).


Cliquez pour agrandir l'image (Source BCE)

Finalement ce sont uniquement les pays du sud qui posent un problème significatif global :

  • le système bancaire chypriote n’est pas guéri, de même que le système bancaire grec très fragile
  • dans une bien moindre mesure un deuxième groupe était composé du Portugal, de l’ltalie et de l’Espagne
  • l’Irlande, l’Autriche et la Belgique montraient quelques faiblesses
  • la situation initiale s’agissant des autres pays était globalement satisfaisante  

Ensuite, des Stress Test qui mesurent la résilience (résistance) des banques étudiées à des chocs macroéconomiques ou autres ont donc porté sur 130 grandes banques de la zone euro plus la Lituanie. Les banques concernées représentaient 82% des actifs bancaires de la zone supervisée.

Conformément aux règles de l’AQR les banques doivent un montant minimum de fonds propres durs (Common Equity Tier 1 ou CET1) de 8%. Deux séries de test on été lancés :

  • Selon le scénario de base (baseline scénario) le ratio CET1 devait demeurer à 8% minimum
  • Selon le scénario défavorable (adverse scénario) les banques devaient maintenir un ratio CE1 de 5,5%.  


Sur l’échantillon des 130 banques testées,  25 banques ont échoué à ces tests (shortfall) et sont donc dans situation non satisfaisantes en l’état pour la BCE (voir la liste ci-dessous).

Cliquez pour agrandir l'image (Source BCE)

Les 25 banques de la liste devront sous quinze jours (10 novembre 2014) présenter aux régulateurs un plan expliquant comment elles vont augmenter leur capital afin de prendre en compte les résultats des Stress Tests défavorables de la BCE.

Que faut-il penser de ce premier rapport ?

  • On ne peut que saluer le sérieux du travail et la grande transparence, néanmoins il faudra juger la qualité de la supervision à l’aune des faits et notamment dans la capacité à anticiper sur les difficultés des banques et non comme autrefois trancher dans l’urgence avec des banques au bord du gouffre.
  • Par ailleurs la volonté de responsabiliser les actionnaires et n’appeler le Single Resolution Fund qu’en dernière instance sera là aussi jugée à l’épreuve des faits.
  • Une question se pose par ailleurs comment vont réagir les déposants ? Etablir une liste de 25 banques identifiées comme potentiellement fragiles ne risque-t-il pas d’inciter les déposants à retirer leurs économies de celles-ci entrainant ainsi une course aux dépots (bank run) et une fragilisation accrue ?


Ne faut-il pas arbitrer la transparence avec la sécurité du système bancaire ?

La survenance ou non de bank runs (retraits massifs des liquidités bancaires) dira si la BCE a eu raison ou non d’afficher l’absence de solidité aux risques d’entraîner une perte de crédibilité ou de confiance auprès de leurs clients.

Les faiblesses de l'exercice...

Une des faiblesses de l'exercice est qu'il porte sur la qualité des clients des banques et le volume de leurs réserves en fonds propres, mais ne mesure pas les risques potentiellement encourus par les grandes banques dans leurs prises de positions sur les marchés financiers et produits dérivés de type CDS (credit defaut swap). 

Or, c'est de là que vient le danger, car c'est ce qui a provoqué des défauts bancaires à Lehman Brothers. Les montants concernés représentent d'ailleurs des sommes astronomiques.

Pointer du doigt 25 petites banques à recapitaliser est donc louable, mais cela ne signifie pas réellement que toutes les très grandes banques vont bien... Et mesurer les prises de position sur les marchés financiers et les produits dérivés des grandes banques est malheureusement un exercice des plus délicats.

Le sujet vous intéresse ?

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