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Ces couleuvres que le duo Macron-Gattaz tente de nous faire avaler
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Emmanuel Macron et Pierre Gattaz veulent faire endosser aux salariés du privé les efforts que le gouvernement ne veut pas imposer au secteur public.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Article publié initialement sur le blog d'Eric Verhaeghe

Avec les mouvements d’humeur d’Angela Merkel contre les dérapages budgétaires français, le ministre Macron a lancé un concours d’avalée de couleuvres auprès des organisations syndicales, rapidement suivi par le MEDEF. Objectif: faire endosser aux salariés du secteur privé les efforts que le gouvernement ne veut pas imposer aux fonctionnaires.

Le gouvernement réforme le privé pour préserver l’Etat

Tout a commencé, bien évidemment, lorsque notre pacifique voisin allemand a expliqué qu’il pousserait la Commission Européenne à retoquer le budget français si la France ne réformait pas rapidement son marché du travail. Dans le viseur teuton se trouvent plusieurs cibles de choix: la générosité de notre système d’indemnisation du chômage, la rigidité de notre législation sur la durée du travail (notamment sur le travail du dimanche, mais à coup sûr on reparlera prochainement des 35 heures), et la générosité de notre sécurité sociale.

Pour le gouvernement, un dilemme se pose: soit il veut se passer du consentement allemand, et il doit alors taper dans le dur des dépenses publiques – ce qui revient à reprendre la main sur un appareil d’Etat hors de contrôle et à se fâcher avec les fonctionnaires. Soit il veut ménager ses « insiders » favoris que sont les légions de fonctionnaires en leur évitant des coupes sombres dans les dépenses, et il doit alors obéir à l’Allemagne, c’est-à-dire entamer les réformes qui fâchent dans le secteur privé.

Sans surprise, le gouvernement a fait le choix de préserver la noblesse d’Etat et de s’attaquer en priorité aux manants qui se salissent les mains dans les entreprises.

Macron envoyé en première ligne

Pour le gouvernement, l’exercice est loin d’être simple, puisqu’il faut dans un seul mouvement obéir à l’Allemagne, réformer l’irréformable, donner le sentiment que tout cela vient de nous, et ne pas perdre sa majorité parlementaire, ni mettre les Français dans la rue. Pour le présumé candidat à la présidentielle de 2017 nommé Manuel Valls, comme pour l’autodéclaré candidat François Hollande, ce petit passage du cap Horn intérieur constitue une sérieuse prise de risque. A coup sûr, chacun d’eux a retenu la leçon d’Alain Juppé qui avait fait le malin sur tous ces sujets en 1995, et qui, 20 ans plus tard, le paie encore méchamment.

Il a donc été décidé d’envoyer le jeune et joli voltigeur Emmanuel Macron, qui aime tant plaire dans les salons, sur ce front si ingrat. L’impétrant s’est immédiatement consacré à cette tâche avec l’enthousiasme du poilu d’août 14, multipliant les déclarations tapageuses dans tous les médias qu’il avait sous la main. Dans le Journal du Dimanche de la semaine dernière, son interview tapageuse a alimenté la chronique sociale pendant toute la semaine, et probablement au-delà.

Micron Gattaz en troupe d’appui

Il n’en fallait pas plus pour que le président du MEDEF, emboîte le pas au ministre de l’Economie pour faire à son tour avaler le plus de couleuvres possibles, et se lance avec lui dans un festival qui le désigne tout entier pour être désormais surnommé Micron Gattaz (le micron constituant peut-être une allusion à la largeur de ses vues générales ou à sa connaissance des dossiers).

Dès le lendemain, Micron Gattaz écrivait sur son blog:

"Pas la peine de se raconter des histoires, si on ne réforme pas très vite, le chômage va continuer à augmenter (au pire), se stabiliser (au mieux) sur les prochains mois et années.

Conséquence : nous sommes obligés de continuer les réformes de l’assurance chômage pour essayer de contenir le déficit structurel du système (plus de 3 milliards d’euros par an).

Sans la garantie de l’Etat, ce système paritaire serait aujourd’hui en faillite. Refuser de le voir, refuser d’en discuter, refuser de changer est irresponsable pour notre système, et dramatique vis à vis de ceux qui devront rembourser les montagnes de dette, c’est-à-dire nos enfants et petits-enfants…"

Evidemment, ce n’est pas comme si Gattaz avait signé il y a six mois une convention d’assurance-chômage qui ne contient aucun de ces éléments de réforme, et qui ne vit d’ailleurs que par le soutien de l’Etat, tant le MEDEF a été incapable de la piloter efficacement.

Micron et Macron rivalisent pour plaire à l’Allemagne

Du coup, la semaine s’est passée dans un festival de déclarations toutes plus tapageuses les unes que les autres, comme si Micron et Macron rivalisaient à celui qui fera avaler le plus de couleuvres aux organisations syndicales.

Micron Gattaz s’est lancé dans une surenchère, culminant avec sa conférence de presse du mardi où il a revendiqué la suppression de tout ou presque: pénibilité, consultation des salariés en cas de cession, et bien sûr réforme de l’assurance chômage.

Le lendemain, Macron reprenait le flambeau en lançant une nouvelle idée: élargir les possibilités de travailler le dimanche.

Tiens, celle-là, Micron Gattaz ne l’avait pas eue. Du coup, pour ne pas perdre la face, il s’est fendu d’une nouvelle surenchère: la loi sur la transition énergétique ne convient pas.

Mais voui! on vous le dit, messieurs Micron et Macron, vous serez bientôt déclarés Citoyens d’Honneur de la République Fédérale Allemande réunifiée, et vous aurez peut-être même la médaille du Mérite allemand, voire plus…

Les syndicats inaudibles

Le gosier trop occupé à avaler ces couleuvres, nos syndicalistes ont été à peu près inaudibles tout au long de la semaine sur ces sujets majeurs. En dehors d’un rejet global, on n’a rien entendu. C’est à peine si l’Humanité a publié un communiqué de FO pour condamner les propos d’Emmanuel Macron.

Il faut dire que le mouvement national lancé jeudi par la CGT pour protester contre le financement de la sécurité sociale s’est révélé être un flop complet (comme prévu), à Paris en tout cas, car beaucoup de villes de province ont été le théâtre de manifestations de taille limitée, certes, mais assez présentes sur l’ensemble du territoire.

Dans ces conditions, on ne sera guère surpris de cette espèce de domination médiatique sur les questions de réforme du marché du travail.

Une montée du risque social

Comme toujours, la question centrale est de savoir si cette relative quiétude parisienne reflète bien la réalité du terrain et ne cache pas des tensions locales qui constitueraient autant de risques pour le gouvernement.

Au grand dam des syndicats représentatifs, la reculade de Ségolène Royal devant le mouvement des Bonnets Rouges, sur la question de l’éco-taxe, semble avoir éteint l’incendie qui s’était allumé. Cette décision manifeste d’ailleurs l’échec de la lutte syndicale traditionnelle et consacre le triomphe des nouvelles formes de lutte.

Pour le reste, certains brasiers restent chauds. C’est notamment le cas à la SNCM où les organisations syndicales n’ont probablement pas dit leur dernier mot. Mais une attention mériterait d’être marquée au service public, où le mauvais pilotage des réformes exaspèrent les personnels. Au ministère des Finances, la colère ne cesse de gronder. A l’AP-HP, le regroupement des hôpitaux Beaujon, Lariboisière et Bichat suscite des remous. A Calais, les policiers ont appelé la population à manifester de leur côté.

Tout ceci témoigne d’un malaise face auquel la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) semble curieusement inerte, comme si la pression exercée sur les dépenses n’appelait pas à une vigoureuse réaction prospective.

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