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L’exercice physique peut-il être utilisé comme antidote à la junk food ?
©Reuters

Manger, bouger

Une universitaire américaine milite pour qu'au lieu d'indiquer le nombre de calories contenues dans les aliments, les étiquettes précisent le temps d'exercice nécessaire à leur élimination.

Patrick Tounian

Patrick Tounian

Patrick Tounian est professeur de pédiatrie, chef du service de nutrition et gastroentérologie pédiatrique de l'hôpital Trousseau à Paris.

Il dirige le diplôme universitaire " Nutrition et Obésité de l'enfant et de l'adolescent " à Sorbonne Université et intervient comme expert reconnu en nutrition pédiatrique dans de nombreuses conférences.

Ancien secrétaire général de la Société française de pédiatrie et président de la Société francophone de gastroentérologie et nutrition pédiatriques, il est actuellement président de l’Association des pédiatres de langue française. Il est l’auteur de nombreux livres et publications scientifiques sur la nutrition et l'obésité de l'enfant et de l'adolescent.

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Atlantico : Sara Bleich, professeure à l'école de santé publique de John Hopkins, estime que les indications caloriques sur les emballages ne parlent pas suffisamment aux consommateurs et a mené une expérience à Baltimore précisant le temps d'exercice nécessaire pour éliminer le nombre de calories contenues. Si cette méthode peut-être dissuasive, le sport permet-il réellement de compenser la junk food ?

Patrick Tounian : Absolument pas. Je m'explique, la malbouffe telle que vous la définissez, n'entraine absolument pas d'obésité. Si on  a des remords d'avoir mangé de la junkfood et que l'on va faire du sport, c'est sans intérêt car ces remords sont psychologiques. La junkfood ne fait absolument pas grossir. En tout cas, pas chez l'enfant ou l'adolescent. Pour grossir il faut avoir une prédisposition. Le problème de la junkfood est un problème de culpabilité judéo chrétienne, car on se fait plaisir. C'est un aliment-plaisir. Par ailleurs, un jeune est programmé pour maintenir un poids et lorsqu'il mange beaucoup, comme cela peut arriver, des mécanismes vont se mettre en route dans son cerveau afin de réguler. Dans les jours suivants, de manière naturelle, il mangera moins et bougera davantage. De manière générale, si on veut maigrir, il faut ingérer moins de calories plutôt que d'essayer de se dépenser.

Chez les adultes, les systèmes de compensation sont moins performants et les excès réalisés ne sont pas forcément compensés, ou du moins pas de manière aussi efficace que chez les jeunes.

La malbouffe se comprend-elle uniquement en termes de calories ? Outre les calories élevées, quels sont les autres aspects nutritionnels à prendre en compte ?

La malbouffe ne se conçoit nullement en termes de calories mais en termes d'équilibre alimentaire. N'importe qui ne boirait que des sodas, serait carencé. Le lien entre la malbouffe et l'obésité n'est pas avéré et une calorie est une calorie quelle que soit sa provenance. Le corps risque en revanche d'être en excès de lipides et de glucides. Chez les plus jeunes, s'ils ne mangent pas suffisamment de viande, ils connaîtront des carences en fer, or la nourriture des fast food comprends généralement de la viande. Néanmoins, je n'ai jamais vu aucun patient souffrir de carence de végétaux.

Les calories et les apports nutritionnels doivent-ils dicter notre alimentation ?

Ils ne devraient pas du tout dicter notre alimentation. Il faut penser en termes qualitatifs, non pas en termes d'excès mais en termes d'équilibre alimentaire. Ce qui veut dire manger de tout pour ne manquer de rien. Pour avoir du fer, il faudra manger des produits carnés. Pour le calcium, on conseille trois produits laitiers par jour, il faudra aussi s'assurer de notre apport en acide gras essentiels et manger du poisson deux à trois fois par semaine. Et un ou deux végétaux journaliers suffisent, contrairement à ce que l'on entend. Et des féculents pour les apports caloriques. Une fois que ces piliers sont en place il ne faut pas oublier le plaisir alimentaire qui vient avec chaque repas.

Avec une alimentation similaire, quelle est néanmoins la différence entre une personne pratiquant du sport et une autre moins active ?

Cette différence existe mais pas en termes de poids, plutôt en termes de facteurs de risques cardiovasculaires. Le sport est un élément de bien-être sanitaire indéniable. L'activité physique est bénéfique pour la santé mais est elle est à dissocier de l'obésité. Il faut le promouvoir sans retenu. Mais cette idée qui consisterait à mettre le nombre d'exercices nécessaires pour éliminer un produit est un système aussi idiot que le système d'étiquetage nutritionnel envisagé par la ministre de la Santé qui consisterait à mettre des pastilles de couleur afin de différencier les bons des mauvais produits. Il faut simplement quelques infos comme les calories, la composition en nutriments, etc. Il fait nous laisser manger en paix. Pour la grande majorité des gens, la composition est abstraite et inaccessible, et tant mieux ! Mais quand demain nous mettrons des pastilles, nous créerons des troubles du comportement et nous aboutirons à une dictature alimentaire ou certains vont imposer leur manière de manger. 

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