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La France ne tient pas l'Afrique, 
c'est l'Afrique qui la tient
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Out of Africa

Les accusations de Me Bourgi sur des remises de fonds africains a MM. Chirac et Villepin font grand bruit. Faudrait-il quitter l'Afrique ? A quoi bon : l'Afrique ne nous quittera pas !

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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Donc, si l'on en croit Me Bourgi, zélé porteur de valises et excellent connaisseur des mœurs politiques de l'Afrique francophone, des dizaines de millions d'euros versés par des chefs d'État africains ont atterri (par son truchement) entre les mains de MM. Chirac et Villepin. Le scandale est patent. Ces révélations, informations, allégations (on rayera les mentions inutiles selon les sympathies qu'on éprouve ou pas pour les deux personnages mis en cause) font hurler le Parti socialiste qui parle de "faits stupéfiants".

C'est de bonne guerre. Et ce qui se passe, depuis des décennies, entre la France et les très changeants régimes africains est tout sauf reluisant. Scandale oui ! Mais "stupéfiant" ? C'est la stupéfaction du PS qui est stupéfiante… Parmi les plus imminents dirigeants de ce parti il y a en effet plusieurs "bébés Mitterrand". Ignoraient-ils - ils jouaient certes dans le bac a sable de la cour de l'Élysée mais n'étaient quand même pas si bébés que ça - qu'il y avait une "cellule africaine" auprès de François Mitterrand ? Ne savaient-ils pas que le représentant spécial du Président de la République d'alors s'appelait Jean-Christophe Mitterrand et qu'il sillonnait l'Afrique avec moult cadeaux et promesses et qu'on l'appelait là-bas « papa m'a dit » ? Certes aucune valise, a supposer qu'il y en ai eu, n'arrivait jusqu'au bureau du chef de l'État. François Mitterrand avait l'argent en horreur et ne serait jamais allé se salir les mains en comptant des liasses de billets. Ce qui, soit dit en passant, signe une grande différence de classe et d'élégance entre lui et ceux que Me Bourgi montre du doigt.

J'entends bien qu'on pourrait me reprocher de me servir de Mitterrand pour dédouaner messieurs Chirac et Villepin. Tel n'est vraiment pas mon propos. Si Me Bourgi parvient à apporter la preuve de ses accusations (et, grand connaisseur des secrets franco-africains, il en est capable) l'ancien président de la République et son collaborateur le plus proche seront jugés coupables. Et ce sera justice. De surcroît ils passeront pour des imbéciles et des maladroits . Et ce sera une confirmation.

Mais les rapports entre la France et ses anciennes colonies africaines ne peuvent se juger uniquement à l'aune des turpitudes réelles ou supposées de nos dirigeants. Nous tenons l'Afrique, crient les fonctionnaires de l'anticolonialisme et de l'anti-imperialisme. Et bien non : c'est l'Afrique qui nous tient ! Nous avons évidement là-bas des intérêts économiques, des bases militaires . Et, surtout, des dizaines de milliers de Français, commerçants, entrepreneurs, cadres, enseignants, qui y vivent. Mais nous payons aussi. Et grassement. Qui assure les salaires des fonctionnaires quand le budget de tel ou tel État africain est défaillant ? Qui verse la solde des soldats des armées locales qui menacent de se révolter quand celle-ci n'est pas payé à temps ? Qui fournit les sommes nécessaires pour s'attirer les bonnes grâces d'untel ou d'untel parvenu au pouvoir par un coup d'État militaire ou par des élections où démocratie rime avec tribalisme ?

Mais nous soutenons des dirigeants corrompus et dictatoriaux, s'offusquent les contempteurs de la "Françafrique" ? Effectivement. Mais y a-t-il quelqu'un d'autre à soutenir ? Prenons deux cas exemplaires. Le Tchad d'abord. Du temps de Giscard, l'armée française a fait la guerre dans ce pays pour soutenir le pouvoir en place contre un rebelle, Hissène Habré. Puis ce dernier a gagné. Il a régné, il a massacré, il a torturé. Et la France qui l'avait combattu ? Elle a coopéré avec le vainqueur, toute honte bue. Puis il a été renversé : il est aujourd'hui poursuivi pour crime contre l'humanité. Et la France ? Elle travaille avec ses successeurs...

La Côte d'Ivoire maintenant. La France, tous Présidents confondus, a coopéré avec Laurent Gbagbo : plus de 20 000 Français résident en Côte d'Ivoire. Ce Président ivoirien, membre de l'Internationale Socialiste avait des amis au PS. Henri Emmanuelli et quelques autres l'ont d'ailleurs soutenu jusqu'au bout. Et qui croyez vous que Laurent Gbagbo a arrosé, si l'on en croit Me Bourgi ? MM. Chirac et Villepin, simplement parce que ces derniers étaient au pouvoir. Aucune préférence idéologique, politique. Non. Juste un principe froid et calculateur de réalité. Et la France, depuis toujours, applique ce même principe. Nous ne choisissons pas les chefs d'États africains : ce sont eux qui nous choisissent. Parfois notre pays mise sur untel plutôt que sur untel. Et il arrive qu'on parie sur le mauvais cheval. Alors on fait avec. Et on s'arrange avec l'autre cheval. C'est ainsi. C'est pas beau ? Non. Et l'Afrique, elle, elle est belle ?

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