Le témoignage de l’un des plus grands joueurs d’échecs de tous les temps peut-il éviter l’extradition vers la Russie d’un oligarque kazakh pourtant habile à se jouer de la justice française ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Garry Kasparov, le célèbre joueur d’échecs.
Garry Kasparov, le célèbre joueur d’échecs.
©Reuters

Scandale d'Etat

Ce vendredi 17 octobre, la Cour d’appel de Lyon examine la demande d’extradition visant Moukhtar Ablyazov, riche banquier d'affaires. Celui-ci a jusqu'ici su repousser l'échéance, il bénéficierait du soutien de personnes proches du pouvoir socialiste français. Ses avocats ont sollicité le témoignage d’un opposant au régime de Poutine, le célèbre joueur d’échecs Garry Kasparov.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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C’est un sacré coup de poker que tentent ce vendredi 17 octobre devant la Chambre de l’instruction de Lyon, les avocats de Moukhtar Ablyazov, l’oligarque kazakh susceptible d’être extradé en Ukraine ou en Russie. Ce coup de poker, c’est l’icône du monde des échecs de la fin du XXème siècle au même titre que l’américain Bobby Fischer au début des années 70. Son nom : Garry Kasparov, 51 ans, ancien champion du monde - de 1985 à 2000 - et opposant farouche au régime de Poutine. Avec la présence d’Ablyazov comme témoin,  la défense de ce dernier espère démontrer à la Cour de Lyon le danger que courrait le Kazakh si d’aventure il était extradé vers la Russie.

Lire également : De l’utilité de savoir se payer des soutiens proches du pouvoir socialiste ? Des hauts magistrats auraient été espionnés pour le compte d’un oligarque

Le 25 septembre dernier, le Parquet général de Lyon avait requis  l’extradition vers l’Ukraine de l’homme d’affaires, accusé d’avoir détourné  6 milliards d’euros de la BTA-Bank, banque kazahk ainsi que de ses filiales à Moscou et Kiev. Le 9 janvier 2014, la chambre de l’instruction d’Aix-en-Provence, suivant les réquisitions de l’avocate générale Solange Legras avait donné son feu vert. Mais pour des raisons de pure forme, la Cour de cassation avait cassé la décision d’Aix-en-Provence et renvoyé l’affaire à Lyon. A Aix-en-Provence, l’atmosphère entre magistrats de la chambre de l’instruction et les conseils d’Ablyazov était particulièrement tendue, les premiers soupçonnant l’homme d’affaires kazakh d’avoir piraté les sms échangés entre Me Guillaume-Denis Faure, avocat de l’Ukraine et Solange Legras… Ces sms avaient non seulement été  retranscrits sur un site ukrainien, mais en prime tronqués. Dans l’entourage d’Ablyazov , on nie catégoriquement être à l’origine de cette opération qui s’apparente à de la barbouzerie.

Ce 17 octobre, devant la Chambre d’instruction de Lyon vont défiler toute une série de témoins qui viendront dire haut et fort que l’ancien patron de la  BTA Bank risquerait pour sa vie s’il venait à être envoyé à Moscou. En tête de ses témoins donc, figurera Garry Kasparov.  Immense champion d’échecs – il gagne son premier tournoi en 1979  à 16 ans – Kasparov, après avoir été l’un des soutiens de Boris Eltsine, anime depuis de longues années des manifestations contre le régime de Vladimir  Poutine. Il a d’ailleurs fondé dès 2005 un mouvement d’opposition au gouvernement appelé "L’Autre Russie". Deux ans plus tard, il dénonce les élections législatives "injustes" qui se déroulent en Russie, avant d’annoncer, en 2008, sa candidature à la présidentielle. Finalement, il y renonce, faute de pouvoir  louer des salles ou de trouver des endroits pour organiser ses meetings. A la fin de 2008, il  lance un autre parti, Solidarnost en compagnie d’un dissident célèbre, Vladimir Boukovski. Depuis cette date, l’ancien joueur d’échecs a souvent été arrêté, notamment en 2011 lorsqu’il dénonce le résultat des élections législatives. Il l’est à nouveau  alors qu’il manifeste devant le tribunal où sont jugées les Pussy Riot. Leur avocat devrait être présent à Lyon, ce 17  octobre ainsi que plusieurs membres d’ONG…

C’est dire que, en faisant venir à la barre Garry Kasparov,  les avocats d’Ablyazov médiatisent  à fond ce dossier pour obtenir la non extradition de leur client. Ils ne manqueront pas de répéter, comme ils l’avaient fait le 25 septembre lors de l’examen de l’extradition vers l’Ukraine, que depuis la fin 2013, six pays – Pologne, Italie, Espagne, République tchèque, Autriche et Royaume-Uni – ont systématiquement refusé d’extrader vers l’Ukraine, la Russie ou le Kazakhstan des proches ou ex-associés d’Ablyazov. Sauf que dans le cas présent,  selon la Convention de Genève de 1951, l’Ukraine et la Russie ont interdiction  légale de procéder à une réextradition vers le Kazakhstan…  N’oublions pas aussi que les trois conseillers de la Chambre d’instruction de Lyon ne pourront pas ignorer les nombreuses gymnastiques  financières ou opérations peu orthodoxes dont Ablyazov se serait rendu coupable.

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