Mais pourquoi diable Eric Zemmour est-il allé déterrer le Maréchal Pétain ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Eric Zemmour.
Eric Zemmour.
©Capture d'écran

Du passé, faisons table neuve…

"Le Suicide Français", son dernier livre, bat tous les records de vente. La polémique est à la hauteur de son succès : elle porte surtout sur le chapitre concernant Vichy et les Juifs.

Benoît Rayski

Benoît Rayski

Benoît Rayski est historien, écrivain et journaliste. Il vient de publier Le gauchisme, maladie sénile du communisme avec Atlantico Editions et Eyrolles E-books.

Il est également l'auteur de Là où vont les cigognes (Ramsay), L'affiche rouge (Denoël), ou encore de L'homme que vous aimez haïr (Grasset) qui dénonce l' "anti-sarkozysme primaire" ambiant.

Il a travaillé comme journaliste pour France Soir, L'Événement du jeudi, Le Matin de Paris ou Globe.

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En 1994, l’historien Henry Rousso publia un livre au titre juste et évocateur : "Vichy : un passé qui ne passe pas". Puis, et heureusement, ce passé est passé. Mais pas pour tout le monde. Et en tout cas pas pour Eric Zemmour. Il a donc éprouvé la nécessité (qu’on suppose impérieuse) de consacrer une partie de son essai à la question juive sous Vichy. Avec une thèse (peu originale au demeurant, car elle a déjà beaucoup servi) : le Maréchal Pétain aurait sauvé beaucoup plus de Juifs (français) qu’il n’a livré à la mort de Juifs (étrangers).

Avec Zemmour – et cela depuis de longues années – les choses sont relativement simples. La "doxa dominante" de gauche (c’est sa propre expression) voit obligatoirement en lui un néo-réac, un maurrassien, un fasciste, un raciste, et un chantre du lepénisme le plus rance. Pour cela, il est insulté et vomi. A droite, au contraire, on s’emploie à saluer son franc-parler, sa lucidité, son courage iconoclaste. Pour cela, il est adulé et couvert de lauriers. Pour autant, on ne voit pas en quoi, s’agissant de Zemmour, on serait obligés de marcher au pas selon la cadence dictée par les tambours de gauche ou de droite.

Lire également dans Atlantico l'interview d'Eric Zemmour : “Le but du “Suicide français” est d’appliquer aux déconstructeurs de la société française la même méthode nihiliste que celle qu’ils ont employée avec succès”

Lire également dans Atlantico : Libé inquiété, Libé soulagé : “Non, l’Etat islamique ne sodomise pas de chèvres” (mais les Talibans, si)

La thèse de Zemmour sur Vichy et les Juifs est de peu d’intérêt. Sauf si on aime les petits calculs d’apothicaires qui jamais ne rendent compte de la souffrance des âmes et des chairs. Pour les Juifs, la France de 1940 à 1944 fut une prison. Avec deux types de geôliers. Les geôliers nazis qui voulurent les tuer jusqu’au dernier, et y réussirent assez bien, en en envoyant des dizaines de milliers vers les chambres à gaz d’Auschwitz. Et les geôliers de Vichy qui, mieux élevés, se contentèrent de les spolier, de les humilier et de les transformer en parias, en sous-hommes et en sous-Français. Que l’auteur du « Suicide Français » estime que les seconds étaient relativement gentils (le pouvoir antisémite de l’époque devait certainement considérer que les chambres à gaz constituaient une faute de goût digne des barbares germaniques) est une problématique à régler entre Zemmour et Eric ou entre Eric et Zemmour…

Pour Zemmour, l’histoire est "complexe" et Vichy est donc "complexe". Il est vrai que la tragédie des Juifs de France a pendant trop longtemps occulté la totalité du visage de Vichy. Vichy est tout simplement, et au-delà du statut ignoble des Juifs, le régime le plus abject qu’ait connu la France. Vichy, ce sont les réfugiés antifascistes allemands livrés à la hache des bourreaux nazis. Ce sont les républicains espagnols, qui avaient également trouvé asile chez nous, offerts par milliers à l’occupant, qui les fera périr à Buchenwald. Vichy, c’est un lycéen de 19 ans, communiste et résistant, guillotiné pour avoir tué un flic : le Maréchal Pétain, qui avait pourtant, vu son âge, la larme facile, refusa sa grâce.

Vichy, c’est la célèbre avorteuse Marie-Louise Giraud, guillotinée elle aussi : c’était une femme et le Maréchal ne la gracia pas non plus. Vichy, ce sont les républicains, les gens de gauche, les francs-maçons, chassés de leurs emplois, emprisonnés et bafoués. Vichy, ce sont des milliers de policiers français zélés et efficaces, qui arrêteront des résistants par centaines et les fourniront aux pelotons d’exécutions nazis. Vichy, - juste encore quelques mots sur les Juifs – c’est Brasillach qui exhorte les nazis à ne pas "oublier de déporter les petits". Vichy, c’est un racialiste (Vacher de Lapouge, sans doute) qui, alliant la connerie et la haine, suggère qu’on peigne les juifs "en bleu" pour mieux les reconnaître.

Mais il n’est pas du tout certain que ce soit de cette complexité là qu’ait voulu parler Eric Zemmour. Alors pourquoi a-t-il éprouvé le besoin d’aller déposer une toute petite gerbe sur la tombe du Maréchal Pétain ? Par goût de la provocation, certainement. Mais peut-être aussi pour d’autres raisons. Alain Finkielkraut, qui l’a toujours défendu contre les hurlements et les crachats des antiracistes professionnels, a eu cette phrase le concernant : "Ce qui me gêne chez Zemmour, c’est le peu de cas qu’il fait de ses origines dans sa vision du monde". Ça a été dit mezza-voce, à la façon précautionneuse et prudente du philosophe. Léa Salamé, arabe et libanaise, qui a apostrophé Zemmour à la télévision, a été elle, plus claire : "toi, le Juif, tu veux être plus goy que les goys". "Psychanalyse de bazar", a répliqué Zemmour. Va pour bazar… Si dans ce bazar-là, il y a Finkielkraut, c’est qu’on n’y vend pas que de la pacotille.

Puisque la question juive tarabuste autant Eric Zemmour, donnons-lui de quoi méditer. Pour ce qui est des Juifs étrangers, il y eût dans les années 30 une romancière nommée Irène Nemirovsky. Juive russe, elle n’aimait pas son peuple. Elle écrivit donc des livres et des articles à forte connotation antisémite. Ce qui fit d’elle la coqueluche de l’extrême-droite parisienne. Puis, quand les temps furent venus, elle partit pour les chambres à gaz comme les autres…

Pour ce qui est des Juifs français (protégés par Pétain selon Zemmour), il faut lire la lettre que l’avocat Pierre Masse envoya au Maréchal.

« […]

J'ai lu le décret qui déclare que les Israélites ne peuvent plus être officiers, même ceux d'ascendance strictement française. Je vous serais obligé de me faire dire si je dois aller retirer leurs galons à mon frère, sous-lieutenant au 36ème régiment d'infanterie, tué à Douaumont en avril 1916, à mon gendre, sous-lieutenant au 14ème régiment de dragons, tué en Belgique en mai 1940; à mon neveu J.-P. Masse, lieutenant au 3ème colonial, tué à Rethel en mai 1940 ?

Puis-je laisser à mon frère la médaille militaire, gagnée à Neuville-Saint-Vaast, avec laquelle je l'ai enseveli ?

Mon fils Jacques, sous-lieutenant au 62ème bataillon de chasseurs alpins, blessé à Soupir en juin 1940, peut-il conserver son galon ?

Suis-je enfin assuré qu'on ne retirera pas rétroactivement la médaille de Sainte-Hélène à mon arrière-grand-père ?

[…] »

Comme Irène Nemirovsky, Pierre Masse trouva sa fin dans les chambres à gaz d’Auschwitz.

Et n'oubliez pas : le A-book de Benoît Rayski, Le gauchisme, cette maladie sénile du communisme, est toujours disponible à la vente sur Atlantico éditions : 

Le gauchisme, cette maladie sénile du communisme

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