Rentrée scolaire : réforme des rythmes, crise des vocations, tensions communautaires et autres mines sur le chemin de l’école<!-- --> | Atlantico.fr
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Au programme de cette rentrée 2014 rendue quelque peu chaotique par un changement inopiné de ministre de l’Éducation nationale, beaucoup de dossiers explosifs.
Au programme de cette rentrée 2014 rendue quelque peu chaotique par un changement inopiné de ministre de l’Éducation nationale, beaucoup de dossiers explosifs.
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Rentrée chaude

Réforme des rythmes scolaires, des programmes, de la méthode d'évaluation, du redoublement, crise des vocations dans l'enseignement, etc. Autant de dossiers explosifs qui inaugurent cette rentrée 2014 aux airs déjà chaotiques. Et ce n'est pas le changement récent de ministre de l’Éducation nationale qui risque de remédier aux difficultés.

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

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Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard

Jean-Rémi Girard est vice-président du SNALC-FGAF (Syndicat National des Lycées et Collèges). 

Il tient le blog sur l'Education nationale "Je Suis en retard" : http://celeblog.over-blog.com

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Atlantico.fr a sollicité l'avis de Jean-Paul Brighelli, enseignant, auteur de La fabrique du crétin (paru chez Jean-Claude Gawsewitch), et dernièrement de Tableau noir (Hugo Document), ainsi que celui de Jean-Rémi Girard, professeur de français et Secrétaire national à la pédagogie du SNALC-FGAF. Pour eux le constat est sans appel, la rentrée sera agitée par de nombreux dossiers non résolus.

L'application de la réforme des rythmes scolaires à tous les établissements de France

Jean-Paul Brighelli : Il s'agit d'une réforme imposée par des bobos parisiens habitant des communes riches, qui ne se rendent pas compte que les petites communes n'ont pas les moyens de recruter des animateurs. Même la ville de Marseille à grand peine à trouver les 3 000 détenteurs d'un BAFA sans casier judiciaire. Aujourd'hui, seulement 350 personnes ont été trouvées. La ministre de l'Education nationale menace les maires réfractaires de sanction, or tout pédagogue vous dira qu'on ne menace jamais d'une sanction que l'on n'est pas en mesure de prendre, à moins de vouloir mettre des maires comme Nicolas Dupont-Aignan dans les prisons que Christiane Taubira est en train de vider. Plus sérieusement, il s'agit d'une réforme invraisemblable : il fallait rétablir une demi-journée de cours consacrée aux fondamentaux, comme le français ou les mathématiques, pas au macramé. N'oublions pas que ce que les parents veulent entendre de la bouche de leurs enfants le soir, c'est ce qu'ils ont appris.

Jean-Rémi Girard : La réforme des rythmes scolaires est un exemple terrible d'une bonne intention qui pousse à oublier les réalités concrètes. C'est un mal dont souffre très souvent notre ministère. À l'arrivée, les élèves n'auront pas davantage d'heures de cours, contrairement à ce qu'on a souvent pu lire : ils restent à 24h par semaine, comme dans le cadre de la semaine de 4 jours. On a même supprimé une heure d'aide aux élèves sur les deux qui existaient. Quant à l'organisation du temps périscolaire, elle est très souvent complètement folle : les communes recrutent en urgence des dizaines, voire des centaines d'animateurs qui, pour beaucoup, n'ont aucune formation, et qui vont faire on ne sait trop quoi, on ne sait trop où et on ne sait trop comment. Dans les communes qui ont déjà expérimenté l'année passée, les professeurs ont régulièrement fait part de matériel pédagogique abîmé, voire volé. Quant aux effets positifs sur les élèves, ils restent à prouver : les confier à des adultes qui ne sont pas leur professeur et qui, parfois, sont incapables de les gérer, n'est probablement pas le meilleur moyen de faire de l'École un lieu de calme et d'apprentissage. Et pendant ce temps-là, 20% des élèves ne maîtrisent pas les compétences attendues en lecture et langue en fin de CM2, et 30% en mathématiques et culture scientifique. Réformer les rythmes scolaires, surtout pour le faire aussi mal, était-ce vraiment une priorité ?

A lire également sur le sujet l'interview de Nicolas Dupont-Aignan : "Je suis républicain, j'obéirai au gouvernement sur les rythmes scolaires mais pas au risque de mettre les enfants en danger”

Des enseignants en sous-effectifs

Jean-Rémi Girard : En réalité, la majorité des nouveaux postes créés l'ont été pour remettre en place une formation pour les professeurs stagiaires. Cela était indispensable — même si en réalité on a recréé les IUFM et leurs dérives sous un autre sigle — mais cela n'a rien changé à la situation sur le terrain, dans les écoles, les collèges et les lycées. Dans mon collège, ça y est : pour la première fois, on a dépassé les 30 élèves par classe, et on n'est absolument pas sûr que des collègues qui s'absenteront pendant l'année (du fait par exemple de congés maternité) pourront être remplacés. Il y a un paradoxe, puisque d'un côté on annonce qu'on recrée des postes, et que de l'autre la situation dans les établissements n'évolue pas, voire se dégrade. Ce n'est pas un problème qui se résoudra d'un coup de baguette magique, hélas, car le métier est aujourd'hui en crise. Ajoutons à cela que les professeurs qui sont normalement là pour effectuer les remplacements (qu'on appelle les TZR) sont souvent traités d'une manière catastrophique par les services de l'Éducation nationale. Alors qu'ils ont le même concours que les autres, ils se retrouvent dans des états de précarité terribles, à ne pas savoir jusqu'au dernier moment où ils seront affectés, sur quels niveaux, et éventuellement sur combien d'établissements. J'en ai connus qui parfois apprenaient le jour de la rentrée qu'ils devraient enseigner dans trois collèges distincts. 

Jean-Paul Brighelli : Les classes sont indéniablement en sureffectifs. Ce que Mme Vallaud-Belkacem devrait savoir, c'est qu'au-delà de 15 à 16 élèves, les cours ne fonctionnent pas dans les zones d'éducation prioritaire. Un petit baby-boom s'est produit aux alentours des années 1995-98, ce que l'on constate aujourd'hui à l'école.

N'ayant pas le budget nécessaire, un chef d'établissement ne peut pas faire venir les enseignants dont ils manquent. Neuf fois sur dix, on lui envoie des enseignants mandatés à l'heure, et qui n'occupent donc pas véritablement un poste. Il s'agit d'intérims traités comme des intermittents du spectacle. Il ne faut pas s'étonner que les vocations se fassent rares.

Une crise des vocations

Jean-Rémi Girard : Le problème, c'est que le métier de professeur n'attire plus. En mathématiques, plus de la moitié des postes proposés n'ont pas été pourvus lors du concours exceptionnel, et encore un tiers lors du dernier concours rénové. En lettres classiques, il arrive qu'on ait moins de candidats que de postes ! On peut toujours créer des postes (et effectivement on en a réellement besoin) : s'ils ne trouvent pas preneurs, cela ne sert hélas pas à grand chose. Aujourd'hui, un professeur, qu'il soit au primaire ou dans le secondaire, doit valider un master 2 (et même deux masters 2 dans certaines académies !) et réussir un concours. Ce très haut niveau de qualification est récompensé par un début de carrière dans un, voire plusieurs établissements souvent difficiles (je reste poli), parfois situés à des centaines de kilomètres de leur lieu d'études, et pour un salaire qui, en début de carrière, est de l'ordre de 1,3 SMIC. Quand vous mettez tout ça ensemble, y a-t-il réellement besoin d'expliquer pourquoi le métier n'attire plus ?

Maintenant, cela ne veut pas dire que le CAPES est au rabais, au contraire : les jurys, qui sont souverains, arrêtent de recruter quand ils considèrent que les candidats n'ont pas le niveau attendu, d'où les postes non pourvus. La situation est différente dans le premier degré, où le recrutement se fait par académies. Dans certaines académies déficitaires, comme Versailles ou Créteil, on descend parfois très bas pour remplir au maximum les quotas demandés, et l'on peut très sérieusement se demander si 4 de moyenne au concours de recrutement de professeur des écoles, c'est suffisant pour enseigner les fondamentaux indispensables à tous les élèves. 

Jean-Paul Brighelli : La ministre a promis 60 000 postes, cependant les enseignants sont difficiles à recruter : les candidats potentiels n'ont plus la motivation, et les jurys se voient obligés de recaler bon nombre de postulants qui n'ont pas le niveau requis. Les vides sont donc comblés avec des personnes qui ont raté les concours. Est-ce vraiment cela que les parents veulent ? Que leurs enfants soient pris en charge par des enseignants qui n'ont pas les qualités requises, ou qui sont insuffisamment formés ?

Tensions communautaires

Une photo a créé la polémique sur la page Facebook de l'Education nationale, parce qu'elle représentait presque uniquement des enfants noirs. La ministre a condamné le caractère raciste de certains de ces propos.

Jean-Paul Brighelli : La photographie diffusée sur la page facebook de l'Education nationale était maladroite, ne représentait pas la réalité des classes, et a déclenché un déluge de haine. Je reste persuadé que toute la politique gouvernementale, y compris la nomination de Najat Vallaud-Belkacem, vise à faire monter le FN, dans l'hypothèse d'un duel PS-FN en 2017. On peut aussi y voir un pied de nez à la Manif pour tous, que l'on croyait apaisée. Bien au contraire, le gouvernement a choisi de remettre de l'huile sur le feu avec l'ABCD de l'égalité. Dans les temps à venir, on peut s'attendre à un certain nombre de réactions savamment calculées pour faire monter la pression. Il est effarant de voir un gouvernement jouer la déstabilisation à ce point.

Dans les collèges, on constate parfois des tensions communautaires, mais pas toujours là où on le croit. Car pour qu'il y ait des tensions intercommunautaires, il faut plusieurs communautés, ce qui finalement est assez rare. A l'exception de certaines villes, comme Corbeille où j'ai enseigné, les quartiers difficiles sont extrêmement homogènes. Le véritable problème aujourd'hui, c'est le fait de confiner les gens dans des ghettos scolaires. Un jour ou l'autre, le retour de bâton se produira.

Jean-Rémi Girard : La polémique, qui est partie de la page Facebook du ministère, sur laquelle se trouvait une photographie où figuraient essentiellement des enfants noirs, est montée de toutes pièces. Je suis aller regarder la page en question : la photo " en tête de gondole " est changée très régulièrement, et dans les anciennes photos, on peut en trouver avec uniquement des enfants blancs, et le plus souvent avec des enfants très variés, si j'ose m'exprimer ainsi. Ces photos sont prises dans des établissements scolaires réels, et représentent aussi une diversité de réalités et de situations. Ce qui me paraît essentiel, c'est que l'École apprenne à lire, à écrire et à compter correctement à tous les enfants en fin de primaire, et qu'elle forme des citoyens éclairés dotés d'une solide culture et d'une grande maîtrise des disciplines qui leur ont été enseignées dans le secondaire. Et ça, je crois qu'on peut y arriver avec des enfants de toutes les couleurs, à partir du moment où l'École de la République ne renonce pas à ses valeurs fondamentales, à commencer par le respect dans tous les établissements du principe de laïcité.

Etat d'esprit des enseignants

Jean-Rémi Girard : Les professeurs sont fatigués. Peut-être pas tous, peut-être pas tout le temps, mais c'est très clairement ce que je constate aussi bien en tant qu'enseignant, qu'en tant que représentant syndical. Ils se sentent souvent désavoués par leur hiérarchie, remis en cause de façon très injuste par un certains nombre de parents d'élèves, jetés en pâture à la vindicte populaire dans pas mal de médias (aucune autre profession ne subit cela à un tel degré) et impuissants à mener la mission qu'on leur a confiée. L'institution à laquelle ils appartiennent, loin de les soutenir, en fait souvent les boucs émissaires faciles de ses propres dysfonctionnements, en les présentant comme pas assez modernes, pas assez tournés vers la nouveauté ou les nouvelles technologies, pas assez innovants, etc. Je crois que beaucoup d'entre eux aimeraient qu'on les laisse travailler en paix. Il ne s'agit pas de nier les problèmes qui existent, notamment en matière de formation (initiale et continue), mais le plus souvent les professeurs en sont les premières victimes. 

Jean-Paul Brighelli : Les enseignants sont accablés. Trois ministres en deux ans, un changement à cinq jours de la rentrée : cela prouve le très peu de considération que le gouvernement a pour l'Education, contrairement à ce que François Hollande avait affirmé dans son discours de campagne. Mais n'oublions pas qu'à l'époque son ennemi, c'était la finance…

La réforme des programmes

Jean-Paul Brighelli :Une grande réforme des programmes devait se faire, mais elle n'avance pas, ne serait-ce que parce que la Commission des programmes qu'avait mis en place Vincent Peillon ne comportait aucun enseignant, à l'exception d'un qui est à la retraite, et qui a démissionné. Tout cela est organisé par des administratifs qui n'ont jamais vu d'élèves, et qui recrutent des gens qui leur ont fait croire qu'ils avaient la science nécessaire, sans qu'eux non plus aient déjà vu un élève dans leur vie. Pour faire une véritable réforme des programmes, il serait d'abord bon de faire un tour de table auprès des personnes de terrain, qui savent. Dans un premier temps ce seront les programmes du primaire qui sont démantibulés, c’est-à-dire les programmes Darcos, qui étaient ce qu'il restait d'à peu près cohérent. Il y a fort à parier qu'on enseignera aux enfants un "socle" de connaissances, mais un socle minimal.

Dans un deuxième temps ce sera le programme du collège qui sera remanié. Mais là, tant qu'on en restera au collège unique, on ne réformera rien du tout. Les niveaux sont tellement disparates que les enseignants sont obligés de parler pour ceux qui ont le plus de mal, moyennant quoi on laisse tomber les meilleurs, et condamne à l'ennui ceux du milieu. Le collège unique est une erreur majeure de la droite des années 1970, qui a été combattue par les syndicats, et maintenant ce sont ces derniers qui ne veulent pas qu'on y touche.

La réforme de la méthode d'évaluation

Jean-Rémi Girard : Notre nouvelle ministre, Najat Vallaud-Belkacem, a déclaré récemment qu'elle souhaitait qu'on ne tombât pas dans les polémiques stériles. Je pense qu'un signe fort de sa part à ce sujet serait de tout simplement annuler ce grand raout qui doit être organisé d'ici décembre prochain sur l'évaluation, et dont tout le monde a bien compris qu'il serait le procès à charge de la notation chiffrée. À l'Éducation nationale, on a quand même l'art de débattre de la coiffure et de la couleur de la chemise d'un gars en train de crever plutôt que de l'emmener aux urgences. La notation chiffrée n'est absolument pas malveillante, et encore moins contre-productive : elle a même l'avantage de la simplicité et d'être facilement comprise par tous. Rappelons qu'elle n'est plus que minoritairement employée dans le premier degré, et, à ce que je sache, on n'a malheureusement pas constaté que sa disparition avait amélioré les choses. Les livrets par lesquels on prétend la remplacer se situent quelque part entre Ubu et Kafka : illisibles, bureaucratiques et parfois délicieusement absurdes dans leurs intitulés. On est ici exactement dans la même situation qu'avec les rythmes scolaires : par idéologie, on perd un temps fou sur des choses parfaitement secondaires, en oubliant consciencieusement l'essentiel.

Jean-Paul Brighelli : La réforme de la méthode d'évaluation est un dossier très délicat. Beaucoup d'écoles primaires ont déjà officiellement renoncé aux notes, et évaluent en fonction de critères comme "en voie d'acquisition", "non acquis", etc. Les professeurs des écoles passent un temps précieux à cocher des croix dans des grilles, ce qui n'est vraiment pas sérieux. Aucun élève n'a jamais été traumatisé par une note ; il s'agit d'un acteur comme un autre : simplement, il y a l'art et la manière de la mettre et de la commenter. Un zéro viendra sanctionner ce que l'on a fait, pas ce que l'on est.

La réforme du redoublement

Jean-Paul Brighelli : La réforme du redoublement est une question d'ordre économique. Un élève coûte environ 12 000 euros par an, et s'il y en a de moins en moins, c'est parce que cela coûte cher. Pour masquer cela, nous utilisons des arguments qui consistent à dire que les élèves sont traumatisés et convaincus qu'ils ne réussiront rien dans la vie. En réalité, on se retrouve avec des enfants perdus qui rament et suivent un niveau qu'ils n'atteindront jamais. D'autres solutions existent au travers de structures intermédiaires; cependant cela coûte cher et nécessite des personnes spécialisées, mais la mode n'est pas à la spécialisation. Sur les 850 000 enseignants qui reprennent le travail, une grande majorité font de leur mieux pour que cela tienne. Ils n'en peuvent plus car ils sentent bien qu'ils travaillent contre vents et marées.

Jean-Rémi GirardJe peux le dire : en temps que professeur, j'ai connu des redoublements profitables. J'en ai aussi connu d'autres qui n'ont servi à rien. Le problème, avec la suppression du redoublement, c'est que rien n'est proposé en lieu et place. Dans les pays qui ne font pas redoubler, il existe des dispositifs très élaborés de soutien et d'accompagnement, avec du personnel formé en nombre, ce qui d'ailleurs coûte généralement plus cher que le redoublement. Chez nous, on ne veut en finir avec le redoublement que pour des raisons économiques, et donc on le fera sur le dos des élèves en difficulté, à qui l'on ne proposera rien à la place. J'en veux pour preuve le dernier projet de texte qui nous a été présenté en juin dernier : il s'agissait de supprimer purement et simplement le redoublement (désormais soumis à l'accord de la famille) pour le remplacer par… de la " différenciation pédagogique " en classe entière ! En gros, par rien, quoi ! De l'art et la manière de faire des économies tout en rendant les professeurs responsables de l'inefficacité de la chose… car on imagine bien que si le niveau ne remonte pas, ce sera parce que l'on n'aura pas assez " différencié ". Moi, quand j'ai un élève qui ne sait pas lire en 6e, je peux différencier tout ce que je veux : je ne lui apprendrai hélas pas à lire. Mais je refuse qu'on dise que c'est de ma faute, car ce n'est pas vrai.

La réforme de l’éducation prioritaire d'ici 2015

Jean-Rémi Girard : Le ministère a eu une excellente idée au sujet de l'éducation prioritaire (et je le dis d'autant plus volontiers que c'est mon syndicat, le SNALC, qui la lui a soufflée le premier) : reconnaître la difficulté d'enseigner dans ces établissements par une décharge de services. Cela offre un bol d'air pour le moins bienvenu à des collègues qui en ont bien besoin : on n'imagine pas ce qui peut parfois se passer dans un établissement scolaire, et à quel point cela peut être dur à vivre. Bien entendu, comme souvent, la bonne idée s'est transformée en contrainte administrative : dans de nombreux endroits, on compte imposer aux collègues des heures de réunion supplémentaires sur leurs emplois du temps. Des choses qui se faisaient souvent par affinités, de manière informelle, sur des temps qui n'était pas toujours identifiés, vont maintenant devoir se passer à telle heure, à tel endroit et avec la hiérarchie, entraînant exactement l'inverse de l'effet recherché au départ. Surcroît de travail, overdose de réunions, multiplication des tensions dans les établissements, ras-le-bol généralisé : voilà ce qui est au programme. Il me semblait pourtant justifié de reconnaître que la difficulté et la pénibilité du travail dans certains endroits était une condition très suffisante pour diminuer (très légèrement) l'horaire hebdomadaire. Apparemment non : il semblerait juste que cela justifie de rendre votre métier encore plus pénible.

Jean-Paul Brighelli : La seule chose dont le ministère ait accouché est que l'heure de cours en éducation prioritaire sera affectée d'un coefficient de 1,1, soit une différence d'une petite centaine d'euros à la fin du mois. S'ils croient que c'est avec cela que les enseignants vont se précipiter dans les quartiers Nord de Marseille…

De même qu'on est allé installer les villes à la campagne, la solution serait d'installer les ZEP en centre-ville, "noyer" les élèves de ces zones dans des classes standards, car ils ne sont pas plus bêtes que les autres.

Propos recueillis par Gilles Boutin

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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