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La capture de parachutistes russes en territoire ukrainien a marqué un tournant dans le conflit.
La capture de parachutistes russes en territoire ukrainien a marqué un tournant dans le conflit.
©REUTERS/Maxim Shemetov

Cette fois-ci, on y est

La capture de parachutistes russes en territoire ukrainien a marqué un tournant dans le conflit. De soutien ambigu aux séparatistes, la Russie est passée dans la catégorie d'Etat belligérant.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Florent Parmentier

Florent Parmentier

Florent Parmentier est enseignant à Sciences Po et chercheur associé au Centre de géopolitique de HEC. Il a récemment publié La Moldavie à la croisée des mondes (avec Josette Durrieu) ainsi que Les chemins de l’Etat de droit, la voie étroite des pays entre Europe et Russie. Il est le créateur avec Cyrille Bret du blog Eurasia Prospective

Pour le suivre sur Twitter : @FlorentParmenti

 

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Atlantico : Alors que le chef des séparatistes de Donetsk a affirmé que 3000 soldats russes combattaient à leurs côtés dans l'est de l'Ukraine, l'ambassadeur russe à l'Osce, Andreï Kelin, a formellement démenti cette information. Aujourd'hui, que sait-on de la présence russe dans l'est du pays ?

Florent Parmentier & Cyrille Bret : Au cours de ce conflit, on a vu successivement des chefs séparatistes se réjouir de la présence russe, et les autorités russes dénier cette présence. A chaque fois pour des motifs politiques : les séparatistes veulent montrer qu’ils ne sont pas isolés et à ressouder leurs troupes, les autorités russes veulent intervenir en tant de tierce partie, et donc ne pas apparaître comme directement impliquées. C’est cet équilibre qui est remis en cause aujourd’hui. 

Ce qui est sûr, c’est que la Russie dispose d’une politique d’influence efficace dans la région, grâce à de multiples facteurs : son omniprésence médiatique, sa puissance économique et sa proximité géographique ; elle produit ses effets en construisant l’image de l’ennemi, nécessairement hostile, y compris lorsque Moscou a envoyé son aide humanitaire. Les autorités ukrainiennes auraient dû elle-même commencer par envoyer des convois humanitaires, sans laisser la possibilité à la Russie de reprendre l’initiative sur ce terrain…

Au-delà, la capture de parachutistes russes sur le territoire ukrainien peut difficilement n’être que le fruit du hasard... La Russie est donc bien directement partie prenante. Ce que les opinions publiques pressentaient depuis longtemps est maintenant fortement avéré. Les autorités publiques russes soutiennent militairement et matériellement certaines fractions séparatistes.

Le Conseil de sécurité de l'Onu s'est réuni en urgence jeudi 28 août afin de se pencher sur la situation actuelle que Kiev a qualifiée d'invasion russe. Cette situation marque-t-elle un tournant dans l'évolution du conflit ?

La situation actuelle marque en effet un basculement, dont il faut mesurer la portée. Après la phase de soulèvement des rebelles lors des premiers mois, qui n’a pas réellement débordé du Donbass, on a assisté depuis un mois à une reprise en main de la situation par les autorités de Kiev, qui ont mobilisé jusqu’à 50 000 hommes pour les opérations. On s’approchait alors d’une opération de restauration de la paix civile, d’autant plus utile que les élections législatives se rapprochent (elles auront lieu le 26 octobre prochain) : le Président aurait alors eu des marges pour mener une politique de rapprochement avec l’UE.

Or, la constatation de l’incursion russe remet en cause la tentative de reprise en main des autorités ukrainiennes. Plus, alors que Moscou avait habilement joué de l’ambiguïté jusqu’à présent, en soutenant les rebelles tout en n’étant pas un Etat belligérant, son implication directe ne fait plus l’objet de doute aujourd’hui.

Les autorités ukrainiennes ont demandé "l'aide pratique" de l'Otan. Quelles pourraient être les conséquences d'un basculement militaire du conflit ?

Un basculement militaire du conflit aurait pour conséquence de déstabiliser une bonne partie de la région : quid des conflits dans le Caucase ou de la région transnistrienne en Moldavie ? D’autres troubles pourraient-ils éclater dans d’autres parties de l’Ukraine, à Kharkov ou à Odessa ? Depuis l’annexion de la Crimée, le dogme de l’inviolabilité des frontières en Europe est remis en cause, pour la première fois depuis la question du Kosovo en 1999. Du reste, l’aide pratique de l’OTAN peut également se faire sous forme d’aide pour le renseignement militaire.

L’urgence pour l’Ukraine, au-delà de la défense de son territoire, sera dans un second temps de consolider son unité et de reconstruire le pays. Les combats des derniers mois laisseront beaucoup de dégâts, économiques mais aussi humains ; après le conflit, faire baisser la tension, au sein du pays comme avec la Russie, sera la grande tâche de Petro Porochenko et de sa future assemblée. Une double rupture est aujourd’hui en cause : entre l’Ukraine et la Russie et à l’intérieur de la Russie.

Si le conseil de sécurité s'est réuni en urgence, les sanctions économiques prises jusqu'alors par l'occident contre la Russie n'ont pas eu les effets escomptés. Actuellement, quelles pourraient être les réponses les plus adaptées ?

Le principe des sanctions est le suivant : pour être efficaces, elles doivent être ciblées et infliger des coûts rapidement. Or, la notion de coût est variable, et les pays ciblés peuvent avoir une patience plus ou moins longue par rapport à ces sanctions, tandis qu’à un certain moment, l’Etat visé connaît des ajustements pour contourner les difficultés.

De là, face à un régime déterminé à prendre de grands risques pour un Etat qui lui est stratégique, les résultats ont effectivement été limités. Ce sont les sanctions financières qui seront les plus efficaces : selon le mot de Gary Kasparov, les dirigeants actuels veulent "régner comme Staline et vivre comme Abramovitch" ; c’est donc moins dans les Mistrals français que dans la finance russe à Londres que l’on trouvera les moyens de tempérer les velléités les plus agressives contre l’Ukraine, puisque le pouvoir est parfois dépassé par des groupes animés par un nationalisme plus intransigeant que le sien.

L'Ukraine a également demandé à l'Union européenne une aide militaire. Est-ce envisageable ? Quelle forme pourrait-elle prendre et surtout quelles pourraient en être les conséquences à long terme sur les relations avec la Russie ?

Les deux principales puissances européennes, la France et le Royaume-Uni, ne vont probablement pas s’impliquer directement dans le conflit : qui imagine des troupes occidentales affronter les forces armées russes sur un champ de bataille européen ? Quant à l’Allemagne, son implication était surtout économique, en lien avec la reconstruction du pays, comme l’a montrée la visite d’Angela Merkel.

L’Europe a été construite avec l’idée qu’il fallait contrôler la puissance, et non l’exporter ; son implication ne peut concerner les opérations militaires dans ce conflit. L’interdiction de nouveau contrat d’armement ne changera pas grand-chose ; ce sont des sanctions financières qui peuvent être réellement efficaces, afin d’éroder le soutien des oligarques russes au régime, à tout le moins de refréner ses ardeurs et le pousser à revenir à la table de négociation.

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