Des émules des califoutraques islamiques voulaient faire sauter Carlsberg en Malaisie : l’Etat islamique est-il devenu une franchise plus forte qu’Al-Qaïda ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
International
A l'instar d'Al-Qaïda, l'Etat islamique (EI) serait en train de s'exporter à l'étranger
A l'instar d'Al-Qaïda, l'Etat islamique (EI) serait en train de s'exporter à l'étranger
©REUTERS/Stringer

Le match

A l'instar d'Al-Qaïda, l'Etat islamique (EI) serait en train de s'exporter à l'étranger. En Malaisie, au cours des sept derniers mois, pas moins de 19 personnes ont été arrêtées. Et ce pays n'est qu'un exemple. Dans les faits, l'EI serait en train de devenir une puissance telle, qu'Al-Qaïda pourrait aujourd'hui être comparé à une bande de lascars de seconde zone.

David Rigoulet-Roze

David Rigoulet-Roze

David Rigoulet-Roze est chercheur associé à l'IRIS et chercheur rattaché à l'Institut français d'analyse stratégique (IFAS) et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques (L'Harmattan).

Voir la bio »

Atlantico : Au cours des sept derniers mois, 19 personnes suspectées d'appartenir à l'Etat islamique (EI) ont été arrêtées en Malaisie. Certains auraient par ailleurs admis avoir pour projet de commettre des attentats contre l'usine de Carlsberg, certains bâtiments officiels, des discothèques, etc. L'Indonésie compterait également des djihadistes de l'EI sur son territoire. Peut-on pour autant déduire de ce déploiement dans le monde que l'Etat islamique devient le nouvel Al-Qaïda ? Quels éléments les deux organisations ont-elles en commun ? Comment peut-on expliquer le succès grandissant de l'EI, au détriment d'Al-Qaïda ?

David Rigoulet-Roze : On peut en effet parler d'une logique de diffusion de la part de "l'Etat islamique", officiellement établi le 29 juin 2014[1], notamment en Malaisie et en Indonésie, pays dans lesquels les services de sécurité ont mis en garde dans le prolongement d'une vingtaine d'arrestations de d'activistes musulmans radicalisés ayant partie liée avec l'Etat islamique soupçonnés d'avoir planifié plusieurs attentats terroristes. Dans ces deux pays, ces musulmans radicalisés semblent avoir été inspirés par la proclamation du "Califat" le 29 juin, un événement assimilé par certains d'entre eux comme la réalisation d'une pseudo-prophétie selon laquelle on assisterait à l'émergence d'un nouvel ordre islamique une fois par siècle. On peut d'ailleurs signaler qu'Abou Bakar Ashir, le chef spirituel du Jemaah Islamiyah ("parti islamique") - organisation islamiste indonésienne proche d'Al-Qaïda déclarée terroriste pour avoir planifié les attentats de Bali en octobre 2002[2] -, lequel chef spirituel avait été condamné à 15 ans de prison en 2011 après avoir été jugé être l'inspirateur de ces attentats, aurait début août enjoint ses affidés à se rapprocher du nouvel "Etat islamique". Cela témoigne en tout cas de l'extension des activités de l'Etat islamique en Asie du Sud-Est, donc plutôt loin de sa matrice territoriale moyen- orientale et donc de ses ambitions considérables qui sont déjà pleinement perceptibles dans des pays à proximité plus immédiate de son foyer territorial syro-irakien, comme la Jordanie où, en juin 2014, la bannière noire de l'Etat islamique avait été déployée à Maan, ville déshéritée située au sud du royaume jordanien, mais aussi en Arabie saoudite cible déclarée de l'Etat islamique pour cause de présence des deux "villes saintes" de La Mecque et Médine et dont la famille régnante suspecte fortement l'organisation de chercher à s'infiltrer dans le royaume via la localité saoudienne de Ar Ar en provenance de la province frontalière irakienne d'An-Anbar, ou encore au Liban où la ville d'Ersal a récemment subi, début août 2014, la pression de l'Etat islamique dans la ville sunnite d'Ersal dans la Bekaa. Parallèlement, l'Etat islamique développe une dynamique de recrutement très active depuis le printemps 2014 via les réseaux sociaux comme twitter ou Youtube, tout particulièrement en Arabie saoudite pays qui se trouve  le record mondial d'utilisateurs de Twitter.

Il y a donc de la part de l'Etat islamique une véritable stratégie de communication avec la mise en avant des récents succès militaires en Irak comme en Syrie afin d'asseoir la crédibilité sinon la légitimité du nouveau "Califat". Il faut rappeler que cette institution politico-religieuse censée réunir territorialement les membres de la Oumma ("Communauté des croyants") avait été abolie sous sa dernière forme ottomane en mars 1924, dans le prolongement justement de la chute de l'Empire ottoman. Depuis, elle agit comme une sorte de "fantasme" auprès des djihadistes, voire de manière plus ou moins avouée de nombre des membres de ladite Oumma. Or, c'est ce "fantasme" que vient de réaliser le calife Ibrahim alias Abou Bakr al-Baghdadi. Un précédent auquel Oussama Ben Laden lui-même se s'était pas risqué tant il estimait - selon certains documents retrouvés dans sa cache d'Abbotabad - que le fait de restaurer le "Califat" ne ferait qu'offrir aux ennemis supposés de l'islam un Etat territorialement identifiable et identifié qui deviendrait, par-delà des victoires à court terme - la cible privilégiée desdits ennemis ce qui ne manquerait pas de le condamner à moyen terme[3]. Mais ce type de subtilité échappe sans doute à nombre de djihadistes déclarés et à tous ces impétrants djihadistes irrésistiblement aimantés par ce précédent. C'est ce qui explique l'attractivité actuellement exercée par ce "Califat" qui voit affluer à lui un nombre record d'activistes de tous horizons ainsi que l'allégeance apportée fin juin-début juillet 2014 par un certain nombre de groupes djihadistes jusque-là dans la mouvance d'Al-Qaïda, comme le groupe tunisien Ansar al Charia ("Partisans de la Charia") ou le groupe égyptien opérant dans le Sinaï Ansar Bait al-Maqdis ("Partisans de Jérusalem") ainsi que la Liwa Ahrar al Sunna "Brigade des Sunnites libres de Baalbeck".

Pour l'heure néanmoins, les trois principales enseignes « régionalisées » d'Al-Qaïda que sont AQPA ("Al Qaïda dans la Péninsule Arabique"), AQMI ("Al Qaïda au Maghreb islamique") et Ansar al-Sharia de Libye n'ont pas prêté allégeance au nouvel "Etat islamique" afin d'éviter d'alimenter les divisions latentes au sein de la mouvance djihadiste - le chef de l'AQMI en Kabylie, Cheikh Abi Abdallah Athman al-Othman s'était rallié en juillet 2014 à l'Etat islamique alors que les principaux responsables d'AQMI ont ostensiblement renouvelé leur allégeance à Ayman al-Zawahiri, successeur d'Oussama Ben Laden comme chef d'Al-Qaïda -, même si des proximités idéologiques existent. Ainsi, le porte-parole d'AQPA, Cheikh Ma'mun Hakim, avait déclaré au printemps 2014 que "l'Etat islamique" était appelé à se développer dans la Péninsule Arabique. Et Cheikh Ibrahim al-Rubaish, idéologue attitré d'AQPA a récemment glorifié dans une vidéo mise en ligne mi-août 2014 les "succès militaires" de "l'Etat islamique", sans toutefois nommer expressément son dirigeant, Abou Bakr al-Baghdadi. Cette volonté de ne pas personnaliser les enjeux est sans doute la marque des fortes tensions existantes au sein de la mouvance djihadiste dans un contexte largement favorable à l'expansion de "l'Etat islamique" laquelle se fait largement au détriment de l'organisation Al-Qaïda "canal-historique" si l'on peut dire. Les deux "enseignes" djihadistes se trouvent aujourd'hui dans une sorte de logique concurrentielle qui n'est pas nécessairement contingente tant il est vrai que Al-Qaïda maison-mère a depuis l'origine du mouvement, avec Oussama Ben Laden et son successeur Ayman Al-Zawahiri, privilégié de cibler ce que l'on appelle "l'ennemi lointain" (les Occidentaux en général et les Etats-Unis en particulier) quand "l'Etat islamique" a d'emblée visé "l'ennemi proche" (les dictatures stigmatisées comme "laïques" et/ou "sectaires" à l'instar du régime entaché d'irtidad ("apostasie") comme celui de l'alaouite Bachard al-Assad en Syrie - l'alaouisme étant une secte dérivée du chiisme - ou du gouvernement "confessionnel" du chiite Nouri al-Maliki en Irak). Cette distinction dialectique est ancienne et récurrente au sein d'Al-Qaida puisqu'elle avait été formalisée par feu Abdallah Azzem, mentor idéologique d'Oussama Ben Laden, tué dans un attentat à la bombe en novembre 1989 dont les commanditaires n'ont jamais été clairement identifiés et qu'elle se trouve aujourd'hui réactualisée avec l'affirmation territorialisée de "l'Etat islamique".

D'où vient son fonctionnement efficace et presque professionnel ? A l'instar d'Al-Qaïda, doit-on s'attendre à des actions à l'étranger de la part de l'EI ? Comment la communauté internationale, et notamment les Etats-Unis pourront-ils les anticiper ?

Le fonctionnement de "l'Etat islamique" demeure encore largement empreint de la culture du secret. De nombreux points d'interrogation demeurent. Ce qui frappe toutefois, ce sont les différences notables de fonctionnement entre Al-Qaïda et "l'Etat islamique".

Al Qaïda est une organisation transnationale, historiquement constituée autour de son fondateur, à savoir Oussama Ben Laden. Il s'agit d'une organisation islamo-djihadiste dont la matrice idéologique se trouve dans la Péninsule Arabique et plus spécialement dans le royaume wahhabite d'Arabie saoudite, et dont la matrice géographique s'est trouvée située en Afghanistan du fait du djihad anti-soviétique des années 80, lequel pays est par la suite devenu, une fois tombé sous la tutelle des Talibans au milieu des années 90, son sanctuaire. Un sanctuaire dont l'organisation a été délogé par l'intervention américaine de fin 2011 et qui s'est vue obligée d'aller trouver refuge dans les territoires tribaux pachtounes pakistanais jouxtant l'Afghanistan. La « guerre des drones » menée par les Américains depuis le milieu des années 2000 a contraint l'organisation à s'adapter en « filialisant » ses activités et en métastasant dans différentes zones de confins saudo-yéménites ou saharo-sahéliens, en faisant preuve d'une remarquable capacité d'adaptation, ce qui lui a permis de ne pas disparaître. Tout autre est la logique délibérément territorialisée de "l'Etat islamique" à partir d'un territoire à l'interface syro-irakien, première étape de son projet "califal" pour l'heure en expansion.

Les différences sont également notables sur le plan du fonctionnement interne. Al-Qaïda a conservé certains traits caractéristiques de l'Asabiyya ("cohésion groupale" en arabe), terme à l'origine employé dans un contexte tribal et/ou clanique sinon familial. Pour ne citer que quelques exemples symptomatiques, les principaux membres historiques d'Al-Qaïda étaient généralement d'ascendance arabe et se trouvaient réunis par des solidarités familiales parfois étroites susceptibles de constituer un gage de confiance entre les membres et pour empêcher la pénétration éventuelle de l'organisation par des tiers. Ainsi Oussama Ben Laden avait épousé l'une des filles du mollah Omar, lequel aurait, dit-on, pour sa part épousé la fille aînée du premier. Suleiman Abou Geith, le porte-parole d'Al-Qaïda - jugé aux Etats-Unis après avoir été extradé de Jordanie en mars 2013 - était lui le gendre d'Oussama Ben Laden pour avoir épousé Fatima, l'une de ses filles. Quant à Aymane Al-Zawahiri, il n'était pas en reste puisque le marocain Abdur-Rehman al-Maghribi - en charge des media pour Al-Qaïda et tué par une frappe de drone en janvier 2006 - était par ailleurs le gendre d'al-Zawahiri, devenu le successeur d'Oussama Ben Laden à la mort de ce dernier en mai 2011 lors de l'assaut d'Abbottabad (Pakistan) mais dont le troisième fils, Saad, est resté très actif jusqu'à ce qu'il soit vraisemblablement tué également par un drone en juillet 2009.

Pour ce qui est de "l'Etat islamique", il en va tout autrement. L'auto-proclamé calife Ibrahim, de son véritable nom Ibrahim Awad Ibrahim Ali al-Badri ou al-Samarrai c'est selon, alias Abou Bakr al-Baghdadi de son nom de guerre depuis qu'il a pris la tête de ce qui n'était alors encore que l'Etat islamique en Irak, avait  cultivé le plus grand secret sur son identité jusqu'à son discours-sermon du 4 juillet 2014 où il apparaît - s'il s'agit bien de lui car le doute demeure - pour la première fois publiquement. Le fonctionnement d'ad-dawla al-islamiyya ("l'Etat islamique") n'est pas sans rappeler celui de l'Angkar padevat ("Organisation révolutionnaire") des Khmers rouges avec l'invisible "frère numéro 1" alias Saloth Sâr, plus connu sous son nom de guerre de Pol Pot dont il s'agit de suivre aveuglement les ordres, jusque dans leur logique génocidaire. Dans "l'Etat islamique", comme dans l'Angkar, prévaut par-delà l'établissement d'un Comex (« comité exécutif) pour les cadres décisionnaires[4], une atomisation de potentielles solidarités interpersonnelles en favorisant un turn-over permanent des cadres intermédiaires au niveau opérationnel et conduit dans une logique paranoïaque à la liquidation immédiate de tout cadre au moindre soupçon de fléchissement dans le soutien à la cause et/ou de non-conformité au strict respect des règles qu'elle impose. Cette discipline de fer se retrouve dans la prise en charge des quelque 12.000 djihadistes muhajirun ("étrangers")[5] qui représenteraient 80 % des effectifs de "l'Etat islamique" dont plus de 3.000 "d'Occidentaux" et/ou "d'Européens" et près d’un millier de Français, une prise en charge supervisée par les hommes d'Abdullah Ahmed al-Meshadani, "ministre" de ces djihadistes étrangers. Comme l'explique Camille Hennetier, chargée de la lutte antiterroriste au Parquet de Paris : "Il semblerait que ["l'Etat islamique"] confisque systématiquement les passeports de ses recrues pour les empêcher de s'enfuir"[6] avant de subir des interrogatoires poussés - sous la supervision des hommes d'Abdul Wahid Khutnayer Ahmad, "ministre" de la "sécurité intérieure" du "Califat" -, destinés à détecter d'éventuels espions de manière plus professionnelle encore que dans Al-Qaïda.

Ce professionnalisme est l'une des marques de "l'Etat islamique" qui l'éloigne d'une certaine forme d'amateurisme qui pouvait caractériser Al-Qaïda ce qui n'est pas sans soulever un certain nombre de questions. On retrouve ce professionnalisme dans la politique de communication mise en œuvre par "l'Etat islamique" et plutôt éloigné de l’amateurisme relatif qui caractérisait la facture des vidéos réalisées par Oussama Ben Laden dans sa cache d’Abbottabad. "L'Etat islamique" a, en effet, développé une revue via son organisme de propagande attitré, Al Hayat Mediacenter, appelée l'Islamic State Review laquelle, sans mauvais jeu de mots, s'inspire d'Inspire, la publication d'Al-Qaïda, mais en la dépassant très largement par la qualité du rendu. Dans le deuxième numéro sorti en 2014 et intitulé Istishhadiyyun ("Les martyrs"), il est fait l’apologie des kamikazes dont un Français et un Allemand qui se seraient fait exploser en Irak. "L'Etat islamique" est par ailleurs très performant dans ses vidéos, en mettant en ligne sur internet des productions qui n'ont rien à envier à certaines productions hollywoodiennes produites par La Mecque du cinéma américain. Il semblerait que des professionnels du montage aient même été embauchés à grands frais[7] ce qui ne constitue pas un problème pour "l'Etat islamique" qui dispose de ressources conséquentes.

"L'Etat islamique" est en effet aujourd’hui crédité d’être l’organisation terroriste la plus riche du monde selon une estimation d’International Business Times, notamment après avoir fait un hold-up sur la banque centrale de Mossoul en ajoutant les quelques 430 millions en dépôt à ses revenus déjà non négligeables provenant d’extorsion de fonds et de diverses taxations des populations - imposition de la jizya (« capitation ») pour les Chrétiens et recouvrement du zakat (« aumône) auprès des musulmans -, sans parler des revenus issus du contrôle des champs pétroliers situés dans la région de Deir Ezzor en Syrie et dans le nord de l’Irak. On parle aujourd’hui de quelque 2 milliards de dollars quand Al-Qaïda disposait de ressources financières demeurant de l’ordre de dizaines de millions de dollars et au mieux de quelques centaines de millions de dollars. En dépit des efforts de taqqiyya ("dissimulation") faits par l’organisation pour maintenir l’opacité sur ses activités et ses financements, une mine de renseignements confidentiels et de documents internes nous est fournie par un mystérieux compte twitter @wikibaghdady. Il semblerait que ladite organisation dispose en tout cas de compétences de gestionnaires financiers performants pour assurer au mieux de ses intérêts la rentabilité de son entreprise ce qui ne peut que renforcer ses capacités opérationnelles et son indépendance économique et financière.

Aujourd’hui "l'Etat islamique" est devenu financièrement indépendant et n’a plus besoin des fonds de ce que l’on qualifie pudiquement de "généreux donateurs" des pays du Golfe - pour éviter de faire référence aux Etats eux-mêmes -, dont il a pu bénéficier au début de son ascension parce qu’il apparaissait comme un outil utile de déstabilisation du régimes alaouite syrien et/ou du gouvernement chiite irakien, vus par les pétro-monarchies du Golfe comme les pièces centrales d’un "Croissant chiite" voué aux gémonies sunnites. D'aucuns avaient même évoqué l'existence d'un "Plan saoudien" fomenté par le prince Bandar, lorsqu’il officiait en tant que chef des services de renseignements saoudiens (juillet 2012-avril 2014), pour la création d'un Etat sunnite à cheval sur la Syrie et l'Irak afin de "casser" ce supposé "Croissant chiite"[8]. Mais il semblerait que la "créature de Frankenstein" ait échappé à ses créateurs. C’est ce qui fait dire à Hoshyar Zebari - qui fut le ministre kurde des Affaires étrangères de l’Irak durant plus d’une décennie (juillet 2003-juillet 2014) -, à l’occasion d’un entretien accordé à Euronews, que tous ceux qui ont aidé"l'Etat islamique" et l’ont soutenu, notamment pour parvenir au renversement de Bachar al-Assad en Syrie et déstabiliser le pouvoir de Nouri al-Maliki en Irak, semblent avoir pris conscience qu’ils en ont perdu le contrôle - si tant est qu’ils l’aient jamais eu. Ainsi qu’il l’explique : "Tous les pays qui ont soutenu l’opposition syrienne et "l'Armée syrienne libre" et tous les autres groupes d’activistes en Syrie ont favorisé l’expansion du phénomène de "l'Etat islamique". Quiconque a pu soutenir "l'Etat islamique", aujourd’hui il n’est plus sous contrôle. "Etat islamique" dispose de beaucoup d’armement moderne et d'organisation militaire performante. Il est puissant et auto-financé, et il est hors contrôle" [9].

En dépit de l’expérience acquise dans la lutte contre Al-Qaïda il semble que celle-ci a dès le départ sous-estimé le danger que représentait l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL), devenu par la suite EI. Cela a-t-il contribué au développement de l'Etat islamique ? A quoi peut-on s'attendre concernant l'avenir de l'EI ? Et d'Al-Qaïda ?

La communauté internationale en général, et les Etats-Unis en particulier, ont sans doute sous-estimé la menace représentée par "l'Etat islamique" et les capacités dont il est susceptible de faire preuve. Les Américains estimaient non sans raison, avant leur retrait d’Irak fin 2011, avoir laminé Al-Qaïda en Irak notamment avec l’aide des tribus sunnites regroupées par le général David Petraeus au sein de ce que l’on a appelé la Sahwa ("Le réveil"). L’erreur a été de penser que la question était réglée dans la mesure où la situation politique irakienne, caractérisée par la marginalisation "sectaire" des Sunnites prônée par le premier Ministre chiite Nouri al-Maliki et le contexte régional bouleversé par la crise syrienne transformée en guerre civile à caractère "sectaire" de plus en plus prononcé, ont favorisé par la suite les conditions à l’émergence irrésistible, à partir de 2013, d’un "Etat islamique en Irak et au Levant" (EIIL), héritier de "l'Etat islamique en Irak" de 2006, ainsi qu’à son renforcement. C’est donc un concours de circonstances délétère qui a favorisé la création de l’actuel "Etat islamique". La communauté internationale de manière générale paie sans doute aujourd’hui le prix d’avoir sous-estimé la menace potentielle représentée par cette organisation du fait d’une situation régionale extrêmement confuse et d’une multiplicité des acteurs en présence aux intérêts le plus souvent contradictoires.

On peut rappeler la déclaration récente du président Obama qui avait volens nolens minimisé le 27 juin 2014 le danger posé par les djihadistes dans leur Blitz-krieg en Haute-Mésopotamie (Nord et Est de l’Irak) qui les avaient déjà conduit à s’emparer de Mossoul le 10 juin précédent, en expliquant que les Etats-Unis faisaient l’objet d’une "menace sérieuse" depuis le début de sa présidence. Le président américain avait répondu à une question sur cette menace potentielle à l’occasion d’un entretien dans l’émission Good Morning America, sur la chaine ABC, et ce, alors que Ryan Crocker, l’ancien américain en Irak (2007-2009), venait d’alerter dans une tribune au Washington Post que l’organisation djihadiste serait prochainement "en chemin [vers les Etats-Unis, pour y commettre des attentats terroristes, NDA]" car il regroupe plus de 2.000 combattants détenteurs de passeports occidentaux[10]. "Je pense que avons fait face à des menaces sérieuses pendant toute ma présidence", avait tenu à tempérer M. Obama. "Et nous avons fait face à des menaces sérieuses antérieures au 11 septembre [2001] de la part de ceux qui épousent cette idéologie". Il avait néanmoins reconnu que "l'Etat islamique" montait en puissance après avoir mis la main sur davantage d’armes y compris des armes lourdes et des blindés - notamment du matériel américain saisi lors du pillage des casernes abandonnées de l’armée régulière irakienne - et d’argent liquide en abondance lors du hold-up effectué sur la banque centrale de Mossoul. Mais d’ajouter, comme pour rassurer une opinion publique toujours fébrile sur les questions sécuritaires : "Ils se sont renforcés à certains endroits, mais nous sommes également devenus bien meilleurs pour nous protéger".

Au moment de cette déclaration, l'administration Obama avait déjà prévu d'envoyer jusqu'à 300 conseillers militaires en Irak, en plus de l'intensification de la surveillance et de la collecte de renseignements dans le pays notamment par drones, mais également décider dans un premier temps de différer de procéder à des frappes sur des cibles de "l'Etat islamique", comme le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki lui demandait instamment. Un mois plus tard, les choses ont rapidement changé avec le lancement presque contraint début août 2014 des premières frappes aériennes sur lesdites cibles, notamment pour protéger le Kurdistan irakien menacé par l’avancée des djihadistes dans l’Est de l’Irak. Cette sous-estimation de la menace représentée par "l'Etat islamique" fait désormais l’objet de critiques ouvertes. Le 16 août 2014, dans un débat organisé par The New American Foundation, un Think Tank proche des Républicains, réunissant d’anciens acteurs de premier plan en Irak, le colonel de l’US Army désormais à la retraite, Dereck Harvey - qui fut un des principaux conseillers du général David Petraeus en Irak -, n’a pas hésité à fustiger la politique du président Obama en stigmatisant sa pusillanimité en matière de politique étrangère. Selon Dereck Harvey : "Le Moyen-Orient est devenu un théâtre de rivalités entre les djihadistes d'Al-Qaïda et ceux du de "l'Etat islamique". Mais Obama a sous-évalué le risque de cette organisation, qui s'est largement implantée, en Syrie et en Irak. Les réseaux sociaux ont, activement, contribué à l'extension de cette organisation. Cette dernière dispose, dans le seul Moyen-Orient, de plus de 10 000 combattants. Mais elle a des membres occidentaux, sur qui elle compte, pour commettre des attaques, aux Etats-Unis et en Europe". Une mise en garde qui résonne comme un écho à la menace formulée par Abu Bakr al-Baghdadi un temps prisonnier des Américains entre 2004 et 2009 au camp Bucca, en Irak, après avoir été arrêté lors de combats contre les militants de ce qui était alors encore Al-Qaïda en Iraq (AQI).Lorsqu'il avait été relâché, dans le cadre des mesures d'apaisement décidées par Obama, un de ceux qui étaient chargés de sa détention, le colonel Kenneth King, se souvient parfaitement qu'il avait dit à ses geoliers : "Vous verrez, on se reverra bientôt à New York"[11].

Il est aujourd’hui le Calife d’un "Etat islamique" en pleine expansion. Pour sa part, Brett Mc Gurck, vice-secrétaire d’Etat américain pour l’Iran et l’Irak de l’Administration Obama depuis août 2013, avait mis en garde le 14 août 2014 dans The Charlie Rose Show sur le Network PBS que "l'Etat islamique" était potentiellement encore plus dangereux qu’Al-Qaïda : "["L’Etat islamique"] est mieux équipé, il est mieux organisé, dispose de plus de ressources, de meilleurs combattants, mieux entraînés que ceux d’Al-Qaïda en Irak auxquels nous avions fait face. Il est caractérisé par un expansionnisme global, c’est une organisation du djihadisme global. Il reçoit un nombre croissant de combattants étrangers et de kamikazes qui iront où l’organisation leur dira d’aller. Et cela pourrait être décisif dans la région, cela pourrait être décisif en Europe et, Dieu nous en garde, ici-même [aux Etats-Unis, NDA]"[12]

Après la déclaration faite le 20 août 2014 par le président Obama qualifiant "l'Etat islamique" de "cancer" et enjoignant l’ensemble de la communauté internationale à travailler ensemble à lutter contre l'Etat islamique pour "extraire ce cancer afin qu'il ne se répande pas", le jour suivant le ministre américain de la Défense, Chuck Hagel, se faisait plus précis dans ses mises en garde. Selon lui, "l'Etat islamique" incarne une menace au long terme "qui va au-delà de tout ce que nous avons déjà connu", al-Qaida compris."Il allie idéologie et sophistication de son savoir-faire militaire, tactique et stratégique", tout en étant "extrêmement bien financé". "Nous devons donc nous attendre à tout et nous tenir prêts", avait encore insisté Chuck Hagel, dans des termes rarement employés pour désigner cette nouvelle menace djihadiste. Les Etats-Unis "doivent être lucides [une lucidité qui avait peut-être fait défaut jusque-là] quant aux défis qui l'attendent", avait souligné le ministre de la Défense. Si "l'Etat islamique" parvenait à s'étendre dans la région et à installer durablement son califat, avait pour sa part estimé le chef d’Etat-Major interarmes américain, le général Martin Dempsey, "le Moyen-Orient s'en retrouverait profondément changé et cela créerait un environnement sécuritaire qui nous menacerait de très nombreuses façons". En ajoutant : "Les militants de "l'Etat islamique" venus d'Occident pourraient également représenter un danger s'ils rentrent en Europe ou aux États-Unis".

C’est dans ce contexte d’inquiétude accrue que peut être appréhendée la tribune publiée quelques jours plus tôt par le Premier Ministre David Cameron dans le Sunday Telegraph. Il estime que l'Occident fait désormais face à une "lutte générationnelle" avec notamment le phénomène des returnees ("ceux qui reviennent") selon la terminologie anglo-saxonne qui constituent le cauchemar des services de renseignements: "Si nous n'agissons pas pour endiguer l'assaut de ce mouvement terroriste extrêmement dangereux, il va continuer de se renforcer jusqu'à ce qu'il puisse nous cibler dans les rues du Royaume-Uni"[13].

Alors qu’en est-il pour la France, sachant que notre pays est celui qui compte le plus fort contingent d’impétrants djihadistes de l’ordre d’un millier ? Comme le soulignait récemment le patron de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), Loïc Garnier dans un entretien accordé au journal Le Figaro : "Nous savons que certains jeunes individus, des djihadistes européens parmi lesquels figurent des Français, sont pris en charge par des cadres d'al-Qaida qui les entraînent dans le but de mener des attentats en Europe. Sélectionnés sur des critères notamment linguistiques, sur leurs capacités à se fondre parmi la population occidentale et à frapper le moment venu avec toute la détermination nécessaire, ils apprennent les techniques de fabrication de bombes artisanales, l'art de la dissimulation et tout le sang-froid voulu pour commettre un attentat suicide. Ayant fait l'objet d'un "lavage" de cerveau, ils ne sont plus dans un combat contre Bachar le dictateur mais aux sources de la dialectique d'al-Qaida qui dit: « Là où tu es, frappe le mécréant, frappe l'apostat. Nous sommes face à une menace protéiforme, à un phénomène que l'on n’a jamais connu. C'est aujourd'hui notre plus grande inquiétude"[14].

Certains éléments d’informations font état aujourd’hui de l’existence d’un camp d’entraînement de "l'Etat islamique" - qui n’entend sans doute pas le champ libre à sa concurrente djihadiste -, dans la province orientale de Deir Ezzor ou dans les environs de Raqqa qui constitue son fief (centre de la Syrie), pour préparer spécifiquement des profils de djihadistes dûment sélectionnés afin d’être "occidentalo-compatibles", en étant notamment détenteurs de passeports européens, et ce, dans la perspective d’un retour prochain en Europe et de la constitution de "cellules-dormantes" en vue de perpétrer, le moment venu, d’éventuels attentats terroristes.

Lors du Grand Oral RTBF-Le Soir, en date du 14 juin 2014, le coordinateur européen de la lutte contre le terrorisme, le Belge Gilles de Kerchove, avait repris les chiffres d’une étude du chercheur norvégien Thomas Hegghammer[15] qui estime à "un sur neuf" (soit 11%) des quelques 2000 Européens partis faire le djihad en Syrie et/ou en Irak aient commis ou aient tenté de commettre un attentat terroriste. En clair, plus de 200 djihadistes d’origine européenne seraient d’ores et déjà des "terroristes potentiels". Il y a donc une véritable prise de conscience collective d’une urgence sécuritaire au sein de l’Union européenne. On peut relever que la demande américaine répétée de mise en place du système PNR (Passenger Name Record) permettant de créer un fichier européen de données personnelles des passagers des compagnies aériennes, qui avait été rejetée en avril 2014 par le Parlement européen, a fait depuis l’attentat perpétré le 24 mai 2014 par Mehdi Nemmouche contre le musée juif de Bruxelles, l’objet d’un discret consensus tant il peut apparaître "liberticide", à défaut d’une unanimité, de l’ensemble des pays de l’Union européenne, et notamment de la France.

A cet égard, justement la France, comme d’autres pays européens mais peut-être encore plus que d’autres, se trouve durablement confrontée à la gestion du retour de djihadistes dont il est difficile d'évaluer la dangerosité et dont la surveillance 24 heures sur 24 d'un seul individu suspecté de basculer dans le passage à l’acte est complexe. Toujours est-il que selon le journaliste-enquêteur David Thomson, auteur du livre Les Français jihadistes : "Ceux qui reviennent se répartissent en deux catégories. Il y a les dégoûtés du combat inter-djihadistes et ceux qui veulent mener des opérations sur le sol français". Ces derniers sont [principalement, NDA] issus des rangs de l'EIIL [devenu "Etat islamique"][16]  CQFD.

Propos recueillis par Clémence de Ligny



[1] C’est nouvelle dénomination de ce qui se faisait appeler jusque-là depuis le 9 avril 2013 l'« Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ou encore ad-dawla al-islāmiyya fi-l-ʿirāq wa-š-šām (DAESH) en arabe, lequel avait lui-même remplacé l’« Etat islamique en Irak (EII) initialement établi le 13 octobre 2006 sur les ruines d’Al-Qaïda en Irak (AQI) après la mort d’Abou Moussa Al-Zarqawi en juin 2006.

[2]Ce triple attentat perpétré le 12 octobre 2002 avait tué 202 personnes et fait 209 blessés.

[3] Cf. Entretien avec Alain Roder, « Pouquoi les califoutraques islamiques auraient mieux fait d'écouter Ben Laden », on Atlantico.fr, août 2014 (http://www.atlantico.fr/decryptage/pourquoi-califoutraques-islamiques-auraient-mieux-fait-ecouter-ben-laden-alain-rodier-1706330.html).

[4] Cf. Graphic « Revealed : The Islamic State 'Cabinet', from Finance Minister to Suicide Bomb Deployer  (http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/middleeast/iraq/10956193/Revealed-the-Islamic-State-cabinet-from-finance-minister-to-suicide-bomb-deployer.html), in Ruth Sherlock, « Inside the Leadership of Islamic State : how the New 'Caliphate' is run », on The Telegraph.co.uk, 9 juillet 2014 (http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/middleeast/iraq/10956280/Inside-the-leadership-of-Islamic-State-how-the-new-caliphate-is-run.html).

[5] Selon une étude de The Soufan Group, (TSG), un cabinet d'intelligence et de sécurité travaillant pour différents gouvernements. Cf. Richard Barrett Senior, Foreign Fighters in Syria, The Soufan Group, on The Soufan Group, juin 2014, 33 pages (http://soufangroup.com/wp-content/uploads/2014/06/TSG-Foreign-Fighters-in-Syria.pdf). Cf. également Joseph A. Carter, Shiraz Maher, Peter R. Neumann, Greenbirds : Measuring Importance and Influence in Syrian Foreign Fighter Networks, on ICSR (The International Center for the Study of Radicalization and Political Violence), avril 2014, 36 pages (http://icsr.info/wp-content/uploads/2014/04/ICSR-Report-Greenbirds-Measuring-Importance-and-Infleunce-in-Syrian-Foreign-Fighter-Networks.pdf).

[6] Cf. Pascal Ceaux et Eric Pelletier, « Ces djihadistes qui menacent la France », on L'Express.fr, 19 juin 2014 (http://www.lexpress.fr/actualite/societe/video-terrorisme-ces-djihadistes-qui-menacent-la-france_1551960.html).

[7] Cf. David Thomson, Les Français djihadistes, Paris, Editions Les Arènes, 2014.

[8] Cf. « A Saudi Plan for a New Sunni State Straddling Euphrates River », on Debkafile, Exclusive Report, 5 août 2011 (http://www.debka.com/article/21177/A-Saudi-Plan-for-a-New-Sunni-State-Straddling-Euphrates-River).

[9] Cf. Interview d’Hoshyar Zebari, on Euronews, 15 août 2014 (http://www.euronews.com/2014/08/15/iraq-s-foreign-minister-warns-islamic-state-out-of-control/).

[10] Cf. Ryan Crocker, « It’s not too late to reengage with Iraq », in The Washington Post, 19 juin 2014 (http://www.washingtonpost.com/opinions/its-not-too-late-to-reengage-with-iraq/2014/06/19/d2a437d6-f644-11e3-a3a5-42be35962a52_story.html).

[11] Cf. Michel Colomès, « Irak : Al-Baghdadi menace l'Amérique », on Le Point.fr, 18 juin 2014 (http://www.lepoint.fr/monde/irak-al-baghdadi-menace-l-amerique-18-06-2014-1837377_24.php).

[12] Cf. Interview de Brett Mc Gurck, vice-secrétaire d’Etat américain pour l’Iran et l’Irak, on The Charlie Rose Show, 14 août 2014 (https://archive.org/details/BLOOMBERG_20140815_000000_Charlie_Rose).

[13] Cf. David Cameron, « Our generational struggle against a poisonous ideology », (http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/middleeast/iraq/11039214/Our-generational-struggle-against-a-poisonous-ideology.html).

[14] Cf. Entretien avec Loïc Garnier, patron de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), in Le Figaro, 11 juin 2014 (http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2014/06/11/01016-20140611ARTFIG00026-loic-garnier-al-qaida-entraine-des-francais-pour-frapper-l-europe.php).

[15] Cf. Thomas Hegghammer, « Number of foreign fighters from Europe in Syria is historically unprecedented. Who should be worried ? », on The Washington Post 27 novembre 2013 (http://www.washingtonpost.com/blogs/monkey-cage/wp/2013/11/27/number-of-foreign-fighters-from-europe-in-syria-is-historically-unprecedented-who-should-be-worried/).

[16] Cf. Pascal Ceaux et Eric Pelletier, « Ces djihadistes qui menacent la France », on L'Express.fr, 19 juin 2014 (http://www.lexpress.fr/actualite/societe/video-terrorisme-ces-djihadistes-qui-menacent-la-france_1551960.html).

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !