5 graphiques à l’intention de ceux qui pensent que la déflation ne serait qu’un prétexte sans fondement de François Hollande pour échapper aux réformes <!-- --> | Atlantico.fr
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Les effets de la déflation sont déjà bien installés au sein de l'économie française.
Les effets de la déflation sont déjà bien installés au sein de l'économie française.
©Reuters

Vrai-semblant

François Hollande semble se réfugier derrière la menace déflationniste pour masquer son manque de résultats. Mais la dénonciation de "l’habilité" politique du président ne peut être un prétexte pour se voiler la face, car les effets de la déflation sont déjà bien installés au sein de l'économie française. Conséquence à la fois d'une demande trop faible et d'une politique monétaire inappropriée.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le lundi 4 août dernier, François Hollande répondait aux questions du quotidien Le Monde. A cette occasion, le Président évoquait "le risque de déflation" qui pèse sur l’Europe. Rapidement, de nombreux commentaires ont réfuté cette approche, accusant François Hollande de prendre un nouveau prétexte pour cacher l’inexistence de ces résultats. Dans un "Tweet" du 6 mai dernier, Arnaud Le Parmentier du même journal Le Monde déclarait : "La déflation, nouveau grigri pour excuser le déclin français".

Si la tactique présidentielle ne fait que peu de doutes, cela ne suffit pas à écarter d’un revers de la main ce qui est en train de se produire en Europe et en France. Il n’est tout simplement pas raisonnable d’ignorer l’actuelle spirale déflationniste qui s’est, en réalité, emparée de l’Europe depuis déjà un long moment. Si les problématiques de l’offre sont réelles et bien connues en France, cela n’est pas une raison suffisante pour détourner le regard face à cette nouvelle menace. 

La déflation, c’est quoi ?

La première chose est de savoir de quoi on parle. L’inflation approche bien le niveau 0, mais comme le montre le graphique ci-dessous, ce phénomène n’est pas une première. La France a pu connaitre des épisodes similaires en 1999 mais aussi en 2009.

Inflation sur une base annuelle. France. 1991-2014

A priori, pas de quoi s’alarmer. Bien heureusement, il est possible de s’appuyer sur des données moins sujettes à des variations erratiques, notamment en excluant le prix du pétrole. Car le prix du pétrole a bien plus à voir avec d’éventuels conflits au moyen orient ou à la découverte de nouvelles réserves dans le Dakota du Nord qu’avec l’état de l’économie française. Pour pallier à cela, L’Insee publie un indice d’inflation sous-jacente, qui consiste à extraire les chiffres les plus volatils de l’ensemble et qui permettent de se faire une idée bien plus précise du contexte économique. L’Insee la définit ainsi : "L’indice d’inflation sous-jacente est un indice désaisonnalisé qui permet de dégager une tendance de fond de l’évolution des prix. Il traduit l'évolution profonde des coûts de production et la confrontation de l'offre et de la demande".

Inflation sous-jacente. Annuel. France. 1991-2014

Et là, on peut voir quelque chose de nouveau. Jamais depuis les années 30, le niveau d’inflation sous-jacente n’a été aussi faible. Ainsi, et comme le dit l’INSEE cet indice traduit "la confrontation de l'offre et de la demande". Plus la demande est forte par rapport à l’offre plus l’indice monte. Inversement, plus la demande est faible par rapport à l’offre plus l’inflation sous-jacente se tasse. En d’autres termes, la déflation est le résultat d’une trop faible demande par rapport à l’offre.

Pourtant la déflation en tant que baisse générale des prix pourrait très bien être perçue comme une bonne nouvelle. Les prix qui baissent, c’est bien. Mais le problème est que les causes qui provoquent la déflation sont celles qui sont en train de faire exploser l’économie du pays.

La cause de la déflation : une demande trop faible

Depuis 2008, les entreprises françaises ont un sérieux problème. Elles ne vendent plus leurs produits ou leurs services dans des quantités suffisantes pour atteindre une rentabilité acceptable. Toujours depuis 2008, ces entreprises sont alors entrées dans un processus long de réduction des coûts. Licenciements, abandon progressif de certaines chaînes de production, cure d’austérité sur les dépenses, sur les investissements etc…l’objectif avoué est d’ajuster la quantité de production à un niveau de demande fébrile. Les carnets de commande se vident. Le résultat est, comme cela est visible dans le graphique suivant, que le taux d’utilisation des capacités de production industrielles du pays est largement inférieur à sa moyenne longue depuis déjà 6 ans.

Taux d’utilisation des capacités de production industrielle. En %. Et moyenne (pointillés)

Evidemment, quand on produit moins cela a des conséquences. Le chômage d’abord, qui n’est rien d‘autre que l’addition des postes de travail détruits et de ceux qui n’ont pas été créés. Le graphique ci-dessous retrace l’évolution du nombre d’emplois salariés en France au cours des dernières années.

Nombre d’emplois salariés. En Milliers. France. Et tendance pré-crise (pointillés)

Si la France avait continué à créer autant d’emplois qu’elle le faisait avant la crise, elle compterait 2 millions de salariés de plus qu’aujourd’hui. En totalisant les variations de l’emploi salarié (graphique ci-dessous), il est possible de constater que le pays a détruit 363 000 emplois au cours des 5 dernières années. (2008-2012). Reste à intégrer les nouveaux arrivants sur le marché du travail dans les chiffres du pôle emploi.

Evolution du nombre d’emplois salariés. En milliers. France / 5 ans glissants.

Toutes ces personnes laissées de côté peuvent être considérées comme le potentiel de travail inexploité dans le pays. "Une capacité de production" abandonnée.

Puis, à force de ne pas utiliser une part des capacités de production disponibles, ces dernières "s’effacent" peu à peu. Une destruction qui atteint 5% des capacités du pays, selon Natixis, entre 2008 et 2013. L’appareil productif français se désagrège au fur et à mesure des années. Dans la pratique, la situation du constructeur automobile Peugeot rapportée ici dans le journal L’expansion en novembre 2013 vient parfaitement illustrer le propos :

"PSA Peugeot Citroën envisage de mettre en sommeil une partie des capacités de production de ses usines de Mulhouse (Haut-Rhin) et Poissy (Yvelines). Le constructeur souhaite ainsi rétablir la rentabilité de son activité en Europe, face à un marché automobile en berne. http://imageceu1.247realmedia.com/0/default/empty.gif"En deçà de 250.000 unités sur un site, la question de l'optimisation des flux de production se pose", a expliqué un porte-parole du constructeur."


Pourtant, et malgré tous ces efforts, force est de constater que l’activité ne reprend pas. Les ajustements sont lents, lourds et destructeurs mais ne permettent pas un retour de la croissance. Reste alors une autre possibilité pour que les entreprises retrouvent leurs clients : baisser les prix. La déflation. Ainsi, ce phénomène n’est pas une bonne nouvelle car si les prix baissent, c’est parce que des emplois sont détruits, que le pouvoir d’achat se contracte et que l’économie dans son ensemble est dans un processus de voie d’amaigrissement. Contrairement à une idée assez répandue, il n’y a rien de bon dans ce phénomène.

La cerise sur le gâteau est bien entendue les conséquences d’un phénomène de baisse des prix sur la dette. Car lorsque les prix baissent, cela signifie que l’argent de demain a plus de valeur que celui d’aujourd’hui, c’est-à-dire que la dette prend de la valeur avec le temps. Les remboursements deviennent de plus en plus lourds à porter. Dans de telles circonstances, s’endetter pour investir devient extrêmement périlleux. Toute prise de risque est à bannir

Reste à se poser la question de la cause. Comment, et pourquoi, la demande s’est-elle contractée depuis 2008, entrainant ainsi ce phénomène de baisse tendancielle des prix qui atteint aujourd’hui son point culminant avec l’arrivée de la déflation ?

Et pourquoi la demande s’est-elle effondrée ? "un phénomène monétaire"…

Selon la célèbre formule de Milton Friedman "l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire". Mais c’est le reste de la phrase qui apporte la solution :

 "L’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire en ce sens qu’elle est et qu’elle ne peut être générée que par une augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production"

De la même manière que l’inflation est le phénomène monétaire découlant d’une augmentation plus rapide de la quantité de monnaie que des capacités de production, la déflation est le phénomène monétaire qui est la conséquence d’une évolution moins rapide de la quantité de monnaie que des capacités de production.

Et dans ce cas, ce sont les capacités de production qui doivent s’adapter à la quantité de monnaie. Les prix doivent baisser. L’économie du pays se trouve contrainte de s’ajuster aux conditions monétaires. Et pour la France, pour l’Europe, cela signifie licencier, réduire ses capacités pour parvenir à ce nouvel équilibre. Et qui contrôle la "quantité de monnaie" en Europe ? La Banque centrale européenne.

L’arrivée de la déflation ne fait que renforcer, encore une fois, la nature monétaire de la crise qui traverse l’Europe depuis 2008. Les opposants d’une telle vision, toujours prêts à citer la phrase de Friedman pour justifier la lutte contre l’inflation, feraient bien de la lire jusqu’au bout. Cela permettrait d’y voir un peu plus clair sur ce qui est en cours aujourd’hui. 

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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