Échauffourées antisémites : combien sont-ils en France à pouvoir crier "mort aux juifs" ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La manifestation de soutien aux Palestiniens organisée à Paris dimanche 13 juillet a tourné en mouvement de haine antisémite.
La manifestation de soutien aux Palestiniens organisée à Paris dimanche 13 juillet a tourné en mouvement de haine antisémite.
©Reuters

Résurgence

La manifestation de soutien aux Palestiniens du 13 juillet a connu des débordements, certains participants se livrant à des dégradations et proférant des slogans antisémites. Une nouvelle sociologie de l'antisémitisme se forme, nourrie par la situation au Proche-Orient.

Samuel  Ghiles-Meilhac

Samuel Ghiles-Meilhac

Samuel Ghiles-Meilhac est un historien et sociologue spécialiste du Proche-Orient et de la communauté juive française. 

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Guylain Chevrier

Guylain Chevrier

Guylain Chevrier est docteur en histoire, enseignant, formateur et consultant. Ancien membre du groupe de réflexion sur la laïcité auprès du Haut conseil à l’intégration. Dernier ouvrage : Laïcité, émancipation et travail social, L’Harmattan, sous la direction de Guylain Chevrier, juillet 2017, 270 pages.  

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Atlantico : La manifestation de soutien aux Palestiniens organisée à Paris dimanche 13 juillet a tourné en mouvement de haine antisémite, aux cris notamment de "mort aux juifs". Interrogé sur le sujet, le président de la République a sobrement commenté : "Le conflit israélo-palestinien ne peut pas s'importer. Il ne peut pas y avoir d'intrusion dans les lieux de culte. Il n'y aura aucune indulgence pour cela." Ce commentaire est-il à la hauteur du phénomène ? Quels risques prend-on à ne pas condamner plus directement ce type de débordements ?

Guylain Chevrier : La manifestation pro-palestinienne de dimanche à Paris, à travers ses mots d’ordre et les heurts auxquels elle a donné lieu, a confirmé la tendance de la montée d’un antisémitisme ouvertement déclaré et même militant, prêt à s’attaquer directement à des lieux de culte juifs. Ce sont deux synagogues qui ont  été prises pour cible en fin de manifestation. On a évité de peu le pire grâce à l’intervention de la police. Mais qu’en sera-t-il la prochaine fois ?

On s’est étonné du côté de l’Elysée du fait que, si les premiers slogans visaient Israël et une supposée complicité de la France, très vite ceux-ci ont été remplacés par "mort aux juifs" mais aussi, et cela n’a pas été assez souligné, des "Allah Akbar" (Dieu est grand) donnant une tonalité religieuse au cortège. On pouvait aussi y voir de nombreuses femmes voilées. L’identification du combat en faveur de la Palestine se faisait naturellement avec le Hamas, organisation islamiste qui se revendique du terrorisme et de la suppression de l’Etat d’Israël.

L’inquiétude devrait encore gagner un peu plus les représentants de l’Etat lorsqu’on sait qu’en fin de manifestation des jeunes de banlieue faisaient des "quenelles" en référence à Dieudonné et des saluts nazis à qui mieux-mieux.

Il est certain que l’on mesure mal ce qui est en train de s’opérer à travers cet antisémitisme débridé auquel on assiste dans des manifestations autorisées. On avait déjà vu cela avec la manifestation du "Jour de colère" en janvier dernier, et cela continue de plus belle. 

Samuel Ghiles-Meilhac : Je pense que le président de la République se dit qu'il faut envoyer un message ferme sans pour autant donner trop d'importance à ce genre d'actes afin de na pas faire des émules. Par ailleurs, cette parole publique est délicate car il ne faut pas amalgamer tous les manifestants aux violences qui ont eu lieu à la fin.

Le terme d'"importation", beaucoup utilisé par les hommes politiques qu'ils soient de gauche ou de droite, est impropre. Des Français s'approprient le conflit et ce n'est pas automatiquement un problème. Le souci est le passage à l'acte car des manifestants n'étaient pas là pour exprimer une opinion politique mais plutôt leur haine contre les juifs.

Les hommes politiques marchent sur des œufs parce que tous les manifestants ne sont bien évidemment pas des antisémites en puissance. Et il s'agit là d'un jeu délicat : rassurer la communauté juive quant au fait que leur sécurité est assurée sans pour autant entretenir de climat de psychose.

Les comportements tels que ceux qui se sont manifestés devant la synagogue de la rue de la Roquette sont-ils en progression au sein de la société française ? Quelle est la sociologie des groupes qui en sont les auteurs ? Comment a-t-elle changé au cours du temps ?

Guylain Chevrier :Il y a une radicalisation politique chez ceux qui défendaient déjà la cause palestinienne qui est à la hauteur des confusions autour de ce mélange des genres. Il n’y a souvent plus même de débat possible sur ce conflit avec ceux de ce parti pris : on est contre Israël ou on est dans le camp de ceux qui bombardent les civils palestiniens ! On sait quel marqueur de la gauche peut être historiquement le conflit israélo-palestinien et la très haute sensibilité qui y est attachée.

D’autre part, il est certain qu’il existe toujours un fond d’antisémitisme lié à un courant de l’extrême droite française qui a ses racines, et ne se dément pas dans les grands rendez-vous historiques.

C’est le commencement d’un nouveau phénomène, à travers cette convergence propre à une radicalisation, qui confine aux extrêmes. C'est le signe d'unemèche allumée, de lendemains qui pourraient bien déchanter pour la démocratie que l’on croit à tort à l’abri.  

Samuel Ghiles-Meilhac : Depuis le début des années 2000, on constate une augmentation des actes hostiles à l'égard de la communauté juive. Dans les années 1980/1990, l'antisémitisme émanait essentiellement de l'extrême droite. Aujourd'hui, il peut être issu de la délinquance, de l'islam radical, des fans de Dieudonné, etc. Ces violences sont assez différentes et les Merah et les Dieudonné ne font pas partie d'une même structure, nous sommes face à des violences multiformes qui ne sont pas organisées. Si une partie de l'antisémitisme émane d'individus issus de minorités qui ont-elles aussi du mal à trouver leur place en France, cela ne signifie pas que l'ensemble de ces minorités sont antisémites. Ce n'est pas parce que des Maghrébins sont à l'origine d'actes antisémites que la majorité des Maghrébins sont antisémites. C'est ce qu'observe la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), qui rend chaque année un rapport sur le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.

Dans les années 1990, on recensait une centaine d'actes alors que depuis la fin des années 2000, on en dénombre plusieurs centaines par an. Néanmoins, les actes recensés sont très différents, un graffiti sur un bus, cela n'est pas la même chose qu'un cocktail Molotov contre une synagogue. Par ailleurs, les Juifs ne subissent aucune exclusion sociale. C'est là que la difficulté se trouve. Les juifs sont parfaitement intégrés mais ils sont victimes de violences spécifiques. Les Noirs et les arabes subissent quant à eux de nombreuses discriminations sociales mais le racisme a des manifestations différentes.

Existe-t-il un risque de voir le conflit israélo-palestinien dégénérer en France ? Une possibilité de réveiller des tensions communautaires ? 

Guylain Chevrier : Bien évidemment, oui ! Il est un fait que se multiplient les agressions de jeunes juifs. On a déjà oublié qu’il y a quelques semaines seulement, c’est un djihadiste français, Mehdi Nemmouche, qui après Merah s’en est pris mortellement à des personnes innocentes au Musée juif de Belgique et ce, pendant qu’en France deux jeunes juifs près d’une synagogue se faisaient rouer de coups parce qu’ils portaient la kippa. Il devient réellement difficile pour les familles et les jeunes juifs particulièrement, de se promener librement sans s’inquiéter d’une mauvaise rencontre, dans certains quartiers populaires de la capitale par exemple. Il y a longtemps que ce conflit s’est invité dans les cours d’école avec une tension qui n’a cessé d’augmenter.

On a vu se réaliser en quelques années un repli communautaire à travers la scolarisation massive d’enfants juifs dans les écoles juives, au regard d’un climat dans les écoles, particulièrement de banlieue, où il est devenu progressivement difficile et même dès la primaire, d’être identifié comme ayant des origines juives. Le conflit israélo-palestinien a créé une réaction d’anticipation sur des risques potentiels et l’exagération d’une certaine peur que les faits commencent malheureusement à rattraper. Une séparation qui n’est jamais une bonne chose et tend aussi à crisper les positions.

Samuel Ghiles-Meilhac : Ces tensions communautaires ne sont pas endormies et pour autant, on ne peut pas opposer un bloc juif à un bloc musulman. Il y a une inquiétude forte dans la communauté juive concernant l'antisémitisme. Et sur les réseaux sociaux, on observe dans les médias communautaires musulmans un sentiment d'injustice quant à ce qu'on leur demande en termes de laïcité et de sentiment d'appartenance, comme on a pu le voir récemment à propos de l'Algérie. Un certain nombre de musulmans a l'impression que les juifs bénéficient d'une plus grande tolérance. Le diner du CRIF est souvent mal perçu dans la communauté musulmane, cela se voit sur les réseaux sociaux.

La France fait-elle part d'aveuglement sur ce sujet ? Pour quelles raisons ?

Guylain Chevrier : On prend mal la mesure de ce qui s’opère en France, comme ailleurs, derrière la défense de la cause palestinienne aujourd’hui et la caractérisation religieuse de celle-ci. Il en va de la place de l’islam dans notre pays et de la conscience de ses enjeux, sans se voiler la face sur les difficultés auxquels nous nous affrontons. C’est particulièrement vrai  dans le domaine de l’intégration, face à la résistance que constitue dans ce domaine un phénomène de repli communautaire à caractère religieux qui touche une partie croissante des nos concitoyens musulmans. Il faudrait y prêter toute l’attention sans angélisme, un phénomène qui touche particulièrement nos banlieues dont les manifestants de dimanche dernier sont largement issus.

Ce regain de religieux sous une forme de repli communautaire qui tend vers le communautarisme rejoint un phénomène bien plus large, sans chercher le raccourci, qui déborde les contours de notre pays et demande une approche plus globale, qui aujourd’hui échappe. Nous sommes dans une période particulière et même cruciale au regard de la place que prend le religieux dans les conflits politiques dans le monde. Alors que la question palestinienne a longtemps été politique, elle a pris depuis ces dernières années une dominante religieuse incontestable et problématique.

Avec le Hamas à la tête de la cause palestinienne, qui a pour alliés entre autres extrémistes les djihadistes, on a affaire à une organisation qui porte le projet d’un Etat palestinien fondée sur les textes religieux, c’est-à-dire une République islamique et la suppression de l’Etat d’Israël. Cette situation génère côté palestinien, la radicalisation du combat contre Israël sur motif religieux et du côté d’Israël, l’impossibilité de laisser se développer à ses frontières un Etat qui se constituerait sur ce fond religieux, tournant le dos à la démocratie et représentant ainsi une menace permanente, comme ennemi déclaré des juifs.

On entend toujours les médias insister dans le sens de la disproportion de moyens entre l’Etat d’Israël et les Palestiniens comme si cela constituait le fondement sur lequel définir les bons et les méchants, ce qui est absurde. Le problème est ailleurs. Sans que se dessine une volonté internationale d’isoler le Hamas, organisation islamiste, il n’y aura pas de solution au conflit israélo-palestinien. Qu’il puisse y avoir intervention de l’ONU, comme  certains le demande en pensant y voir une solution, ce qui n’est pas à écarter, ne règlera pas pour autant ainsi l’essentiel.

Tant que le règlement de la question palestinienne sera religieux et non politique, il  n’y aura pas de solution à la situation actuelle et les risques d’un embrasement demeureront et s’aiguiseront. En France, par voie de conséquence, le risque demeurera que se développe au sein du mouvement pro-palestinien l’identification de cette cause avec un antisémitisme virulent et difficile à contenir. Le phénomène de communautarisation que nous connaissons sur un fondement identitaire à caractère religieux n’est pas un facteur de frein à ce phénomène, il ne peut jouer que dans le mauvais sens, ce qu’il serait vain d’ignorer. Il revient à l’Etat d’en prendre la juste mesure et d’agir en conséquence.

Samuel Ghilles-Meilhac : Je pense que la France a du mal à trouver une façon de fonctionner sur ces questions. Et ce, car le pays reste sur un discours sincère mais qui apparait comme hypocrite, selon lequel a France ne reconnaît aucune communauté. Pourtant, les pouvoirs publics rencontrent régulièrement des responsables communautaires d'associations arméniennes, juives, noires, etc. 

Quelle responsabilité les représentants communautaires et religieux portent-ils également dans la permanence des manifestations antisémites ?

Guylain Chevrier : Ce mouvement de repli communautaire que j'ai évoqué, qui se manifeste par le refus du mélange au-delà de la communauté de croyance, se donne à voir à travers la multiplication des signes religieux ostensibles, avec le voile ou les tuniques longues, qui sont là pour marquer ce nouveau territoire symbolique où l’on entend faire sécession.

Les autorités religieuses de l’islam dans notre pays, dont le Conseil français du culte musulman, ne lancent pas de mise en garde à la mesure de ce qui se passe de ce côté. Pourtant, on sait que les séparations sur fond religieux tendent à créer les conditions de reproduire des conflits que ce type de division met ailleurs en scène pour les rejouer.

A la marge de ce phénomène, on sait que le djihadisme puise ses motivations dans des conflits internationaux où se trouvent engagé l’islam comme système entendant se substituer aux institutions politiques, comme le veut le Hamas. Ce qui doit aussi amener à s’interroger sur cette situation et ses recoupements, alors que l’on compte aujourd’hui plus de 750 djihadistes français.  

L’appel à considérer la laïcité comme principe commun de notre République, qui porte l’intérêt général, le politique, au-dessus des différences y compris des religions, devrait être bien plus montré en exemple. C’est sur le fondement d’être reconnus comme des égaux que l’on peut se mélanger. C’est en considérant d’abord l’individu comme dépositaire des mêmes droits et libertés que l’on favorise l’ouverture communautaire et le mélange des populations, ce qui devient de plus en plus difficile concernant les musulmans qui choisissent le repli communautaire. Chose qui ne peut laisser indifférentes les autorités religieuses car elles ont une responsabilité pour prévenir les risques de dérapage que cette communautarisation comprend, y compris en matière d’antisémitisme, dans un contexte où la cause palestinienne est emblématique pour les musulmans, sachant le rôle qu’y joue le Hamas comme organisation politico-religieuse.

Malheureusement, les autorités juives devraient aussi mettre un bémol à un discours qui défend, sans parfois le discernement nécessaire, toutes les religions mises sur un même plan, croyant par là se prémunir contre le risque de l’antisémitisme. Les choses là aussi ont changé, cela ne marche plus, et ne pas poser au grand jour certains problèmes dans le cadre d’un débat public démocratique qui ramènerait du sens commun, devient suicidaire. Il en va du débat propre à une radicalisation d’une partie de l’islam alliée à une partie de la gauche de la gauche où se joue une banalisation de l’antisémitisme et ce, sous le signe d’un pouvoir politique qui réagit mollement et préfère temporiser, sans compter avec des médias gagnés pour une large part à un discours caricatural sur Israël qui encourage le tout. 

Des vidéos diffusées sur Youtube montrent l'implication de la Ligue de défense juive dans les heurts du dimanche 13 juillet. Que sait-on des agissements de ce groupe et des conséquences que ces actions peuvent avoir dans la crispation des tensions ?

Samuel Ghilles-Meilhac: Je n'utiliserai pas le terme "responsabilité". Ils ne sont pas responsables des violences mais il y a souvent une confusion dans le discours des institutions juives à vouloir mélanger la défense des positions israéliennes et la lutte contre l'antisémitisme.

Un sondage Ifop de 2013 dévoilait que les Français se déclarant opposés à l'attitude d'Israël étaient davantage proches du Parti socialiste. A quelles valeurs, véhiculées traditionnellement par la gauche, cette opinion se rattache-t-elle ? 

Guylain Chevrier : Il faut constater une évolution dangereuse d’un antisémitisme qui, tout d’abord rampant, vient à s’exprimer ouvertement. Il se trouve que chez certains militants de la gauche radicale, il y a un soutien inconditionnel au Hamas, confondant une juste cause qui est celle d’un Etat palestinien libre et maître de son destin, avec le projet de cette organisation qui est tout le contraire. Les militants issus de cette frange politique, à travers leur combat en faveur des populations immigrées ou de la lutte contre les discriminations dont peuvent parfois souffrir leurs enfants, réclament justice au nom de l’égalité et de la liberté, prenant à témoin notre société démocratique. Mais là, curieusement, à propos du conflit israélo-palestinien, toutes ces références si importantes volent en éclats en laissant uniquement place à un rejet d’Israël qui justifie tous les excès. Il y a à remettre de la cohérence à gauche entre un projet humaniste fondé sur des valeurs de liberté et une solidarité internationale qui oublie ses fondamentaux dans ce domaine. Voilà l’une des parades au risque de développement de l’antisémitisme en France. 

Samuel Ghilles-MeilhacIl me semble qu'il y des gens qui portent des critiques sur Israël que ce soit à gauche ou à droite. Jacques Chirac était perçu comme un opposant à la politique de l'Etat d'Israël. Et les personnes en faveur de la création d'un Etat palestien ne sont pas porteuses de haine. François hollande est néanmoins relativement clément vis-à-vis de la politique d'Israël. Mais l'inverse n'empêcherait pas automatiquement les actes antisémites. 

Mis à part SOS Racisme, aucun des antiracistes habituellement très réactifs sur ce genre d'incidents n'a jugé nécessaire de réagir aux dérapages survenus dimanche 13 juillet entre Barbès et la place de la Bastille. A quel point ce phénomène est-il révélateur d'une attitude qui tend à minimiser les actes antisémites en France ?

Guylain Chevrier : Comme je viens de le décrire, le glissement vers l’oubli de valeurs humanistes attachées au combat antiraciste lorsqu’il s’agit du conflit israélo-palestinien, montre qu’il y a un sérieux problème. Il est certain qu’un climat de banalisation de l’antisémitisme est en marche sous ce glissement dont il ne faut pas sous-estimer les risques, que toute une série de faits attestent, dont l’absence de réaction de certaines organisations de lutte contre le racisme fait partie. 

Ces organisations qui représentent un rempart contre toutes les formes de discriminations et de rejet de l’autre en raison d’une origine, d’une couleur ou d’une religion, sont la manifestation de notre démocratie et des étais sur lesquels elle s’appuie. Ayons conscience que, leur mise en retrait au regard de la lutte contre l’antisémitisme constituerait un grave danger non seulement pour les israélites, mais pour les valeurs même de notre République autour desquelles se réalise notre cohésion sociale. L’idée de faire une seule nation et un seul peuple est encore sans aucun doute la meilleure des défenses contre le risque de l’antisémitisme et toute forme de racisme.

Existe-t-il des formes d'antisémitisme latent sur lesquels on ferme également les yeux ?

Guy Chevrier : Effectivement, il y a dans cette façon dont trop de grands médias fabriquent en permanence des raccourcis sur ce conflit, un potentiel d’antisémitisme qui est loin d’être épuisé. On croit pouvoir démontrer à travers les morts civils palestiniens, mis en exergue en ce moment même dans l’actualité brutale de ces derniers jours, l’objectivité du fait qu’Israël bombarderait délibérément pour tuer, y compris des enfants. C’est dans l’oubli de la cause que l’antisémitisme prend racine, car c’est bien le Hamas qui a refusé ici le cessez-le-feu proposé en début de semaine par l’Egypte, qu’avait bien commencé à respecter Israël.

L’organisation islamique a continué délibérément ses tirs de missiles de longue portée ne suivant que son jusqu’auboutisme religieux, exposant ainsi des civils palestiniens comme pris en otage, à d’inévitables réactions de l’Etat juif. Un encouragement à un durcissement des positions d’Israël qui a aussi ses fervents religieux en embuscades qui jouent un rôle non négligeable dans les décisions du cabinet de Netanyahu. Mais où le Hamas emmène-t-il les Palestiniens ? Voilà la question qui devrait obséder les défenseurs de la cause palestinienne et les médias soucieux du sort réservé aux Palestiniens.

Il y a un autre angle sur lequel on laisse courir ce risque, à savoir, l’idée selon laquelle les juifs se réfugieraient derrière la tragédie de la shoah, derrière l’histoire, afin d’échapper à toute critique et ainsi, que le temps serait venus de passer outre en renvoyant la chose au passé, en la destituant de la hiérarchie de l’horreur où elle culmine. Mais ne serait-ce pas le risque d’un retour en grand de l’antisémitisme, ayant ainsi la voie libre en l’absence de ce rappel du "crime des crimes" que fut pourtant bien la shoah ? Cet événement des plus tragiques de l’histoire a révélé pour la première fois à l’humanité l’organisation systématique et industrielle, de la suppression de tout un peuple, en raison de sa simple appartenance de naissance. C’est ce qui en a fait un événement de portée universelle comme une mise en garde pour tous, qu’à ne plus distinguer comme telle, on laisse à nouveau éclore "l’œuf du serpent"(1).

1-     "Ecraser le serpent dans l'œuf ", comme le disait Bertolt Brecht, telle est bien la première des leçons qu'il nous appartient de tirer de l'Histoire.

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