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Le Califat islamique se serait emparé de 40 kg de matériau nucléaire en Irak : ce qu’il peut vraiment en faire
©Reuters

Le choc Izverynogood

L'Etat islamique se serait emparé de 40 kg de composants à base d'uranium dans un laboratoire de l'Université de Mossoul. C'est ce que viennent de révéler les autorités irakiennes dans une lettre alarmiste aux Nations unies. Pour autant, selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, il s'agirait de matériau de faible qualité.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Atlantico : Les autorités irakiennes ont informé les Nations unies par le biais d'une lettre que l'Etat islamique se serait emparé de 40 kg de composants à base d'uranium à l'Université de Mossoul. Selon l'Agence internationale de l'énergie atomique, il s'agirait de matériau de faible qualité. Quelles sont les intentions de l'Etat islamique concernant ce vol ? Que vont-ils faire de ce matériau nucléaire ? Existe-t-il un risque en Irak comme à l'étranger ?

Alain Rodier : Le régime en place à Bagdad se livre actuellement à une grande intoxication vis-à-vis de la communauté internationale. C’est pourquoi il faut prendre cette information avec beaucoup de circonspection. Par exemple, les autorités irakiennes ont accusé les Kurdes d’Irak d’abriter des combattants islamiques, ce qui est totalement faux. Concernant le domaine nucléaire, il s’agit bien de matériau à base d’uranium mais dont les sources radioactives sont de très faible intensité. Elles ont d’ailleurs été saisies dans les laboratoires de l’Université de Mossoul et auraient tout aussi bien pu être saisies dans des hôpitaux. Cela ne veut pas dire qu’il n’y aucun risque. Mais une chose est certaine, il est impossible de fabriquer une arme nucléaire à partir de ces composants. La seule chose possible est qu’ils en fassent des "bombes sales", c’est-à-dire des bombes composées initialement d’explosifs enrobées de matière radioactive qui lorsqu’elles explosent répandent dans l’atmosphère ces dites matières. Il y a donc une possibilité de contaminer légèrement l’environnement. Ceci étant dit, la dangerosité ne peut être prouvée tant que l’on n’en sait pas plus sur la qualité du matériel radioactif saisi. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter outre-mesure tout en restant vigilant.

De plus, l’Etat islamique à l’heure actuelle n’est pas dans une phase de déclencher des attentats à l’étranger. L’armée est au contraire dans une phase de consolidation de sa position en Irak et en Syrie. Il semble que son offensive est en partie bloquée puisqu’elle ne peut pas s’engager plus avant, mais elle peut tout à fait essayer de déclencher des actions terroristes contre son ennemi juré, à savoir les chiites, les traitres de l’Islam, l’ennemi immédiat. C’est précisément lors de ces actions terroristes qu’elle pourrait utiliser ces fameuses bombes sales. Je ne pense cependant pas que ce soit à l’ordre du jour : fabriquer des armes destructrices à partir de ces matières nucléaires est extrêmement difficile, d’autant plus que ce n’est pas sans risque pour les personnes qui les manipulent.

Dans sa lettre, l'ambassadeur irakien appelle pourtant la communauté internationale à "écarter la menace de l'utilisation des composants nucléaires par les terroristes en Irak et à l'étranger". Pourquoi l'Irak s'inquiète-t-elle alors ?

Cet appel rentre dans la politique d’intoxication du régime irakien qui a beaucoup à se faire pardonner, en particulier d’avoir laissé du terrain aux armées de l’Etat islamique sans véritablement combattre, notamment à Mossoul. Les chefs de la sécurité sur place ont d’ailleurs été limogés. Les autorités irakiennes essayent donc d’appeler au secours la communauté internationale et ça marche, étant donné que celle-ci se sent concernée par les combats. Elles profitent de cela et en rajoutent donc énormément. L’ambassadeur qui a écrit cette lettre suit d’ailleurs tout à fait les consignes données par le gouvernement Maliki.

Comment l'AIEA peut-elle être au fait de la dangerosité de ces composants à base d'uranium ?

L’Irak était inspecté depuis longtemps par les experts de l’AEIA, notamment à cause de supposées armes de destruction massive qu’on n’a jamais trouvé. Tout ce qui pouvait contenir du nucléaire a donc été contrôlé. Je n’ai pas sous la main les rapports des différentes inspections mais je pense qu’on peut totalement faire confiance aux experts.

La nouvelle du vol d'uranium survient quelques jours après la ratification de l'Irak à la convention de l'AEIA sur la protection physique des matières nucléaires. Les pays signataires s'engagent ainsi à chercher ensemble les matériaux volés et empêcher toute provocation induisant leur utilisation. Une grande partie du territoire irakien n'étant plus contrôlée par Bagdad, comment cette convention peut-elle être appliquée en Irak ? Quelles solutions existe-t-il pour retrouver les substances volées et annihiler toute intention négative de la part de l'Etat islamique ?

On ne peut rien faire tant que l’opposition, à savoir l’Etat islamique, tient le terrain et que les forces gouvernementales irakiennes n’auront pas pris le dessus – ce qui n’est pas demain la veille. On est en droit de s’inquiéter de tout ce qui a été saisi. Je pense notamment à une ancienne fabrique d’armes chimiques qui a été pillé, bien que selon les experts elles n’étaient plus en état de fonctionner et qu’il était impossible de tirer quoi que ce soit de ce qui a été volé. Mais je maintiens qu’il ne faut pas non plus s’alarmer étant donné qu’une fois de plus la capacité technique de fabriquer des armes hautement meurtrières à partir de ces matériaux est – je dirais – à 95 % impossible.

Propos recueillis par Clémence de Ligny

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