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Sexe et Charia : l'utilisation des accessoires sexuels est-elle permise ?
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Bonnes feuilles

À partir d'une enquête approfondie, menée sur le terrain réel et virtuel, Mathieu Guidère explique dans le détail comment la révolution sexuelle arabe a été phagocytée par les islamistes et instrumentalisée politiquement pour servir à un plus grand asservissement des corps et des esprits. Extrait de "Sexe et Charia", publié aux éditions du Rocher (2/2).

Mathieu  Guidère

Mathieu Guidère

Mathieu Guidère est islamologue et spécialiste de veille stratégique. Il est  Professeur des Universités et Directeur de Recherches

Grand connaisseur du monde arabe et du terrorisme, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le Choc des révolutions arabes (Autrement, 2011) et de Les Nouveaux Terroristes (Ed Autrement, sept 2010).

 

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L’avis théologique concernant l’utilisation des accessoires sexuels est connu, en arabe, sous le nom de « fatwa de la carotte » (fatwa al-jazara), que l’on doit au cheikh marocain Abdelbari Zamzami. Celui-ci estime que le plus important est d’éviter les relations sexuelles illicites (hors mariage) et que, par conséquent, tout ce qui peut aider à éviter ce péché (harâm) est permis (mubâh), pourvu qu’il ne génère pas un « mal » plus grand. C’est pourquoi, il autorise la masturbation masculine et féminine à l’aide d’accessoires sexuels.

Le cheikh moderniste pose, néanmoins, deux conditions à cette autorisation.

La première est que la femme qui utilise ces accessoires ne soit pas vierge ni mariée, et cela afin de ne pas perdre sa virginité en utilisant la carotte ou bien de risquer de se détourner de son époux au profit de cette pratique masturbatoire en en usant trop souvent.

La deuxième condition est que l’accessoire utilisé soit « naturel » et ne cause pas de tort physique à la femme, c’est pourquoi il recommande prioritairement la carotte, légume qui présente selon lui la plus grande « conformité » avec les conditions sus-indiquées. Il exclut par là-même les accessoires « non naturels » (sex toys).

À cet égard, et du point de vue strictement juridique, il existe une divergence entre les théologiens : certains estiment qu’en l’absence de texte explicite en ce sens, la permission prévaut en toutes circonstances ; d’autres déduisent l’interdiction à partir de divers versets coraniques et traditions prophétiques qui appellent à se marier pour se prémunir contre les pratiques masturbatoires.

En raison de cette divergence doctrinale, la majorité des théologiens juge la masturbation comme un acte blâmable (makrûh) qui ne doit pas être recherché pour lui-même, car l’intention première devrait être de se marier pour éviter le péché plutôt que de se masturber pour éviter le mariage.

À sa publication, la « fatwa de la carotte » a suscité un vif débat dans le monde arabe en général et dans la société marocaine en particulier. D’un côté, certaines associations féminines conservatrices ont refusé cet avis théologique parce qu’elles estimaient que la permission donnée ne résolvait pas le problème de fond, à savoir la misère sexuelle des femmes veuves ou divorcées auxquelles cette fatwa s’adressait prioritairement.

D’un autre côté, certaines associations féminines progressistes ont contesté la recommandation émise en faveur de la seule « carotte » et réclamé que la fatwa soit étendue à d’autres accessoires, si possible issus de la culture marocaine tels que le « pilon », instrument utilisé en cuisine pour écraser les aliments dans un mortier, et surtout le « ouannass » (littéralement, le compagnon qui soulage), objet phallique fabriqué en bois qui sert à la masturbation des femmes de Tanger et de sa région depuis des siècles.

Par ailleurs, sur l’Internet, la fatwa a déclenché une vague de réactions émanant aussi bien des pratiquants comme des réfractaires à la masturbation. Sur l’une des pages Facebook dédiées au cheikh Zamzami, on pouvait lire des questions du genre : « Est-il possible d’utiliser le concombre lorsque la carotte n’est pas disponible ou qu’elle est trop chère ? », « Est-il possible de consommer la carotte après l’avoir utilisée pour la masturbation ? », etc..

Aux innombrables questions suscitées par sa fatwa, le cheikh a répondu en précisant les raisons acceptables pour le recours aux accessoires sexuels : d’une part, il ne faut pas que l’objet soit utilisé pour rechercher le plaisir sexuel en tant que tel, mais pour éviter de succomber au péché de la fornication ; et d’autre part, il ne faut pas que l’objet soit utilisé comme moyen de contraception pour éviter d’avoir des rapports légitimes ou des enfants du mariage.

Mais la question des « vieilles filles » (‘Âwâniss, en arabe) a été posée avec insistance au cheikh. Les musulmanes qui sont restées célibataires et qui n’entrevoient pas de possibilité de se marier, sont-elles éligibles à la « fatwa de la carotte » ? Autrement dit, peuvent-elles avoir recours à la « masturbation par la carotte » pour satisfaire leurs besoins sexuels, sachant qu’elles risquent de perdre leur virginité en utilisant cet accessoire ?

À cette question, le cheikh a répondu d’abord que le mariage est du ressort du destin (Mektoub) et que nul ne sait ce qu’il peut advenir de ces femmes demain. Mais il a précisé aussi que si la « vieille fille » (‘Âniss) a atteint « l’âge du désespoir » (sinn al-ya’s), alors il lui est permis de recourir aux accessoires pour la masturbation, car l’hymen importe peu à ce stade-là ; l’essentiel reste la volonté d’éviter les rapports sexuels illicites (zinâ).

Extrait de "Sexe et Charia", de Mathieu Guidère, publié aux éditions du Rocher, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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