Crise européenne : le peuple n'a pas son mot à dire (comme d'habitude)<!-- --> | Atlantico.fr
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Les peuples européens et les institutions qui les représentent semblent tenus à l'écart.
Les peuples européens et les institutions qui les représentent semblent tenus à l'écart.
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A-démocratique ?

Alors que la France et l'Allemagne tentent de se mettre d'accord pour trouver des solutions à la crise que connait l'Europe, les peuples européens et les institutions qui les représentent semblent tenus à l'écart. Une coutume européenne...

Jean-Thomas Lesueur

Jean-Thomas Lesueur

Titulaire d'un DEA d'histoire moderne (Paris IV Sorbonne), où il a travaillé sur l'émergence de la diplomatie en Europe occidentale à l'époque moderne, Jean-Thomas Lesueur est délégué général de l'Institut Thomas More

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Atlantico : La France et l’Allemagne peuvent-elles trouver des solutions de sortie de crise sans léser l'une de leurs populations ?

Jean-Thomas Lesueur : Fondamentalement, les décisions à prendre sont pénibles pour tout le monde. Il est impossible de contenter, riches comme pauvres, Français comme Allemands. Il est évident qu’il est assez impopulaire pour ceux qui sont aux manettes de faire des choix qui, d’une manière ou d’une autre, auront des effets négatifs pour certaines tranches de leur électorat. Mais les gouvernements ne peuvent rien faire seuls. Ce que peux faire Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, c’est de l’agitation. Rassurer, montrer qu’ils sont à la barre. La confiance des marchés n’est que faiblement impactée par ce genre de réunion politique. Il ne faut pas espérer des miracles.

Peut-on dire qu’une solution à la crise passera obligatoirement par des mesures qui vont à l’encontre de la volonté des peuples ?

La construction européenne a été de faite, dès le départ, de façon a-démocratique. Elle est même devenue au fil du temps apolitique. Tous les tournants importants depuis 60 ans, pour faire de l’Union européenne une machine à forte teneur politique, ont été des rendez-vous manqués. Historiquement, il y a un problème démocratique avec l’Union européenne. La théorie des ambiguïtés constructives (basée sur la confusion des termes d’une négociation de manière à contenter les deux parties) et la doctrine des petits pas (les avancées sont faites sans que les peuples s’en rendent compte et ratifiées seulement après coup) en sont des exemples flagrants.  Il n’est pas impossible que le règlement de la crise, s’il est encore possible, se procède à nouveau de cette façon.

Comment expliquer le faible rôle laissé au Parlement européens - principale institution représentative du peuple - pour sortir de la crise ?

Ce n’est pas une surprise d’entendre si peu parler, depuis 2007, du Parlement et de la Commission européenne. Elles ne sont pas à ce jour des institutions faites pour le « grand vent », pour les situations graves, d’urgence. Il est assez naturel que les institutions européennes, qui sont de mon point de vue apolitiques, redonne la main aux gouvernements nationaux en temps de crise. Cela correspond tout à fait au mode de fonctionnement des gros pays membres, qui ne sont pas des Européens convaincus comme pouvaient l’être certains chefs d’Etat français mais surtout allemands dans les années 1960 et 1970.

Comment donner aux citoyens européens du poids dans la prise de décision ?

Comment fait-on de l’Union européenne un objet politique d’attachement aux peuples ? Je ne vois rien d’autres qu’un travail profond sur notre identité politique. Lentement, reprendre son vieux bâton de pèlerin fédéraliste et s’atteler à faire vivre une identité européenne. Il n’y pas de raisons que l’Union européenne soit le seul endroit au monde où l’on ait honte de ce que l’on est. Ce sont ce genre de choses sur lesquelles il conviendrait d’adopter une politique volontariste et de ne pas avoir froid aux yeux. Le contre-exemple parfait est l’extraordinaire ratage du refus de mettre les origines chrétiennes dans la charte européenne en 2005.

Les citoyens européens ont-ils les clés pour comprendre les tenants et les aboutissants d’une telle crise ?

Je ne pense pas qu’il y ait un seul spécialiste des marchés qui soit capable de décoder tout ce qui se passe. Comprendre la crise financière et tous ses aspects me parait assez compliqué. Mais comprendre les conséquences d’une telle crise et certaines problématiques de la dépense publique me parait plus abordable. Reste que Nicolas Sarkozy et son gouvernement ne font pas assez de pédagogie autour de leur politique économique.

L’Union européenne ne prend pas la mesure de ce besoin de se rapprocher des peuples. En 2005, Les diagnostics réalisés pour expliquer l’échec des référendums étaient selon moi tout à fait erronés. Je ne suis pas sûr qu’on ait beaucoup avancé depuis. Il y a un danger d’approfondissement de l'abime entre les Etats et le peuple.

Est-ce problématique de laisser à une élite a priori compétente le soin de sortir l'Europe de la crise ?

Depuis les Grecs, cela a toujours été la même chose. Il est important que pendant une tempête, il y ait un petit nombre de capitaines sur le bateau. Il faut pouvoir décider clairement et promptement. Il vaut mieux cela que la « réunionite aigu » qui caractérise certains aspects de notre mode de fonctionnement. Certains systèmes de décisions collégiales sont terriblement chronophages et n’aboutissent pas forcement à une solution concrète.

Le désamour entre les Européens et leurs instituions peut-il mettre en danger la construction européenne ?

Aujourd’hui, les institutions démocratiques légitimes sont désarmées, exsangues. Celles qui ne le sont pas, sont à faible teneur démocratique, notamment les institutions européennes. Cela fait monter, ce que l’on appelle un peu trop facilement,  le populisme. Il est logique que Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon soit haut dans les sondages. Nous sommes dans une phase de tempêtes ou l’on doit prendre des décisions sévères et promptes. Il y a, assez logiquement, un sentiment de dépossession qui peut, à termes, mettre un frein à la construction européenne.

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