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Débordement et matches de l’Algérie : cette bienpensance qui aggrave les problèmes
©Reuters

Pompiers pyromanes

Malek Boutih et Aurélie Filippetti ont rivalisé d'ingéniosité pour justifier et minimiser les débordements survenus après le match entre l'Algérie et la Russie au mondial brésilien.

Tarik Yildiz

Tarik Yildiz

Tarik Yildiz est est sociologue et président de l'Institut de Recherche sur les Populations et pays Arabo-Musulmans (IRPAM). Il est également essayiste et notamment l'auteur de Qui sont-ils ? Enquête sur les jeunes musulmans de France (Editions du Toucan/L'Artilleur) et de Le racisme anti-blanc (Editions du Puits de Roulle). 

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Face à la montée de la polémique après les débordements du match Russie-Algérie du 26 juin, Malek Boutih et Aurélie Filippetti se sont risqué à des messages d'apaisement. Sauf que le remède se révèle pire que le mal.

Malek Boutih : "Je pense au contraire qu’assumer ses racines est un gage d’intégration. Plus ils [les Français d'origine algérienne] se sentent à l’aise dans leur identité passée, plus ils se sentent français. La dernière fois que l’Algérie avait réussi sa Coupe du monde, en 1982, personne n’aurait osé sortir les drapeaux algériens… parce qu’ils se sentaient moins chez eux en France qu’aujourd’hui !"

Tarik Yildiz : Ce type de déclarations démontre bien que l'on se trompe à nouveau totalement de débat. On a là un constat typique et redondant qui consiste à expliquer que nos problèmes d'intégration sont liés au fait que nous avons des jeunes qui seraient coincés entre "deux cultures". Une représentation somme toute erronée qui oublie de souligner le cœur du problème, à savoir le fait que les personnes concernées souffrent avant tout d'un déficit de culture plus qu'autre chose. Il n'y a donc pas de soucis vis-à-vis d'une "double identité" mais bien une absence d'identité tout court.

Le fait de dire que les Algériens étaient "moins chez eux en France" en 1982 est du reste une analyse qui n'a pas grand intérêt pour comprendre les événements. Le fait de sortir ou non le drapeau algérien pendant la Coupe du Monde n'est clairement pas un révélateur d'intégration et d'identité assumée en soi. Le vrai aspect se trouve dans le sujet de fond posé par le manque l'intégration sociale et ses conséquences (petite délinquance, éducation...). Le reste est finalement après tout secondaire, puisque le fait de voir émeger des célébrations de joie, ne ferait pas couler autant d'encre si le tout se déroulait sans heurts et dans un calme relatif. 

Ces jeunes entretiennent de toute façon un rapport complexe à leurs origines algériennes : beaucoup parlent assez mal l'arabe et ne se rendent sur place que de manière très épisodique. Considérer les événements récents à travers une appartenance concrète à l'Algérie est donc insuffisant dès le départ. Le fond de la question réside selon moi bien d'avantage dans la faillite de l'autorité de l'Etat, de ses symboles et de ses repères, faillite qui a laissé se développer au fil des années une petite délinquance ainsi  qu'une réprobation de la France et de ce qu'elle représente. C'est là un fait qui ne concerne évidemment qu'une partie des jeunes d'origine algérienne, dont on ne saurait du reste reprocher une certaine sympathie pour le pays de leurs parents ou grands-parents, mais il ne faut pas pour autant nier certaines évidences. Les altercations avec les forces de l'ordre, les magasins cassés, ont bel et bien existé. Traiter de tels événements comme le révélateur d'un rapport compliqué à différentes identités n'est en tout cas pas très pertinent.

Aurélie Filippetti : "On a tous un peu d'Algérie en nous. [...] La France a une histoire particulière avec l'Algérie et on est tous concernés. On vibre tous un peu quand on a un match d'un pays qui est aussi fortement lié à l'histoire de notre pays."

Tarik Yildiz : On voit bien pourquoi Mme Filipetti a pu tenir ces propos, l'idée étant probablement d'essayer "d'apaiser les tensions". J'ai toutefois bien peur que ce type de stratégie déjà usitée ne soit pas très efficace, en particulier dans un contexte toujours plus visible de perte de repères collectifs. Sans en aller jusqu'à rabaisser les autres, le fait d'être fier de son pays et de son environnement permet selon moi d'offrir un cadre d'unité bien plus réel que celui qui est créé par les "messages" d'ouvertures au caractère quelque peu politicien. Dans le fond, on voit bien qu'une telle sortie ne signifie pas grand-chose.

Sans aller juqu'à dire que les propos de la ministre de la Culture représentent une caution pour les manifestations "anti-française", on peut voir là un net exemple de lacheté politique teinté d'une démagogie devenue aujiourd'hui classique. On voit bien la logique qui vise à se placer à contre-pied de ceux qui pointent du doigt le comportement de telle ou telle communauté, mais dans un sens comme dans l'autre nous avons là la meilleure méthode pour éviter le coeur du problème, à savoir cette minorité de jeunes sans référénts identitaires et éducatifs bien définis. 

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