Angela et les 27 nains… La chancelière a-t-elle vraiment beaucoup à craindre de Cameron ou de Hollande et des socio-démocrates européens ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Photo d'illustration // des nains de jardin.
Photo d'illustration // des nains de jardin.
©Reuters

Miroir... mein beau miroir

Le sommet d’Ypres qui débute ce 26 juin a pour objectif de définir les futures grandes orientations de l’UE à travers la désignation d'un nouveau président à la Commission Européenne. Un moment déterminant pour l'avenir du Vieux Continent, mais dont l'Allemagne semble être le seul et unique gestionnaire face aux (timides) protestations de Londres, Rome et Paris.

Lothar  Ruhl

Lothar Ruhl

Lothar Ruhl est un journaliste et politlogue allemand.

Il est notamment l'auteur de "l'Empire du Bien" (Klett-Cotta, Stuttgart 2005)

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Peter Spiegel

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Peter Spiegel est correspondant à Bruxelles pour le Financial Times

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Jean Luc Sauron

Jean Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est Haut fonctionnaire, professeur de Droit européen à l'Université Paris-Dauphine.

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Atlantico : Le sommet d'Ypres suscite déjà son lot de divisions avant d'avoir même commencé quant au choix du président de la Commission. La Grande-Bretagne menace ainsi d'avancer le référendum de sortie de l'UE si M. Juncker, actuel favori, est désigné. Faut-il  pour autant s'attendre à un compromis de la part des autres Européens, notamment de l'Allemagne, sur le sujet ?

Peter Spiegel : Je ne pense pas que M. Cameron puisse espérer un réel compromis satisfaisant dans cette affaire, et pour être tout à fait honnête je ne pense pas que ce soit même l’objectif concret du pouvoir britannique actuellement. La stratégie semble plutôt la suivante pour M. Cameron : il compte se rendre au sommet d’Ypres, s’y opposer probablement sans succès à la nomination de M. Juncker, puis revenir devant l’opinion publique anglaise pour déclarer qu’il s’est battu bec et ongles pour défendre les principes qui étaient les siens. Peu importe qu’il apparaisse comme perdant donc s’il arrive à ne pas perdre la face. On se dirige ainsi d’après moi vers un "crash assuré" pour Londres dans ce domaine

Jean-Luc Sauron : Je ne le pense pas. La Grande-Bretagne est isolée. Ses alliés dans l’opposition à la candidature de Jean-Claude Juncker (la Suède et les Pays-Bas) semblent s’être ralliés à la majorité. Il est difficile de faire un geste envers David Cameron qui n’a vraiment mis sur la table qu’une exigence celle du refus de la candidature de l’ancien Premier ministre luxembourgeois. Sa demande de procéder à un vote pour le choix du Président de la Commission européenne pressenti  par le Conseil européen est à double-tranchant : cette candidature n’est plus seulement celle du Parlement européen après le soutien des chefs d’Etat et de gouvernement sociaux-démocrates le week-end dernier à Paris et la campagne de la chancelière allemande en sa faveur. David Cameron sortira affaibli par sa minorisation au sein du Conseil européen et cette situation ne pourra profiter qu’aux eurosceptiques de l’UKIP en soulignant combien la Grande-Bretagne n’est plus en mesure de peser sur le débat européen. Le Président de la Commission européenne ne pourra pas se prévaloir d’une assisse électorale unanime au sein du Conseil européen et pourrait, dès lors, se trouver davantage lié par l’importance de son soutien parlementaire lors du vote d’investiture à Strasbourg à la mi-juillet.

Lothar Ruhl : Le gouvernement allemand tente de calmer le jeu, mais on ne peut pas dire qu'il en soit autant de son opinion publique. L'avis majoritaire qui ressort de la presse allemande a été jusqu'ici de dire que la nomination de M. Juncker à la Commission était somme toute assez naturelle (ce dernier étant le représentant du PPE, parti ressorti vainqueur des élections du 25 mai, NDLR). Ce point de vue peut-être analysé comme un défi lancé au Conseil Européen qui a normalement la prérogative dans la nomination d'un candidat à cette institution. Au-delà de cette vision "constitutionnelle" des problèmes européens, une bonne entente avec la Grande-Bretagne reste une nécessité alors que les Britanniques envisagent une sortie de l'Union, sortie qui signifierait le départ d'un acteur majeur de la scène internationale. On peut certes revenir à une zone directement "continentale" où la moitié des membres seraient en grande difficulté pendant que l'autre moitié resterait dans l'incertitude, mais la perspective soulève son lot d'interpellations. L'événement entraînerait notamment une redistribution des compétences et des pouvoirs politiques au sein de l'Union, ce qui n'est pas forcément idéal dans le contexte économique actuelle. On peut percevoir finalement la politique de M. Cameron comme une politique très risquée dans le cadre actuel, et l'on sait que le gouvernement de la Chancelière a clairement signifié cette vision des choses à M. Cameron.

Il n'en reste pas moins que le Premier Ministre britannique reste bloqué sur la scène intérieure suite au récent succès du parti UKIP, parti qui manifeste comme chacun sait un fort ressentiment à l'égard de la politique émanant de Bruxelles. Nous avons donc ici affaire à une situation particulièrement complexe, ce qui explique que Mme Merkel ait dès le départ souhaité mettre un frein au procédé de désignation des candidats à la Commission par le Parlement. La Chancelière considère que les éventuelles ambitions de M. Schulz et de M. Juncker peuvent amener à perturber les relations européennes, un fait que l'on constate d'ailleurs actuellement dans le cas anglais mais aussi avec celui de la Suède. Je pense personnellement dans cette affaire que ce sera le Conseil Européen qui finira par trouver un compromis qui pourrait impliquer la nomination de M. Juncker à la présidence du Parlement puis à la candidature du Conseil Européen plutôt qu'à la présidence de la Commission. 

Les principaux chefs d’Etat socio-démocrates se sont réunis à Paris ce 21 juin, François Hollande en ayant profité pour poser plusieurs conditions à un potentiel ralliement à l’option Juncker. Quel peut-être le poids de ces revendications ?

Peter Spiegel : Il devrait être envisageable pour eux d’obtenir de Berlin quelques inflexions dans le discours en ce qui concerne l’assouplissement des règles budgétaires imposées aux différents Etats-membres (à la suite du Traité de 2011, NDLR). Après, comme on dit outre-Manche : « Talk is cheap » (les mots ne coutent pas grand chose). Il n’est effetivement pas très engageant pour Mme Merkel de développer toute une rhétorique autour d’un plus grand besoin de croissance et de la mise en place de politiques budgétaires plus "amicales" envers l’investissement : personne ne risque en effet de vous contredire avec un tel argumentaire. Quant à un changement effectif des règles budgétaires européennes, rien n’est actuellement moins sûr de la part de la Chancelière, l’aval de Mme Merkel étant évidemment incontournable pour engager une telle action. Il suffit de suivre ses dernières déclarations où il est dit et répété que les règles adoptées sont suffisamment flexibles en l’état. Les propos de M. Weidmann, directeur de la très influente Bundesbank (Banque Centrale Allemande), ne vont pas dans un autre sens. Pour résumer, on peut s’attendre ce que Berlin envoie des signes favorables aux propositions faîtes le 21 juin, ne serait-ce que pour présenter un front uni et maintenir les apparences, mais que rien de fondamental ne sera fait pour soutenir les propositions de ce que vous appelez les "socio-démocrates".

Jean-Luc Sauron : L’analyse ne doit plus s’effectuer  au travers du seul prisme de l’axe franco-allemand. Ces deux acteurs ne sont pas sur la même partition, mais ils ne se contredisent pas. Nous assistons à une Europe multi-polaire structurée d’alliances bilatérales (franco-italienne ; franco-allemande ; germano-néerlandaise ; germano-italienne) ou multilatérale (pôle social-démocrate ; pôle conservateurs ; etc.). L’ensemble de ces regroupent est instable, changeant. L’agenda français a non seulement l’appui des dirigeants européens sociaux-démocrates, mais aussi de la plupart des parlementaires européens et d’une part non négligeable de l’opinion publique européenne. Ajoutons à ces partisans, le FMI et la BCE qui tentent à leur manière et avec leurs moyens de corriger la trajectoire d’une rigueur trop sévère.

Lothar Ruhl : C'est effectivement ce qu'on pourrait appeler le deuxième problème prioritaire en ce moment, et il est du reste très lié au premier posé par M. Cameron. On voit effectivement que la plupart des partis sociaux-démocrates européens sont actuellement dans un marchandage, ces derniers tentant de monnayer un ralliement à M. Juncker pour la Commission contre l'envoi d'un membre du PSE (Parti Socialiste Européen) à la présidence du Parlement. On peut toutefois regretter de voir qu'une affaire de personnes prenne le pas sur le débat réellement politique, d'autant plus que cela entraîne la dégradation que l'on sait dans les rapports des différents Etats-membres. Mme Merkel tente ici de trouver une voie de conciliation entre les intérêts croisés des partis européens et des différents gouvernements, chose qui n'est pas des plus aisés actuellement, particulièrement dans le cadre de l'adoption d'un compromis de long-terme comme celui-ci. Cette difficulté est évidemment liée à la prise en compte de motivations et de contextes économiques divergents qui compliquent les rapports institutionnels, le récent débat autour de la modification de l'objectif de la Banque Centrale Européenne en étant une illustration parmi d'autres. 

Peut-on voir dans ce sommet l’émergence d’un "jeu à trois" en Europe entre la Grande-Bretagne, l’Allemagne et ce que l’on pourrait justement appeler le "camp socio-démocrate" ?

Peter Spiegel : Je dirais d’une certaine manière que le jeu européen s’est plutôt simplifié que complexifié ces derniers. On voit que dans l’ensemble c’est le poids de l’Allemagne qui l’emporte dans les affaires européennes. Il y a eu d’abord un désengagement progressif de l’Angleterre de la scène européenne, mais aussi et surtout l’affaiblissement continu de la parole de François Hollande alors que ce dernier s’en sort mal sur le front social et que sa côté de popularité est au plus bas. Je ne pense pas en tout cas que l’entourage de Mme Merkel le considère en tant "qu’interlocuteur" comme cela aurait pu être le cas avec Nicolas Sarkozy. Il n’est ainsi pas exagéré d’affirmer que les Italiens sont aujourd’hui bien plus actifs dans le cadre de ce sommet que ne le sont les Français, ces derniers étant quasiment inaudibles pour leurs partenaires. Le fond de ma pensée est que chacun attendra, comme toujours, de voir quelle décision prendra Berlin : c’est ce qui s’est passé dans la mise en lice de M. Juncker ainsi que lors des premières années de crise. Je doute donc qu’il en soit autrement d’ici ces deux prochains jours. Je me placerais donc plutôt en désaccord relatif avec cette analyse du "jeu à trois" pour préférer celle d’une "hyperpuissance" de l’Allemagne dans le cadre actuel.  

Lothar Ruhl : La dualité franco-allemande est un fait qui a perdu de sa vigueur, et c'était déjà une évidence avant l'arrivée de François Hollande au pouvoir. De nouveaux équilibres européens sont donc à constituer et l'on voit la difficulté que pose cette répartition en triangle entre l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les pays sous gouvernance sociale-démocrate. Tout l’enjeu repose dans la capacité à trouver l’équilibre impossible entre les requêtes des uns et des autres, et ce sera justement la tâche à laquelle tentera de s’atteler Mme Merkel lors des prochains jours. 

La Chancelière allemande semble entretenir une certaine ambiguïté alors qu’elle avait un temps soutenu Martin Schulz avant de donner des signes en faveur de M. Juncker. Que peut révéler en creux cette attitude ?

Peter Spiegel : De ce qui ressort des conversations que je peux avoir avec certains officiels européens à Bruxelles, la stratégie de Mme Merkel est perçue comme une erreur d’analyse de l’opinion publique allemande. Elle n’était déjà que peu favorable à l’idée d’un "super-candidat" représentant chacun des grands partis européens, et si elle a décidé d’opter un temps pour Martin Schulz, c’était d’avantage parce qu’un tel choix lui offrait une paix relative sur sa scène politique intérieure (la CDU de Mme Merkel gouvernant en coalition avec le SPD de M. Schulz). On peut néanmoins estimer qu’un tel choix n’était pour elle qu’un moyen de temporiser pour mieux se débarrasser du futur vainqueur une fois le processus de nomination engagé. Elle croyait finalement que son système passerait auprès de l’opinion et des médias de son pays, ce qui est loin d’avoir été le cas.

On a ainsi vu le Bild, premier journal d’outre-Rhin, réagir directement aux propos de la Chancelière évoquant une possible alternative à M. Juncker en publiant en première page un éditorial demandant une clarification de ces propos.  Si l’on peut donc dire que M. Cameron n’a pas forcément bien anticipé les réactions de son opinion, il est clair que la stratégie allemande n’a pas forcément été des plus visionnaires en la matière. Quant à ce qu’il faut attendre de ce sommet, on peut affirmer que l’option allemande sera de mettre M. Schulz comme président du Parlement et M. Juncker à la tête de la Commission.

Lothar Ruhl : Mme Merkel continuera de travailler sur ces deux jours à la constitution de compromis valables entre les très nombreux acteurs, qu'ils soient gouvernementaux ou plus directement intra-européens dans le cas de M. Schulz et de M. Juncker. C'est un exercice qui sera effectivement des plus difficiles et l'on peut se demander si elle sera à même d'y parvenir. Il est en tout cas clair qu'elle reste convaincue que l'Europe ne peut plus se permettre de jeter de l'argent par les fenêtres comme c'est le cas actuellement. 

D’après le Financial Times, le Président du Conseil Européen, M. Von Rompuy a récemment publié un "agenda stratégique" où il appelle l’Europe à mieux redéfinir ses objectifs par rapport aux Etats-membres. Faut-il y voir une évolution vers une Europe moins communautaire et davantage portée vers l’intergouvernemental ?

Peter Spiegel : Je pense en tout cas que c’est le message que l’on souhaite faire passer pour défendre l’idée que la Commission va faire d’un tel projet une priorité dans les prochains mois.  Le problème est qu’une gestion qui se voudrait davantage intergouvernementale semble compliqué étant donné les différents points de vue de chaque Etat-membre : les pays du Nord veulent des réformes pour "faire plus avec moins" au niveau budgétaire tandis que l’Italie et la France réclament un discours porté d’avantage sur la croissance et l’investissement. Face à l’incompatibilité de tels agendas, j’ai en conséquence bien peur qu’un tel projet ne devienne lettre-morte d’ici les prochains mois. Les ambitions de cet "agenda 2020" me semblent donc intéressantes à de nombreux points de vue, mais sa durée de vie politique semble effectivement limitée.

Jean-Luc Sauron : Ce mouvement n’est que l’aboutissement logique du déplacement de pouvoir en faveur du Conseil européen et de l’affaiblissement parallèle de la Commission européenne depuis la crise de la zone euro de 2008. Il ne s’agit pas d’une montée de l’intergouvernemental de type classique. Cette évolution serait un grand progrès si le Conseil européen établissait les lignes de convergence partagées et poursuivies par les 28 capitales. Il s’agirait alors d’une forme d’intégration économique sans commune mesure avec les faibles avancées obtenues par l’inter gouvernementalisme classique.

Lothar Ruhl : L’exercice de M. Van Rompuy révèle toute la difficulté de l’Union Européenne à se définir en tant qu’entité politique, puisqu’elle n’est ni un Etat fédéral ni une confédération. Ce n’est ainsi pas pour rien que M. Kohl la définissait comme un organisme « sui generis » (de son propre genre, NDLR). Lorsqu’un dirigeant commence à employer des termes de droit latin, on devine qu’il y a finalement un problème pour définir concrètement la direction à suivre. Il est en tout cas clair selon moi que ce sont les Etats qui sont les piliers de l’Europe, bien avant la Commission, le Parlement de Strasbourg et la BCE. D’aucuns peuvent souhaiter une mécanique inverse, mais force est de constater que le Traité de Lisbonne ne prévoit pas de dispositifs suffisamment poussés pour évoluer dans une logique plus communautaire. Les enjeux extrêmement compliqués posés par la mondialisation (rivalité économique avec l’Amérique, la Russie, la gestion diplomatique du cas ukrainien) démontrent du reste que les Etats restent d’après mon avis la structure la plus à même de faire face. 

De plus discrètes négociations seront menées dans le même temps entre chefs d’Etats et représentants de la BCE. Peut-on s’attendre pour autant au changement déjà tant évoqué de la politique monétaire pour l’orienter vers la croissance ?

Peter Spiegel : Il n’y aura selon moi pas de réelles négociations à ce niveau. Comme je le disais déjà plus haut, la position de la Bundesbank allemande est très rigide sur les sujets budgétaires et monétaires. Le rôle de la Banque Centrale, contrairement à ce qu’on a pu laisser entendre, devrait donc rester dans une pure logique de contrôle de l’inflation plutôt que dans celle d’une relance de l’investissement en Europe. La condition sine qua none du ralliement de l’Allemagne à l’euro était d’inscrire dans le marbre de tels objectifs et l’on peut sérieusement douter qu’ils évoluent sur les prochains mois.

Jean-Luc Sauron : D’après moi, les choses bougent sans conteste possible. Mais il faudra se méfier d’effet d’annonce sans lendemain. Pas besoin de changement de traité, il convient de fixer collectivement des objectifs ambitieux. L’UE ne peut pas continuer d’exister avec un pourcentage de jeunes au chômage qui approche les 25% des 18-35 ans. Cette Europe est mortifère et produit populisme et xénophobie. Le monde entier se demande s’il faut toujours garder l’Europe sur les tablettes ou chercher ailleurs d’autres marchés et perspective. La nouvelle devise devrait être « Europe is back ! ».

Lothar Ruhl : Il s'agit là du réel débat politique, des véritables "grandes affaires" de la scène européenne, bien au-delà de la question de la nomination de M. Juncker ou Schulz à la Commission. Les finances déficitaires de nombreux pays de la zone euro entraîne actuellement de sérieux questionnement sur le respect des règles établies en 2009 et en 2011, et chacun a ici des opinions très différentes sur la marche à suivre. Tant que les dépenses d'Etats comme la France, l'Espagne, la Grèce, ou encore la Belgique continuent d'êtres financés par les prêts des marchés et de la BCE, l'impression que des réformes de structures ne sont pas fondamentalement nécessaires peut persister. On peut aussi considérer à l'inverse qu'il s'agit là d'un moyen utile à la création d'emplois compétitifs dans la mondialisation, et qui permettrait  de rétablir les budgets dans le cadre des limites fixées par la Commission. Pour imager le propos, on peut dire que l’exercice d’équilibrages des différentes ambitions de chaque gouvernement revient à un numéro de funambule sur la corde raide. Tout l’enjeu consiste ici à trouver un juste milieu capable d’insuffler une marche commune pour une Europe en mal d’évolution. Il est en tout cas clair à mon avis que la politique d’assouplissement monétaire que semble souhaiter M. Draghi est une politique difficile à justifier à Berlin au regard du manque de résultats observés jusqu’ici en termes de productivité et de relance de l’économie. Les liquidités déversées sur les dernières années ont principalement profité aux marchés financiers, aux budgets gouvernementaux et à quelques institut bancaires, mais le bilan global pour l’économie est nettement moins positif.  

Les enjeux de sécurité devraient s'inviter dans le sommet alors que plusieurs cadres européens et chefs d'Etat ont affiché la volonté de mieux contrôler les flux migratoires. Quelles sont les options envisageables aujourd'hui dans l'Europe de Schengen ?

Jean-Luc Sauron : L’enjeu n’est pas à mon sens Schengen, mais la gestion des frontières extérieures de l’UE, d’une politique européenne des visas et des conditions d’accueil des migrants. Cette politique "interne" doit impérativement se prolonger par une politique d’aide au développement des Etats dont viennent les migrants. Ces derniers partent de chez eux non par plaisir, mais pour échapper à la misère. Il est urgent de construire ou reconstruire une politique d’aide au développement qui tienne davantage d’une perspective régionale économique et politique à long terme plutôt que d’ancrer ladite politique dans un mauvais succédané de charité d’Etat.

Le sujet d’un grand accord énergétique européen devrait aussi être mis sur la table alors que le cas ukrainien et la dépendance au gaz russe posent les problèmes que l’on sait. Qu’espérer de ces discussions ?

Jean-Luc Sauron : En l’état, rien. La gestion nationale de l’énergie est le dernier bastion d’un souverainisme dépassé. Le traité existe : Jacques Delors l’avait présenté il y a presque 3 ou 4 ans. Il faut impérativement dépoussiérer l’écologie de l’énergie. Il ne s’agit pas de retour en arrière. L’économie verte est notre seul avenir et elle nous garantira un avantage économique différentiel considérable sur nos concurrents restés à l’énergie fossile. La question n’est pas gaz de schiste ou pas, mais comment développer vite et fort les énergies renouvelables existantes et en trouver d’autres. Au-delà de la souveraineté, c’est la pérennité de notre système social qui est en cause. En réalité, je ne sais pas quelle catastrophe attendent les dirigeants européens pour faire preuve de courage politique sur ce thème.

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