Et soudain, entre les lignes du rapport de la Cour des comptes, l’aveu sur l’impossibilité de réforme en France<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président de la Cour des comptes Didier Migaud.
Le président de la Cour des comptes Didier Migaud.
©Reuters

En filigrane

Année après année, la Cour des comptes interpelle les différents gouvernements sur les moyens de réduire le niveau des dépenses publiques. L'année 2014 ne fera pas exception et le carton rouge est de sortie, avec un peu de lassitude.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Le 17 juin, la Cour des comptes publiait son rapport annuel "la situation et les perspectives des finances publiques".  Le rapport fait grand bruit et Le Monde titre "Budget : les mesures chocs de la Cour des comptes".

Pourtant, ce qui interpelle tout d’abord est que les fonctions de la  Cour des Comptes sont clairement définies : Contrôler, Juger, Evaluer, Certifier. L’Article 47-2 de la Constitution définit ainsi ses missions : "La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement. Elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle de l’exécution des lois de finances et de l’application des lois de financement de la sécurité sociale ainsi que l’évaluation des politiques publiques. Par ses rapports publics, elle contribue à l’information du citoyen".Ainsi, un rôle de proposition "de mesures chocs" n’est pas indiqué.

Pour juger par contre, la Cour est dans son rôle. Et comme à son habitude, la Cour des comptes est inquiète, et il y a de quoi. Les déficits ne sont pas tenus, la croissance est moins forte que prévue,  la dette continue de s’envoler, et les anticipations sur l’efficacité des réformes faites par le gouvernement ne sont que trop rarement réalisées. De quoi faire très plaisir à l’exécutif.

Par contre, le rapport souligne "Un effort structurel considérable, qui n’a eu qu’un effet limité sur le solde structurel". Un bel effort certes, mais un effort qui a été supporté par le contribuable. En effet, "l’effort structurel, réalisé pour réduire le déficit a représenté 1,5 point de PIB en 2013 (un peu plus de 1,4 point en recettes et un peu moins de 0,1 point en dépenses), contre 1,9 point prévu dans la loi de programmation". Pour être clair, 94% de l’effort provient des hausses d’impôts, et 6% des baisses de dépenses.

Et c’est bien là que le rapport de la Cour des comptes devient gênant. Car au-delà des critiques et du rôle de l’institution, des propositions sont faites pour réduire les dépenses publiques. Ce sont les fameuses "mesures chocs" évoquées par Le Monde, termes qui ne seraient sans doute pas employés par la Cour elle-même.

Parmi ces mesures, la plus emblématique est : "La masse salariale est un enjeu central pour atteindre les objectifs des finances publiques", et implique : "La stabilisation en valeur de la masse salariale de l’État suppose des mesures d’économies supplémentaires". La masse salariale de la fonction publique se trouve passée au scanner.

Des pistes sont bien présentées concernant "un meilleur ciblage de la GIPA" (garantie individuelle du pouvoir d’achat), la rénovation des "rémunérations accessoires et régimes indemnitaires", ou encore "le coût des mesures salariales ponctuelles". Mais la conclusion arrive rapidement :

"Les mesures salariales examinées précédemment ne suffiront probablement pas à respecter durablement les objectifs ambitieux en termes de maîtrise de la masse salariale du programme de stabilité. Par ailleurs, pour conserver une fonction publique attractive, il est utile de préserver des marges de manœuvre salariales. Dans ce contexte, il ne faut donc pas renoncer à utiliser, en complément des efforts sur les rémunérations, le levier de la baisse des effectifs, qui est porteur d’économies importantes."

Et boum : "Par rapport à cette situation, le gel des effectifs des ministères prioritaires combiné à la poursuite au même rythme de la baisse des effectifs dans les ministères non-prioritaires, opérateurs compris, permettrait de dégager une économie annuelle de 450 M€."

Voici la réponse apportée par la Cour des comptes pour réduire les déficits. 450 millions d’euros, soit 0.023% du PIB.  Un effort qui, quelques lignes plus loin, est révisé : "Si une telle politique devait être mise en œuvre, elle devrait vraisemblablement s’accompagner de mesures d’incitations financières. Le gain brut estimé précédemment est donc un majorant." Donc 0.023% du PIB, c’est en fait un peu surestimé. Plus qu’une proposition choc, c’est un aveu d’impuissance.

Puis la Cour évalue deux autres pistes. Les collectivités territoriales et les dépenses de santé. Si la revue de cette première catégorie n’offre pas de chiffrage précis sur les économies pouvant être réalisées, de nombreux points sont identifiés pour la seconde, pour un montant total proche de 10 milliards d’euros.

Le constat est difficile. Les dépenses publiques représentent 57% du PIB du pays. C’est-à-dire plus de 1100 milliards d’euros. Pour parvenir au niveau de l’Allemagne, il faudrait réduire la facture de plus de 200 milliards. Au niveau de l’Italie; 100 milliards.  Les montants évoqués dans le rapport montrent bien que "faire des économies" ne pourra pas suffir.

Les pistes présentées sont évidemment à explorer, mais l’enjeu réel passe au-delà des capacités de la Cour des comptes. Parce qu’elle ne définit pas la politique macroéconomique du pays. La lecture du document, répétitive par rapport aux années passées, laisse surtout apparaître un sentiment de lassitude de la part des auteurs. Année après année, les mêmes réformes sont proposées et souvent oubliées.

Ainsi, lorsque Jean Christophe Cambadelis déclare "La Cour des comptes s'évertue à promouvoir des mesures dogmatiques, austéritaires et punitives déconnectées de la réalité et des besoins de notre pays. Cette photographie partielle, et donc partiale de l'état des finances publiques, ne permet pas de contribuer utilement aux enjeux structurels", il ne fait qu’aggraver le cas d’un exécutif incapable de mettre en place une politique économique susceptible de remettre le pays sur la voie de la croissance. Car si la Cour des comptes se trouve contrainte de proposer de telles mesures, c’est bien parce que le pays est enfermé dans une longue stagnation économique. Parce que pour réduire les déficits, la meilleure solution reste la croissance. Mais cela, et la Cour des comptes semble l’avoir bien compris, ce n’est pas au programme.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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