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Oui, Pippa Middleton est bien une 
« fondamentaliste marxiste conservatrice chrétienne  »
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Dernier épisode ?

Nouvel épisode dans la "joute" qui oppose nos deux contributeurs Jacques de Guillebon et Daniel Tourre. Dans le dernier épisode, Jacques de Guillebon persistait et signait en déclarant qu'Anders Breivik était bien un "fondamentaliste libéral". Mais Daniel Tourre n'en démord pas, et revient sur les principes fondamentaux du libéralisme.

Daniel Tourre

Daniel Tourre

Daniel Tourre est notamment l'auteur de Pulp Libéralisme, la tradition libérale pour les débutants (Tulys, 2012) et porte-parole du "Collectif Antigone". 

 

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Chuck Norris est un « fondamentaliste rastafaraniste », Michel Rocard est un « fondamentaliste anarcho-capitaliste » et Breivik est un « fondamentaliste libéral ». C’est l’été, les neurones barbotent dans le rosé, il pleut trop pour réfléchir.

Le conservatisme politique est de retour

Le texte de Jacques de Guillebon a tout de même un mérite : l’illustration d’une montée en puissance d’un vieil adversaire du libéralisme, le conservatisme politique.

Reprenons : Le libéralisme est d’abord issu de la tradition du droit naturel moderne au 18 ème siècle. La loi posée par les Etats doit respecter les principes d’un droit attaché à la nature même de l’Homme : un individu, doté de raison, vivant en société. 

Non, l'État n'est pas un Dieu donnant aux hommes la liberté

Les Hommes sont libres par nature d’agir, de penser, d’échanger et de disposer du fruit de leur travail ou de leurs échanges.

Comme cette nature et les droits qui y sont attachés ne sont pas « donnés » généreusement par l’Etat, celui-ci n’a pas le pouvoir légitime de les abolir ou de les violer…

« Les Représentants du Peuple Français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des Gouvernements, ont résolu d’exposer, dans une Déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme… »

La loi, variable bien sûr selon les périodes ou les cultures, doit donc se conformer à ce droit pour être légitime. Ainsi, si un Etat pose une loi permettant de gazer une partie de la population, c’est la loi qui est criminelle au regard du droit naturel, même si la loi a respecté toutes les procédures de l’Etat démocratique -ou pas-. Le procès de Nuremberg a du sortir de la naphtaline en catastrophe le droit naturel -un peu vite enterré- pour juger des citoyens exemplaires respectueux des lois de leur pays.

La justice consiste à rendre à chacun son dû, à faire respecter les contrats librement consentis et à établir les responsabilités en cas de viol des droits naturels pour les puissants comme pour les faibles.

Commandements partout, justice nulle part

La loi est l’application de règles de juste conduite, pouvant s’appliquer dans un grand nombre de situations différentes tout en laissant l’individu libre de ses objectifs. Par exemple, la priorité à droite du code de la route ne dit rien sur la destination, l’heure du départ ou l’objet du trajet, mais permet aux individus de cohabiter ensemble sur la route et d’établir les responsabilités en cas d’accident.

Par opposition aux lois libérales « de juste conduite » conformes aux droits de l’Homme de 1789, il y a des « lois de commandements ». La loi fixe alors la place des individus, leur dit quoi faire, comme lors d’un défilé militaire lorsque la place des véhicules est fixée par une autorité supérieure.

Notre société n'est pas de la pâte à modeler

La vision libérale, le droit naturel moderne et les lois de « juste conduite » subissent une longue descente aux enfers depuis maintenant deux siècles. Le nombre de « lois de commandements » explosent sous l’action d’une classe politique bavarde,  de technocrates utilitaristes et d’intellectuels certains de leur supériorité morale.

Cette vision libérale a en effet beaucoup d’ennemis. Si la loi ne peut plus être un outil pour que l’Etat commande aux individus, tous ceux qui voudraient transformer la société en pâte à modeler pour leurs gros doigts maladroits sont très malheureux : cette « élite » n’a plus d’outils pour travailler. Les individus sont bêtes, égoïstes, vulgaires et incapables de prendre soin d’eux-mêmes comme des autres et cette « élite » n’aurait plus la possibilité de corriger tout ça grâce à la violence de l’Etat ? C’est ballot. Il faut rabaisser les individus, attaquer le libéralisme et exiger le Pouvoir.

Postmodernité, Marxisme, ça sent bon la rotative des années 70

Ces attaques coïncident souvent –mais pas toujours- avec des attaques contre la raison qui culminent aujourd’hui avec le postmodernisme. La raison est alors une illusion prétentieuse, nous ne sommes que les jouets passifs de notre culture, de notre identité sexuelle ou sociale. Les droits de l’Homme de 1789 ne sont pas une découverte de la raison universelle mais une forme de domination des mâles blancs, hétérosexuels, morts, bourgeois, chrétiens etc...  Brûler la voiture de son voisin n’est ni juste, ni injuste, c’est simplement une autre perspective sociale que les niais ne comprennent pas. Heureusement, l’élite postmoderne, mystérieusement épargnée par ce fléau touchant la raison, a le droit de commander aux autres afin d’éviter les multiples rapports de domination.

Le postmodernisme ne fait finalement que marcher dans les pas du marxisme, pour qui toutes les doctrines politiques adversaires n’étaient pas le fruit de la raison, mais le produit passif d’une période historique donnée. Les marxistes, mystérieusement épargnés par ce relativisme historique, avaient le devoir de commander aux autres, en particulier aux petits bourgeois défendant leur ridicule liberté formelle des droits de l’Homme de 1789.

Conservatisme politique, back from the dead

Pour finir ce sympathique tableau des adversaires du libéralisme, il ne faudrait surtout pas oublier les conservateurs politiques. Conservateurs politiques modèle Ancien Régime pour qui les lois doivent venir de chaque culture, de la tradition sans jamais être jugées à l’aune de la raison et des droits individuels ; ou conservateurs politiques modèle grec antique platonicien, où la raison a toute sa place, mais seulement pour une élite de philosophes dirigeants la cité à coups de commandements.

Jacques de Guillebon fait manifestement un pot pourri de ces différents adversaires du libéralisme sans trop se soucier de cohérence. Peu importe le flacon, pourvu qu’il y ait l’ivresse de disposer des « lois commandements » et le plaisir de murmurer à l’oreille du Pouvoir ce que les autres seront contraints de faire pour échapper à la vulgarité ou à la pauvreté.

Pas de vertus ou de prospérité sans liberté

Pour les libéraux, coincés entre des postmodernes sur la défensive et des conservateurs politiques gonflés à bloc, les prochaines années seront déterminantes pour remettre le droit et les lois de juste conduite à leur place : au cœur d’une société libre ; la liberté étant un préalable incontournable pour justement échapper à la vulgarité ou à la pauvreté.

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