Force de dissuasion
53% des Français opposés à la baisse du budget de la Défense dans les prochaines années
Les Français sont conscients des difficultés budgétaires que traverse notre pays mais la moitié d'entre eux plaide pour un maintien conséquent du budget de la défense pour répondre aux menaces qu'ils perçoivent, selon un sondage exclusif Ifop pour Atlantico.
Atlantico : Un sondage réalisé par l'Ifop pour Atlantico révèle que 53% des Français pensent que compte-tenu de l'instabilité de la situation internationale, le budget de la défense ne doit pas diminuer, contre 47% qui estiment le contraire au regard de la situation des finances publiques du pays. Comment expliquer ce résultat paradoxal ?
Jérôme Fourquet : Cette enquête montre que l'opinion publique française est traversée par des opinions paradoxales sur le budget de Défense. D'une côté, la réalité des menaces géopolitiques perçues par les Français reste très présente et cela plaide pour un maintien conséquent du budget de la défense. Par ailleurs les retombées économiques de l'investissement dans la défense plaident également pour un maintien conséquent de l'effort budgétaire. En même temps nos concitoyens sont conscients des difficultés budgétaires que traverse notre pays. Certains d'entre eux seraient donc tentés d'appliquer des coupes au budget de la défense pour que la défense participe également à l'effort de redressement des comptes publics. L'équilibre est difficile à trouver.
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La première question était volontairement binaire. Compte-tenu de la situation internationale, il faut maintenir le budget, ne pas baisser la garde. Ou compte-tenu de la situation des dépenses publiques, le budget de la défense doit diminuer dans les prochaines années. Ce sont là les deux contraintes majeures qui pèsent. On voit que l'opinion est très partagée avec une légère avance pour le maintien du budget.
L'opinion des Français a évolué par rapport à une mesure relativement récente qui date de juillet 2013. Nous étions à 67% qui donnaient la primauté au maintien du budget de la défense compte-tenu du contexte politique international. A l'époque, nous sortions à peine de la phase la plus active de l'opération militaire au Mali. Les opérations militaires avaient fortement été médiatisées et la menace djihadiste avait été mise en avant. La pression montait également autour de l'intervention en Syrie.
La planète n'est pas pacifiée mais les risques d'interventions sont présents aujourd'hui. D’où ce décrochage par rapport à l'année précédente. Ce décrochage peut aussi s'expliquer par une montée en puissance supplémentaire de l'idée selon laquelle il faudrait encore faire des économies. Depuis un an le gouvernement ne parle que de cela avec le pacte de compétitivité et le plan d'économies de 50 milliards. Tout cela a un impact sur l'opinion publique.
Comment expliquer une certaine réticence de la part des Français à diminuer les crédits militaires ?
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Les Français ont une claire conscience que les armées ont été soumises à rude épreuve et ont déjà grandement contribué à l'effort de réduction des déficits publics. Même si le nombre de base a considérablement diminué sur les 40 dernières années, même si le rapport distendu entre la nation et ses armées s'est distendu. Pour autant, les Français estiment que les armées ont fait beaucoup de sacrifices en termes budgétaires. Cela qui explique les réticences des Français quant au fait d'utiliser les crédits militaires comme variable d'ajustement sur le plan de réduction des déficits.
On voit bien la différence entre le souhaitable et le possible. Nous sommes dans un environnement géopolitique instable, les armées ont déjà été bien mises à contribution mais en même temps nous avons des contraintes budgétaires. La synthèse de tout cela est qu'une petite majorité de Français pensent que le budget de la défense est bien calibré. Et une proportion identique (37 vs. 36%) pense que le budget est soit trop important, soit pas assez important.
On voit quand même que par rapport à juillet 2013, on a une progression de 7 points sur l'item qui consiste à dire que les budgets sont trop importants. On revient à juin 2008, avec des scores très proches. Nous ne sommes plus dans le feu de l'action au Mali et la problématique budgétaire s'est invitée davantage dans le débat et on voit bien le niveau de ras-le-bol fiscal dans le pays.
Quels sont les autres éléments qui plaident en faveur du maintien du budget de la défense ?
Sur la politique de défense, deux éléments plaident pour maintien d'un budget conséquent. La première c'est l'impact économique sur le tissu industriel. Les grands groupes ont récemment axé leur communication sur cet aspect. Ce message est reçu 5/5 par les Français. En plus des contraintes géopolitique et budgétaire, s'ajoute la contrainte de l'emploi. Et les commandes militaires ce sont des emplois à la clé.
L'indépendance nationale est également importante aux yeux des Français. Aujourd'hui, on constate une vraie volonté d'aller plus loin dans l'Europe de la défense, à la fois pour des raisons idéologiques et pragmatiques. En période de disette budgétaire, l'idée est de se partager par le fardeau entre partenaires européens. On privilégie également l'Europe de la défense à une démission de notre statut de puissance moyenne et à l'idée de s'en remettre à l'OTAN pour notre protection. Les Français souhaitent très majoritairement que l'on conserve une indépendance en matière de défense et notamment vis-à-vis des Etats-Unis.
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