40 ans plus tard… ce dont nous aurions tout intérêt à nous souvenir de Giscard face à la crise de 1973<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
40 ans plus tard… ce dont nous aurions tout intérêt à nous souvenir de Giscard face à la crise de 1973
©Reuters

SOS fantômes

Valery Giscard d’Estaing est arrivé au pouvoir, il y a 40 ans, le 19 mai 1974 exactement. Il y est resté 7 ans. Giscard a prouvé que la France n’était pas ingouvernable et qu’on pouvait la réformer. Alors peut-être aurions-nous intérêt à revisiter son bilan et ses méthodes de gouvernance pour sortir du marasme dans lequel la présidence Hollande nous a enfoncé... Démonstration.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Voir la bio »

Valery Giscard d’Estaing, revenez, parce qu’ils sont tous devenus fous. Il y a quelques jours, croisant VGE à Paris lors d’une réception amicale, nous lui avions demandé comment il sentait la situation du pays, parce que nous lui disions que les français paraissaient découragés. L’œil s’est mis à friser comme à chaque fois qu’il va faire un bon mot.

"Normal qu’ils soient découragés. Le président est décourageant, vous ne croyez pas !"

A 88 ans, le président Giscard d’Estaing n’a rien perdu de sa vivacité à appréhender une situation et de son intelligence à dégager une stratégie. VGE n’arrête pas de voyager, de recevoir et d’écrire.

Il y a 40 ans, il entrait à l’Elysée après avoir été élu président de la République. Il succédait à George Pompidou mort prématurément dont il avait été le ministre de l’économie. Il arrivait au pouvoir dans une France en pleine crise pétrolière. Début janvier les pays producteurs de pétrole (l’OPEP) avaient décidé de quadrupler le prix du pétrole, plongeant ainsi l’ensemble du monde occidental dans une crise économique extrême parce que peu de pays s’étaient préparés à ce changement : tous les modèles de développement avaient été faits sur la base d’un pétrole peu cher (17 dollars le baril). Pour des raisons officiellement politiques, les pays pétroliers avaient brutalement multiplié par quatre le prix du baril : très rapidement, le pétrole a grimpé aux alentours de 80 dollars le baril.

Tout s’est passé comme si les pays consommateurs s’étaient retrouvés avec une ponction de revenus considérable, un impôt payé à l’Arabie Saoudite et aux Emirats, qui allait épuiser les plus faibles. Peu de pays étaient préparés à un tel changement.

Valery Giscard D’Estaing est arrivé au pouvoir dans ces conditions-là : il y est resté 7 ans. Le bilan et les méthodes de gouvernement mériteraient un examen détaillé tant l’équipe qui gouverne la France aurait intérêt à en tirer les leçons… d’autant qu’aujourd hui encore, VGE n’arrête pas de parler et d’écrire pour décrypter ce qu’il a fait et ce qu’il faudrait faire aujourd'hui.

Revue de détail du Giscardisme appliqué qui prouve que la France a été une fois dans son histoire capable de se réformer :

1ère leçon : Avant même de se présenter, VGE savait précisément ce qu’il voulait faire pour la France. Il l’a redit très récemment à plusieurs reprises, il l’a écrit. Valery Giscard d’Estaing pressentait que le renchérissement du prix du pétrole ouvrait une ère nouvelle au niveau du monde et qu’il fallait s'y adapter. VGE a donc toujours eu pour ambition de faire rentrer la France dans cette modernité : les Trente glorieuses étaient terminées. Cette époque où il suffisait de solvabiliser la demande – quelle stupidité   pour que les moteurs démarrent dans des espaces clos était enfin révolue.

L’énergie chère et  l’ouverture internationale allaient tout changer. VGE savait cela et il l’a dit pendant sa campagne présidentielle, sachant que les évolutions de cette économie appelaient des reformes structurelles douloureuses. VGE a dit la vérité aux Français : il faut dire qu’il s’était préparé à Bercy comme ministre de l’économie et qu’il avait pendant des années fait travailler des clubs de réflexion (Perspective et réalités), puis au sein d’un parti politique assez modeste qui regroupait les républicains indépendants. La ligne idéologique était libérale mais surtout très pragmatique. Il s’agissait avant tout de s’adapter aux contraintes et à la réalité. L’expliquer et informer sans cesse.  

La présidence actuelle est arrivée au pouvoir dans une France qui a besoin de s’adapter à la mondialisation et à la révolution technologique, mais François Hollande n’a pas dit la vérité pendant sa campagne, d’où sa difficulté politique. Les Français ne le croient pas.

2e leçon : Selon Giscard, la bonne gouvernance existe. VGE a mis a un point d’honneur à se choisir des collaborateurs et des ministres qui étaient hyper compétents dans leur domaine, qu’ils appartiennent à la classe politique ou à la société civile. VGE est le premier président à confier des responsabilités à des personnalités extérieures au monde politique, un peu à l’américaine. C’est ainsi que Simone Veil a pu jouer un rôle considérable (loi sur l’avortement), Françoise Giroud et Raymond Barre ont également fortement marqué de leur empreinte le gouvernement. Il ne s’agissait pas de faire des choix idéologiques, mais pragmatiques et efficaces.

3e leçon : Le réglage de la politique économique a eu pour objectif de donner à l’entreprise le plus de liberté possible. La réforme emblématique initiée par Raymond Barre a été l’abolition de contrôle des prix : ce contrôle de prix issu de la libération était une aberration dans le monde moderne. Ce contrôle des prix défendu par la gauche et la droite "souverainiste", le mot n’existait pas à l’époque, avait des effets catastrophiques et notamment l’inflation proche de 10%, ce qui minait toutes les structures. La liberté des prix a tué l’inflation, dopé la concurrence et par là-même l'activité industrielle et surtout la compétitivité. VGE, contrairement à Pompidou, n’est pas un passionné de politique industrielle dirigée par l’Etat. L’époque ne s’y prête plus, et lui n’y croit guère. Il pense qu’il faut laisser faire les entreprises. Aujourd’hui, après deux ans de tergiversation, le pacte de compétitivité défini en janvier par François Hollande n’est rien d’autre que la reconnaissance de l’entreprise comme agent central de création de richesse.

4e leçon : Au niveau de l’Etat, VGE et Raymond Barre ont tout fait pour contenir la hausse des dépenses publiques (en dépit de la crise pétrolière) et bannir l’idée que la dépense publique pouvait générer de la croissance. Une hérésie, disait Giscard. Une énorme C...  disait Raymond barre qui était moins policé que le président.  A la fin du septennat, VGE a laissé une France qui n’était pas plus endettée qu’au début avec un déficit budgétaire inférieur aux normes maastrichtiennes établies plus tard. La croissance s’est maintenue, et le chômage n’a jamais dépassé les 5% alors que les générations nombreuses de l’après-guerre sont arrivées au travail, au moment où lui grimpait les marches de l’Elysée. La  comparaison avec ce qui se passe en France depuis deux ans se passe de commentaires.

5e leçon : l’Europe. Dès le départ, il est convaincu que l’Union européenne est la seule aventure possible pour que ce continent puisse affronter l’émergence des asiatiques et les ambitions américaines. Il pense que le pétrole cher va redistribuer les cartes au profit de ceux qui ont l’intelligence et la capacité d’innover.

C’est l’époque où "la France n’a pas de pétrole mais elle a des idées". Le slogan serait de Giscard lui-même. Mais cette Europe ne peut fonctionner de façon solidaire que si et seulement si elle a une monnaie unique et une gouvernance. Il va donc avec le chancelier allemand Helmut Schmidt qui vient d’arriver au pouvoir lui aussi, mettre en place le serpent monétaire, c’est-à-dire un mécanisme qui contraint les monnaies à limiter leurs fluctuations entre un plafond et un plancher. Au fur et à mesure que l’on fera avancer la coordination des politiques budgétaires et fiscales, qu’on installera des institutions, et notamment la Banque centrale indépendante, on réduira les marges de fluctuation jusqu’à avoir des changes fixes. Des années plus tard avec Jacques Delors, l’euro est sorti des limbes du SME que Giscard  avait créé. Il reconnait aujourd hui que ses successeurs n’ont pas assez sérieusement conforté la monnaie avec une politique commune et surtout avec des institutions fédérales. La gouvernance Hollande ne fait faire aucun progrès à la construction européenne. Au contraire, elle la fait reculer.

6e leçon : La méthode de tournement pour réformer. Pour lui tout dépendait des hommes qui exerçaient les responsabilités. Il fallait que chaque ministre soit mû par cette idée qu’il fallait réformer la France sans pouvoir en aucun cas en tirer un bénéfice personnel en termes de carrière ou de profit en termes d’argent.

Par ailleurs, VGE gouvernait avec et pour 2 français sur 3 (le titre d’un de ses livres). Tout cela veut dire qu’on ne peut gouverner qu’au centre avec les sociaux-démocrates et les conservateurs libéraux. Ces deux populations se retrouvaient sur le terrain de la réalité et de la performance. En bref, en période de crise il ne peut pas y avoir de politique de droite ou de gauche, il ne peut y avoir de politique que bonne et efficace qui délivre des résultats. Là encore, la gouvernance actuelle pourrait s’en inspirer.

7e leçon : Les réformes sociétales. Réforme économique, prise en compte d’une meilleure compétitivité, VGE a tout fait pour faire évoluer la société vers plus de tolérance et de modernité. La loi sur l’avortement et l’abaissement de l’âge légal de la majorité à 18 ans, ont été parmi les réformes le plus spectaculaires de son époque. Son grand regret : ne pas avoir aboli la peine de mort. Cela dit, les réformes qu’il a fait passer allaient très souvent contre son camp d’origine, qui était de culture beaucoup plus conservatrice et même réactionnaire.

Paradoxalement, VGE a dû ferrailler dur avec la droite traditionnelle emportée par Jacques Chirac, beaucoup plus qu’avec la gauche.

François Hollande et Manuel Valls se battent aujourd hui avec une partie de leurs amis de gauche beaucoup plus durement qu’avec la droite. La posture politique est classique. Le problème aujourd hui est qu’en réalité, François Hollande n’a pas encore réformé l’appareil administratif et l’appareil économique. Il a commencé par les réformes de société (le mariage pour tous).

8e leçon : une leçon d’optimisme. Que faudrait-il faire aujourd'hui ? A lire et à écouter VGE qui s’apprête à fêter les 40 ans de son accession au pouvoir, la France et l’Europe s’en sortiront si les peuples comptent avec les autres. L’environnement international est une contrainte incontournable. Il faut donc s’y adapter. VGE dit que la jeune génération, celle qui arrive aux manettes et qui sort des écoles, ces jeunes sont habités par cette idée du changement. Ils sont formés et ils ont voyagé beaucoup. L’Europe est leur affaire (merci Erasmus et ses multiples auberges espagnoles). Cette génération a le culte du voyage, dit-il. Cette génération n’est pas obsédée comme la précédente par les 35 heures, les RTT et les ponts fériés à rallonge. Ces jeunes savent qu’ailleurs, en Asie ou en Amérique, à Dubaï comme en Afrique, les jeunes travaillent et ont envie de réussir.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !