Retour sur 2 ans d’interventions présidentielles : les annonces… et ce qui a vraiment été suivi d'effets<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande lors d'une intervention télévisée.
François Hollande lors d'une intervention télévisée.
©Reuters

Promesses en l'air

François Hollande a fait plusieurs déclarations et plusieurs promesses, dont notamment la fin des cotisations familiales d'ici 2017, des mesures "d'ampleur inédite" pour promouvoir les postes d'enseignants, la création de 50 000 emplois d'avenir en 2014 ou encore une harmonisation fiscale entre France et Allemagne. Retour sur ce qui a été suivi d'actions et sur ce qui ne pourra pas l'être.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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"Pourquoi ce pacte (de responsabilité) ? Parce que le temps est venu de régler le principal problème de la France : sa production. […] C’est donc sur l’offre qu’il faut agir. Sur l’offre !", François Hollande lors de la conférence de presse du 14 janvier 2014

Alexandre Delaigue : Agir sur l'offre ? Cela dépend ce qu’on entend par là. Il y a forcément une action sur l’offre mais la question est de savoir dans quel sens elle va. Si on décide par exemple que l’Etat va nationaliser toutes les banques, il y a une action sur l’offre. Évidemment ce n’est pas ce à quoi François Hollande fait référence. On n’est plus tout à fait en 1981. Ce qu’on peut noter c’est ce que François Hollande a fait, une poursuite des pratiques d’Etat brancardier, notamment au travers du ministère du Redressement productif. C’est-à-dire un Etat qui vole de sites en difficulté en sites en difficulté avec des plans d’urgence pour échapper à de gros plans sociaux. En revanche, on constate, notamment grâce à la récente problématique soulevée par les taxis que la mise en concurrence dans l'idée d'accroître l'efficacité économique, ça n'est pas vraiment la direction empruntée par le président.

Les quelques cotisations sociales concernant les entreprises, comme le compte A, s'inscrivent plus dans la continuité de ce qui se fait en France depuis 15 ans que dans une forme de changement véritable. Cela correspond à mettre un nouveau chapeau à une politique déjà ancienne et éprouvée.

A mon sens, ce genre de discours et de promesses n'a pas d'autre vocation que celle d'occuper le terrain. C'est une forme d'affichage, de communication, qui sert à masquer que globalement, on fait aujourd'hui des politiques qui n'ont plus grand sens, ni de grand contenu. C'est de l'affichage et de la communication, point. Et c'est là le problème de fond.

"Je fixe un nouvel objectif, c’est que d’ici 2017, pour les entreprises et pour les travailleurs indépendants, ce soit la fin des cotisations familiales", François Hollande lors de la conférence de presse du 14 janvier 2014

On peut toujours tout envisager. La vraie question est de savoir ce qui va se passer pour les dépenses correspondantes. Comment elles vont continuer à être financées ? Ou alors est-ce qu’elles vont cesser d’être financées ? Ce qui dans ce cas-là est la garantie à 100% de l’absence de réélection du gouvernement. La question est toujours la même. On peut toujours dire qu’on va supprimer certaines formes d’impôts et dire que dans l’absolu on va essayer de raboter quelques dépenses et au bout du compte peut-être que ça peut être fait. Il n'empêche que l'essentiel reste de savoir comment. On peut aussi dire qu’on va supprimer l’impôt sur le revenu d'ici là, si on le remplace par une CSG à 25%. Le problème reste le même ! On peut toujours faire des annonces, le tout est qu’une annonce comme celle-là s’accompagne de quelque chose.  Si on supprime ces cotisations pour les remplacer par la même chose sous un nom différent… C’est une grande pratique des réformes publiques en France. Il est bien clair que ça n’aura pas changé grand-chose. Si François Hollande va le faire ? Cela a l’air d’être quelque chose qui est bien parti pour être mis en place. Mais, je répète, la question est de savoir ce qui sera fait en même temps. Comment ça va accompagner la chose.

"Les emplois d’avenir. Ça a été rappelé : 120 000 jeunes ont déjà pu bénéficier de la formule ; nous voulons qu’il y en ait 50 000 de plus en 2014", François Hollande, lors de la Clôture de la rencontre sur le thème "L'Etat se mobilise pour l'emploi"

C’est quelque chose qui va probablement être un peu compliqué. Créer 50 000 nouveaux emplois, même d'"avenir" me paraît difficile à réaliser. Cela dit peut-être qu’en faisant une grande pression sur l’administration on arrivera à faire ce genre de chose…  Mais de fait, ce qu’il semble c’est que ça parait difficile à mettre en œuvre. Créer comme ça toute une série d’emplois publics… Là aussi, c’est toujours la même chose. Si on donne des objectifs à l’administration en disant qu’il faut impérativement créer les mêmes choses, on peut payer des gens à creuser des trous et à les reboucher. Ici la question est de créer ce type d’emploi de manière temporaire pour à la fois adoucir un peu le problème du chômage. Avoir, dans le même temps, un minimum d’utilité sociale c’est nettement plus compliqué.

"Les impôts sont devenus lourds, trop lourds, à force de s’accumuler depuis de nombreuses années. Nous devons dépenser moins pour réduire notre déficit mais aussi pour pouvoir, à terme, baisser les impôts", François Hollande lors de ses vœux de nouvelle année, 2014

Des baisses d'impôts, pour l’instant il n’y en a pas eu énormément. Pour l'heure il y a eu des augmentations en vue de réduire les déficits, mais ce qu’on peut dire c’est que le gouvernement rencontre toujours la même équation qui, au demeurant, est l’équation habituelle. C’est-à-dire que les gens veulent bien qu’on leur baisse les impôts. Les gens ne veulent pas qu’on baisse les dépenses publiques parce qu’à chaque fois qu’on propose d’en baisser une on lui trouve une utilité et elles en ont toutes. Toutes les dépenses publiques ont, à un certain point, une utilité. Et dans le même temps il faut réduire le déficit. Donc la triple contrainte c’est qu’on ne peut jamais aller bien loin dans la baisse d’impôt.

Il y avait eu l’histoire de la TVA sociale qui était annoncée et qui devait être supprimée. Au bout du compte quand on fait le total des mesures qui ont été entreprises, a été en pratique mise en place sous un nom différent. Il y a bien eu hausse de la TVA et il y a eu dans le même temps des mécanismes de baisse des cotisations sociales qui vont se poursuivre et qui vont même s’amplifier. C'est donc une démarche qui était la démarche de la TVA sociale sauf que François Hollande fait ça d’une manière qui ne doit pas ressembler à la TVA sociale. La TVA sociale c’est l’idée : on augmente la TVA pour baisser les cotisations sociales des entreprises. On dit : "on arrête ça" et puis après au bout du compte on augmente la TVA et on baisse les cotisations sociales des entreprises. Ça ne s’appelle pas une TVA sociale mais ça revient au même. C’est juste l’étiquette qui change mais pas le contenu.

Egalement y avait eu l’idée de créer la fameuse taxe 75% sur l’impôt sur le revenu qui a été mise en place mais pas tout à fait de la manière exacte qui était prévue, puis qui a été retoquée en partie par le Conseil Constitutionnel. Et, pour finir, qui donc est en place sans être en place. Mais on a toujours un peu de ce genre de chose. Il y avait toute une série d’annonces de réformes qui ont soit été faites sans être faites ou ont été claironnées sans qu’il y ait véritablement de contenu, comme la réforme bancaire. La réforme bancaire c’était la fameuse idée qu’il fallait séparer et cloisonner tout ce qui était spéculatif de l'utilité bancaire "normale". À la base ce n’était pas quelque chose qu’il était très facile de faire. Ce que l’on constate c’est que la loi qui devait faire ce genre de chose a été assez largement vidée de sa substance puisque seule une infime partie des activités bancaires est concernée par cette loi. Que ça soit une bonne ou une mauvaise chose ça c’est un autre problème, mais de fait ça avait été annoncé et au bout du compte on se retrouve avec quelque chose qui est particulièrement délayé.

"Parce que c’est la condition pour la réalisation du pacte de responsabilité, qui ne doit pas se traduire par un transfert de charges des entreprises vers les ménages. Je ne le supporterai pas, compte tenu aujourd’hui de l’état du pouvoir d’achat.", François Hollande lors de la conférence de presse du 14 janvier 2014

Pour l’instant il y a eu toute une série de hausses d’impôts. Il y a eu, également, des baisses de charges qui passaient surtout par le système du CICE, et vont maintenant se poursuivre. Logiquement, ces baisses de charges devraient être financées par "une action sur la dépense publique". Le seul problème c’est qu’il n’y a rien qui ressemble le plus à baisses de dépenses publiques que des hausses d’impôts. Les deux en réalité n’ont pas tant de différences que ça. Si vous créez par exemple un crédit d’impôt vous donnez l’impression que vous baissez les dépenses alors qu’en réalité vous diminuez les recettes. En réalité il est très facile de confondre des baisses de dépenses avec des hausses d’impôts. Très facile de faire l’un à la place de l’autre et inversement.

"Justice entre les générations, avec la priorité donnée à l’éducation nationale, avec des enseignants plus nombreux et mieux formés", François Hollande lors de ses vœux de nouvelle année, 2014

Pour l’instant il y a eu le programme de recrutement de postes commencé. C’est quelque chose qui va se faire sur un certain temps donc on ne sait pas encore ce qu’il en est. Par contre ce que l’on peut quand même noter c’est les difficultés de recrutement parce que, en particulier on l’a vu récemment avec le problème du CAPES de mathématiques, il n’y a pas assez de candidats pour certains de ces emplois publics.

Cette absence de candidats est due à des problèmes de niveau et parce que c’est bien gentil de recruter des enseignants, mais cela reste quelque chose qui ne remue pas les foules, spécifiquement quand il est question de collège et de lycée. Les gens ne sont pas très attirés par ce type d’emploi, surtout quand ils ont ce type de compétences.

Si ça n'est pas tant la faute de François Hollande cette fois-ci, qui tâche vraiment de rendre le métier attractif – et il s'avère que c'est extrêmement difficile, en raison des difficultés causés par le travail, les élèves et le niveau de rémunération… –, il parvient néanmoins toujours à recruter du personnel même si cela pose la question du niveau de recrutement. Sans que l'on sache, concrètement, ce qu'il fait sur les autres questions du même domaine.

"L’Allemagne, plusieurs fois, a dit qu’elle était prête à une Union politique. […] La France est également disposée à donner un contenu à cette Union politique. […] Ce n’est plus une affaire de sensibilité politique, c’est une affaire d’urgence européenne.", François Hollande lors du discours du Palais de l'Elysée le 16 Mai 2013

Ce sont deux pays qui sont très différents et il est relativement difficile de changer quelque chose à ça. Là encore c’est de l’effet de l’annonce et de la communication parce que l’Allemagne en France, ça fascine. Mais cela ne représente vraiment pas le genre de propos qu'il sera aisé de transposer sur une réalité concrète. Il s'agit, encore une fois, de faire voir quelque chose et détourner l'attention. Une grande partie de l’annonce des politiques relève de la politique de communication qui sert à occuper le terrain pendant que les difficultés se présentent.

Les structures de l'Allemagne et de la France sont totalement différentes. Rien n'est semblable ! Qu'il s'agisse du  degré de décentralisation, ou du degré de champ d’action de la fonction publique … Harmoniser ces deux pays,  c’est tout simplement impossible à faire dans l’absolu. Cela ne veut évidemment pas dire qu’on ne peut pas baisser un peu la fiscalité en France mais converger en totalité vers l’Allemagne ça parait "relativement compliqué", pour dire peu.

"Je pense que nous devons inverser la courbe du chômage d'ici un an de façon à ce que nous ayons véritablement des progrès dans le cadre de cet agenda 2014 que je propose aux Français.", François Hollande, lors d'une interview menée par Claire Chazal, pour TF1, le 9 Septembre 2012

À question naïve, réponse courte, la réponse est non. Non, elle n’a pas été inversée, cette courbe du chômage.

"La France est la France quand elle va de l’avant sur l’égalité des droits […], et sur le respect de la dignité humaine -y compris lors de la fin de la vie.", François Hollande, lors des vœux qu'il adresse aux Français le 31 décembre 2012

François Hollande voudrait un échange apaisé. Ce qu’on peut quand même noter à ce sujet, c’est qu’il y a eu un débat sociétal particulièrement violent à l’occasion de la question du mariage pour tous et que ce n’est peut-être pas le moment le plus judicieux pour se relancer dans les mesures sociétales qui peuvent poser quelques problèmes. Peut-être que ça sera un peu plus consensuel mais accepter les personnes qui vont être dirigées contre cette loi sur l’euthanasie, qui  sont peu ou prou les mêmes que celles qui se sont mobilisées contre le mariage pour tous, pourrait faire avancer les choses. Il est tout à fait possible que ça relance exactement les mêmes problèmes.

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