François Hollande voit le retournement de l’économie arriver : pourquoi il n’a toujours rien compris à la crise <!-- --> | Atlantico.fr
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"On est entré dans la deuxième phase du quinquennat, le redressement n'est pas terminé, mais le retournement économique arrive", a déclaré le président de la République au JDD.
"On est entré dans la deuxième phase du quinquennat, le redressement n'est pas terminé, mais le retournement économique arrive", a déclaré le président de la République au JDD.
©Reuters

Toujours pas...

"On est entré dans la deuxième phase du quinquennat, le redressement n'est pas terminé, mais le retournement économique arrive", a déclaré le président de la République au JDD. Mais la croissance annoncée à 1 % d'ici la fin de l'année représente plus une stagnation qu'une quelconque reprise.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : François Hollande s’est confié ce dimanche au JDD et a déclaré "On est entré dans la deuxième phase du quinquennat, le redressement n'est pas terminé, mais le retournement économique arrive".  Le Président a-t-il des raisons d’être optimiste ?

Nicolas Goetzmann : Il est indéniable que les prévisions économiques sont plus optimistes pour les prochaines années que pour 2012 et 2013 : 1% de croissance en 2014, 1.7% en 2015, et 2.25% pour les deux années suivantes, 2016 et 2017. Ces prévisions font aujourd’hui consensus pour 2014 mais se révèlent peut être trop optimistes pour la suite. Ce qui est inquiétant, et ce que ne semble pas comprendre François Hollande, est qu’une croissance de 1% n’a rien à voir avec un retournement économique. Pour un pays comme la France, une croissance de ce niveau n’est qu’un minimum, il s’agit bien plus de stagnation que d’une quelconque reprise.

Suite à une crise d’une telle ampleur, qui a couté 10 points de croissance et 10 points d’inflation au pays, c’est-à-dire 20 points de « demande », une reprise devrait ressembler à autre chose, des chiffres proches de 3% seraient simplement « normaux ». Mais le Président se contente de peu, ce qui marque sa tacite acceptation de ne pas aller plus loin pour redresser le pays. Le plus inquiétant pour lui est que ces chiffres ne suffiront pas à produire une baisse significative du chômage, ce qui le mettra en situation d’échec. Le nombre de chômeurs a augmenté de près de 500 000 personnes depuis son arrivée au pouvoir, il est aujourd’hui peu probable qu’il puisse solder son quinquennat par une baisse du chômage. Si rien de plus n’est fait, on peut déjà considérer que c’est plié de ce côté-là. Pour créer 500 000 emplois en 3 ans, il va falloir autre chose qu’un pacte de responsabilité. Pacte qui, à force de changer tous les jours, n’est plus compris par personne d’ailleurs. Le Président ne peut que compter sur la croissance mondiale pour espérer faire mieux, sur les Etats Unis par exemple. Mais cela n’est pas une politique.

Quelle peut-on déduire de cette déclaration sur la stratégie de François Hollande ?

Il devait effectivement avoir une stratégie en 2012, mais ce qui est fait aujourd’hui ressemble plus à de l’improvisation. Le problème est en fait assez simple ; le Président a commis une erreur de diagnostic de crise dès le départ. François Hollande s’est appuyé sur sa conviction de la nature cyclique de l’économie et il pensait que le fardeau qui avait pesé sur les épaules de la France depuis 2008 allait s’inverser progressivement. Ce redressement « cyclique » n’est en fait jamais intervenu parce que le Président et ses conseillers se sont tout simplement trompés. Parce que la crise de 2008 n’est pas une « bête » crise cyclique comme celle que nous avons connue lors de la défaite de Lionel Jospin en 2002.

Ce qui me semble extraordinaire est que le débat économique est quand même assez riche depuis 2008, et il aurait suffi de quelques efforts pour se rendre compte que quelque chose n’allait pas avec une telle vision de la crise. Bien évidemment, avec une erreur de diagnostic, François Hollande s’est trompé de remède. Hausse des impôts et patience étaient les deux mamelles de son programme. Les résultats sont évidemment calamiteux et ont provoqué le tournant de l’ « offre » avec le pacte de responsabilité dévoilé le 4 janvier dernier. C’est le pompon. La première erreur n’a pas immunisé le chef de l’état pour en commettre une seconde, parce que l’offre c’est bien, mais lorsque la croissance est nulle et l’inflation est proche de 0, c’est du côté de la demande que ça se passe. (La demande est la somme de la croissance et de l’inflation).  Je crois sincèrement que le Président n’est toujours pas conscient de la nature de la crise, de sa profondeur, et des remèdes nécessaires à sa résorption. Nous sommes face à une crise de nature monétaire comme cela a été le cas en 1929. Pas une crise de l’ « euro » en tant que tel, mais une crise de gestion monétaire. Et comme en 1929, la France et l’Europe sont incapables d’établir un tel diagnostic. Peut-être est-ce une crise de la pensée économique de l’Europe continentale. En tout cas, c’est ce que disent les chiffres.

Après s’être trompé sur l’inversion de la courbe du chômage, que peut faire François Hollande pour éviter une nouvelle défaite sur ses prévisions économique ?

Depuis l’arrivée de Manuel Valls au poste de Premier Ministre, il y a une sorte d’amélioration sur le discours. A chacune des annonces faites par le nouvel arrivant, il est fait mention de la nécessité d’une « politique monétaire plus active ». Selon Manuel Valls, c’est François Hollande qui se chargera de ce point, après les élections européennes. Mais lors de son entretien au JDD, le Président n’a pas repris les mots de son Premier Ministre alors qu’il aurait au moins pu donner l’impression d’avoir une stratégie. C’est-à-dire appliquer une politique de rigueur sur le plan budgétaire et de relance sur le plan monétaire. Ce qui est tout simplement la politique menée aux Etats Unis et au Royaume Uni, c’est-à-dire dans les pays où la croissance et l’emploi sont de retour, ce qui n’est pas anecdotique. Et bien non, pour le moment, le Président se tait.

Mon sentiment est que tout va se jouer le 26 juin prochain lors du prochain Conseil Européen. Parce que ni le Parlement, ni la commission européenne ne vont changer quoi que ce soit à la politique européenne, même après les élections, il ne s’agit ici que de folklore institutionnel. Un véritable changement de politique ne peut se négocier qu’au Conseil, lorsque tous les chefs d’état sont réunis. Et les déclarations de Manuel Valls vont en ce sens : François Hollande veut négocier une politique monétaire plus active après les élections ; et le lieu d’une telle discussion est bien le conseil européen. Mais le Président ne pourra se contenter de tenter de « gratter » quelque chose. S’il veut véritablement changer les choses en Europe, il va falloir renverser la table. En finir avec une BCE qui applique une gestion obsolète de la monnaie européenne et une refonte totale du mandat de l’autorité monétaire, pour faire de l’euro une monnaie de croissance. Sans cela, ce sera l’échec assuré et presque définitif du Président Hollande.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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